Vincent Duclert
Alfred Dreyfus. L’honneur d’un patriote
Fayard, 2006, 1244 p.
lundi 24 avril 2006, par
Stéphane Haffemayer
L’affaire Dreyfus (1894-1906) est probablement le premier événement historique combinant l’opinion publique, la presse à grand tirage et la mobilisation des consciences individuelles dans un combat politique à dimension universelle. Pour Péguy, même finie, elle « revient malgré tout, comme un revenant, comme une revenante ». Au milieu des milliers de livres existant sur l’Affaire, Vincent Duclert, maître de conférences à l’ENA, y a déjà consacré de nombreux travaux (L’Affaire Dreyfus, 1994 ; Le Parlement et l’Affaire Dreyfus, 1998, etc.). Le sujet trouve ici son prolongement avec la biographie, inédite, de son principal acteur, dont l’ambition est de relever l’engagement personnel, le combat contre l’injustice, sans lequel l’affaire n’aurait pas connu un tel retentissement. C’est vrai qu’en dehors de l’ouvrage de Michael Burns sur la famille Dreyfus, la fièvre éditoriale s’est davantage emparée de l’affaire que des principaux protagonistes.
Fondée sur des sources de première main, cette solide biographie déroule en seize chapitre la carrière d’un brillant officier diplômé de polytechnique, soldat passionné, stagiaire dans un état-major qui n’était pas de son monde. L’auteur consacre des pages éclairantes à l’antisémitisme, déclaré ou caché, qui régnait à l’état-major. Pour lui, l’élimination de Dreyfus était programmée. La majeure partie de l’ouvrage décrit ensuite le long parcours judiciaire qui le mena sur l’île du Diable. Beaucoup apprécieront sans doute le récit circonstancié de la cérémonie de la dégradation (1895), si bien connue par l’image, si peu dans le détail. Un long chapitre décrit la résistance de Dreyfus, avant de rebondir sur le combat public qui enflamma l’opinion (le célèbre J’accuse de Zola, 1898) et précéda une réhabilitation inachevée en 1906. La fin de l’ouvrage décrit la fin d’un lieutenant-colonel usé par les fatigues de la première guerre mondiale, sa mort dans un silence quasi général en 1935. Objet d’un conflit de mémoires, l’Affaire Dreyfus devrait connaître en 2006 l’actualité du centenaire de sa réhabilitation. Un premier pas est franchi avec cette œuvre de réhabilitation d’un homme dont la mémoire « comme être humain et comme acteur de l’Affaire a été perpétuellement dégradée, y compris par certaines institutions publiques »...
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