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Thierry Paquot
Des corps urbains, Sensibilités entre béton et bitume
Editions Autrement, Collection « Le Corps, Plus que jamais », mars 2006, Paris.

lundi 1er mai 2006, par Caroline Jouneau-Sion

Thierry Paquot, géographe, professeur à l’Institut d’urbanisme de Paris, éditeur de la revue Urbanisme, producteur de l’émission " Côté ville ", sur France-Culture (entre autres choses), évoque dans cet essai la place du corps dans la ville.

Ce tout petit essai est organisé en 5 chapitres thématiques. Le premier, « Dans la rue : urbains trop urbains ! », est un historique de la ville et des formes qu’elle prend. La ville de l’antiquité gréco-romaine s’organise en suivant la cosmogonie du peuple qui l’habite mais aussi en fonction des considérations pratiques (l’ensoleillement ou la circulation de l’air chez Platon). L’homme grec peut s’y promener nu et entretient avec sa cité un rapport amoureux. La présence des hommes donne aussi sa forme à la ville : l’agora prend la forme que lui donne la présence des hommes rassemblés. A Rome, c’est la législation qui donne son aspect à la ville : hiérarchie des rues qui copie l’organisation sociale, propreté organisée par l’Etat.

Au Moyen-âge, les rues suivent le relief, sans ordre apparent. “La rue appartient à ceux qui s’y installent”, c’est un espace de violence où le faible ne survit pas. Par contraste, la ville des XVIIème et du XVIIIème siècle est plutôt basée sur des principes de beauté, de régularité et surtout d’habitabilité (trottoirs, éclairage, numérotation...) qui perdurent au XIXème siècle. La police y joue un rôle plus important. La rue est aussi un lieu d’exhibition des corps : alors que les “promenades” se généralisent,la rue reste en même temps un lieu où s’expose le corps des pauvres qui y trouvent refuge. La rue parisienne, régularisée par Haussmann, devient un lieu de spectacle.

Avec la naissance de l’“urbanisation” (Ildefonso Cerda), la ville est pensée pour que le corps et l’esprit puissent s’y épanouir. Des artistes tels que Arturo Sorya y Mata ou Ebenezer Howard, créent des villes utopies (La “ville linéaire”, les “cités jardins”) en travaillant beaucoup sur la circulation pour apporter une véritable qualité de vie.

Après la seconde guerre mondiale, le règne de l’automobile amène les municipalités à nier ces principes au nom d’une meilleure circulation. Les centres-villes deviennent dangereux pour les piétons et les “tours” collectives voient leurs espaces verts se transformer en parkings. Thierry Paquot donne ensuite son point de vue sur les améliorations à apporter à la ville pour l’humaniser : redonner une identité aux quartiers, différencier les axes de circulation, ... Il cite des utopistes du XIXème siècle comme Tony Moilin et Charles Buls qui voulaient rendre à la rue son rôle de spectacle gratuit pour y attirer les flâneurs. Aujourd’hui, seules les fêtes urbaines tiennent ce rôle. Elles permettent aussi aux piétons, aux habitants de s’approprier la ville : observer, expérimenter ses usages divers, comme le prescrivait Georges Pérec, laisser nos corps communiquer. L’auteur imagine ensuite l’impact des nouvelles technologies sur la présence du corps dans la ville : le téléphone “absentéise” le corps de celui qui téléphone, certains services offerts par les opérateurs téléphoniques inciteront le touriste à regarder son écran plutôt que le paysage qui s’offre à lui.

Le chapitre 2 « Des pieds et des mains : chorégraphie urbaine » étudie les postures des mains et des pieds comme éléments signifiants du corps dans la ville ; Thierry Paquot en détaille les positions dans les endroits les plus caractéristiques de la ville, ou plutôt de la métropole : métro, terrasses de cafés, campus d’université...

Dans le chapitre 3 : « Debout, assis, couché : entre béton et bitume », il décrit de la même façon le sens de chacune de ces positions dans le milieu urbain. Le debout de celui qui attend, de celle qui marche, du fatigué qui se courbe ; l’assis sur un banc, dans le métro ou sur une selle ; le couché qui "sieste" ou qui cuve son vin. L’auteur raconte ses heurts avec un cycliste ou une promeneuse, les rencontres avec ses voisins, s’emporte contre le nouveau matériel urbain qui "privilégie l’esthétique contre l’accueillance", en bref il raconte "sa" ville vécue, sa ville rêvée.

Le chapitre 4 « Les cinq sens » commence, comme tous les autres, par un peu d’étymologie sur le mot-clef du chapitre. Quatre des cinq sens sont ensuite décrits dans leur rapport avec l’espace urbain. La perception auditive de la ville a beaucoup changé depuis le moyen-âge mais la ville est toujours le lieu des bruits qui s’entrechoquent. Aujourd’hui, ces bruits sont étudiés et même cartographiés (p. 66). Viennent ensuite le toucher (ou la peur de toucher), l’odorat, de la puanteur aux senteurs rajoutées des croissanteries, en passant par le béton parfumé utilisé dans les résidences pour malvoyants. Il termine par la vue : la perception visuelle de la ville a changé depuis la généralisation du verre correcteur et de l’éclairage urbain, donnant naissance à une "culture du regard", des impressionnistes aux photographes. La ville bouge, sans cesse, donne trop à voir. La lecture du paysage urbain en est d’autant plus difficile. Il reprend ensuite les idées de la sémiologie sur "la ville qui fait signe" en quelques pages agréables.

On ne sait pourquoi, l’auteur ne parle pas du goût qui pourtant n’est pas absent des rues : restaurants de traditions diverses, bars à eau des capitales, distributions publicitaires de yaourts et autres gâteaux, SDF dévorant des restes de sandwiches...

Dans le dernier chapitre « Marcher : mettre ses pas dans les pas de la ville », Thierry Paquot décrit les différentes façons de marcher dans la vile : la promenade rectiligne, la flânerie qui naît avec la métropole moderne. Il termine par la “dérive”, détournement des usages de la ville prôné par les situationnistes : la rue espace de gratuité devient un lieu de vie autant que de passage, un lieu d’errance pour jeunes désoeuvrés.

En conclusion, l’auteur voit la ville comme un espace civilisateur, qui donne des règles, qui brime la spontanéité mais permet la liberté : un espace de culture. Un lieu d’isolement aussi, d’uniformisation, mais un lieu que le corps humain continue à transformer à sa convenance.

La bibliographie commentée est intéressante et agréable à lire, sur les différents thèmes traités dans cet essai : la ville, le corps, l’espace public, la rue, les places, les postures, les cinq sens, marcher. Pas de longue liste d’ouvrages mais quelques livres choisis et appréciés.

Commentaire

Ce livre est une promenade plus qu’une oeuvre de philosophie : Thierry Paquot nous emmène en visite dans sa ville, au gré de ses petits plaisirs parisiens et de ses colères de citoyens. Pas de théorie donc, mais une conversation entre amis, illustrée de petites scènes de son quotidien et parsemée de ses citations préférées, marquées d’une corne dans ses livres de chevet. Un livre agréable donc, une ouverture sur la ville que les nombreuses références évoquées inciteront à approfondir.

Pour l’enseignant ?

L’enseignant n’y trouvera que très peu de géographie au sens universitaire du terme : pas de spatialisation, pas de typologie des lieux, pas de cartes ni de schémas. Cependant, on pense en lisant ce livre aux « parcours sensibles », approches croisées de la ville proposées par le CAUE du Nord ou encore aux aspects culturels du paysage évoqués par l’équipe du Laboratoire de Méthodologie de la Géographie de l’université de Liège

On pourra donc trouver dans ce livre de l’inspiration pour préparer une sortie sur le terrain, un travail sur le thème de la ville, du quartier, de l’environnement. La bibliographie commentée permettra d’aller plus loin sur les thèmes de l’utilisation de l’espace urbain, de l’interaction entre l’homme et la ville, du rôle de l’urbanisme dans les problèmes urbains. On y trouvera aussi des pistes pour un travail interdisciplinaire : des auteurs, des peintres, des architectes, des chanteurs... Ce livre n’est pas indispensable, c’est une petite synthèse informelle, un petit plaisir pour découvrir la notion de ville sous un angle différent, avec ou sans les élèves.

© Clionautes

 

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