Seconde grande population de la prostitution masculine, les “Algériennes” ont fui un pays où elles risquent la mort.
“Si je rentre en Algérie je me fais égorger dans la minute.” Sarah résume la situation d'extrême précarité des transsexuelles algériennes en situation irrégulière. Menacées de mort par les islamistes, elles n'ont pas la chance des sud-Américaines. Elles sont travesties dans un pays qui condamne l'homosexualité de deux mois à deux ans de prison, transsexuelles dans un pays musulman. “En 1996, les groupes armés ont tué une copine à cause de ses seins. Elle était hormonée, beaucoup trop voyante elle est morte dans son quartier à Bab El Oued.”

“Mes frères auraient
honte de moi”

La crainte de Deborah rejoint mot pour mot celle de Sarah. Comme elle, elle n'envisage pas de retrouver sa famille, ses amies. Elle les appelle souvent. Pour dire que tout va bien, qu'elle travaille dans un bar, le soir. Au pays, elles n'ont jamais déclaré leur homosexualité, alors révéler qu'elles arpentent toutes les nuits le boulevard Ney en bas résille et cuissardes... “C'est l'honneur de toute ma famille qui est en jeu”, explique Deborah. “Mes frères auraient honte de moi”, souligne Sarah.
Les Algériennes ne plaisantent pas. Une simple photo prise par une “soeur” dans une soirée peut devenir un terrible instrument de chantage lorsqu'on menace de l'envoyer au “bled”. Planquées parmi les planquées, elles ont passé la frontière à l'aide d'un visa acheté à prix d'or par d'occultes passeurs. Elles ont détruit leurs papiers d'identité depuis longtemps. Sans nom, sans droit, elle craignent les rafles épisodiques et le dépôt.
Quand arrive le moment crucial de l'identification de la personne par l'Algérie, certaines soutiennent être Françaises. Les autres donnent une fausse identité algérienne, prétendent ne pas connaître l'hymne national qu'on leur fait chanter, se trompent dans la géographie. En dernier ressort, l'attitude plus conciliante des fonctionnaires du consulat depuis le début de la guerre civile leur permet d'éviter l'expulsion.

“Leur espérance de vie c'est de la porte de l'aéroport
à l'aire de taxi”

Elles sortent, libres... et reviennent. Car quelques mois plus tard, rien n'a changé. Elles sont toujours transsexuelles, toujours prostituées et toujours en situation irrégulière (lire Le cercle vicieux de la clandestinité). Les procédures d'asile politique ne fonctionnent pas car il n'est pas prouvé qu'elles sont menacées directement par le gouvernement.
“Et pourtant, martèle Fabrice Boudinet, de l'Amicale du Nid, qui suit depuis trois ans certains dossiers de régularisation, ces gens risquent la torture, le viol, leur espérance de vie, c'est de la porte de l'aéroport à l'aire de taxi... nous pensons que ces gens là devraient être régularisés, parce que c'est la loi”. Pour elles, reste en effet l'asile territorial et ses chiffres encourageants : 8 dossiers acceptés en 1998 (Lire Les accueillir oui, les régulariser non).
Jean-Baptiste VEY
Le parcours d'un clandestin