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Pierre Civil et Daniel Boillet (études réunies par)
L’actualité et sa mise en écriture aux XVe, XVIe, XVIIe siècle. Espagne, Italie, France et Portugal
Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2005, 283 p.

mardi 25 avril 2006, par Stéphane Haffemayer

En dehors de Jean-Pierre Seguin et de son étude pionnière des canards, peu d’historiens se sont intéressés à l’histoire de l’information au cours de la première modernité ; pourtant, grâce à l’imprimerie, la première modernité se traduit par une perception nouvelle de l’actualité.

C’est dire l’intérêt de ces études consacrées à différents modes de représentation textuelle de l’actualité dans l’aire méditerranéenne occidentale entre XVe et XVIIe siècle. En 2000, dix-sept chercheurs se sont réunis dans le cadre d’un colloque organisé à Paris III Sorbonne-nouvelle par le LECEMO (Les cultures de la Méditerranée occidentale face aux problèmes de la modernité, XVe-XVIIe siècles). Des chercheurs d’horizons différents (littérature, histoire culturelle, sociologie historique) mais réunis dans une même perspective, celle de la fabrication de l’événement, selon des supports et des formalisations différenciées, pour une observation commune : les procédés de mise en texte et sa codification littéraire produisent gauchissement, manipulation et réduction d’une actualité que l’on entend exploiter. Ces modalités de médiatisation par le texte constituent le fil conducteur des communications réparties en quatre axes : enjeux et problèmes de fonds de la mise en écriture de l’actualité, actualité du pouvoir monarchique, actualité et religion, actualité et formes littéraires.

Parmi les problèmes de fonds évoqués, celui de l’événement occupe une place centrale ; pour Frédérique Verrier, qui présente les spécificités littéraires des Ragionamenti de Francesco Carletti (récits de son voyage autour du monde, de 1594 à 1606), « c’est la mise en écriture qui fait l’événement, et non le contraire » (p. 13). Lorsque le diario se perd dans un naufrage, c’est de réécriture plurielle qu’il s’agit, alimentée par plusieurs sources, modifiée au fil des versions.

Les tensions politiques nées des régences de Marie de Médicis puis d’Anne d’Autriche marquent la culture littéraire du XVIIe siècle : pour Ana Clara Viegas Santos, la scène cornélienne et racinienne témoigne d’une formidable tension entre deux figures, celle de la mère et celle de la souveraine. En décrivant la faiblesse et l’impuissance de la Reine-mère en conflit avec ses fils, Corneille et Racine reflètent l’opinion du siècle sur l’inaptitude des femmes à l’exercice de la souveraineté : « la mère en position de pouvoir ne peut être que l’œuvre du mal » (p. 38).

En italien et en espagnol, Tobia Toscano et Maria Teresa Cacho évoquent les problèmes d’édition à Naples au milieu du XVIe siècle et le Dialogo de Caronte con el Alma de Pedro Luis Farnesio attribué à Diego Hurtado de Mendoza (1547). Dommage que ceux-ci ne soient pas traduits.

Les chroniques napolitaines de la Renaissance offrent de nombreux exemples d’écriture d’une actualité qui se veut discours historique, de propagande et de célébration (Carlo Vecce). Une particularité ressort de ces textes, la très forte identification de certains chroniqueurs à la classe moyenne supérieure des Napolitains : une dépersonnalisation et l’expression d’une conscience collective que l’on retrouve étrangement dans la construction des nouvelles napolitaines de la Gazette au milieu du XVIIe siècle (Haffemayer, 2002). Les particularités de l’information sont déjà en germe : le caractère descriptif et le goût des détails, l’intérêt pour le merveilleux assorti de considérations morales ; chez le chroniqueur Ferraiolo, fonctionnaire du parti aragonais, les grands événements décrits de 1442 à 1498 sont des spectacles sur le grand théâtre du monde (p. 89).

Michel Garcia livre un travail d’enquête sur les conditions d’élaboration de la nouvelle de l’assassinat du duc d’Orléans (23 novembre 1407) qui parvint en Castille au roi Charles III de Navarre : la construction complexe du récit par Fernan Pérez suppose des sources d’information variées, faite de témoignages recoupés en vue d’une reconstitution exacte de l’événement.

Après son étude très complète de 1998 sur l’entrée de Charles Quint à Florence le 28 avril 1536, Michel Plaisance s’intéresse cette fois aux témoignages croisés d’Anton Francesco Grazzini, dit Lasca, et de Giorgio Vasari. Pour Grazzini, l’entrée de Charles Quint ressuscite le mythe impérial ; en bon courtisan, Vasari, élargit sa vision aux deux acteurs mais sa description en fait un triomphe florentin organisé par son maître Alexandre de Médicis pour honorer son beau-père l’empereur. Au-delà de l’entrée, les récits reflètent les enjeux de la situation florentine.

Les récits de la mort de Concini ont suscité de nombreuses études, notamment d’Hélène Duccini. Marie-Madeleine Fragonard s’intéresse à leurs différents modes d’expression littéraire : altération fondamentale de l’histoire, diversité stylistique (dramatique, burlesque, narrative) : pour elle, cette montée du principe de bouffonnerie dans la représentation du personnel politique s’inscrit dans le prolongement de la révolution que représente la Satyre Ménippée, réponse moqueuse à la dramaturgie des textes ligueurs (p. 129). L’auteur en tire une observation capitale sur la place du burlesque comme mode d’expression politique. Opératoire bien avant les mazarinades, présent dès 1589, il forme une « excroissance satirique des textes politiques qui ne se résorbe dans aucun des courants idéologiques racontables » ; d’une construction savante, il ne s’agit en rien de textes populaires ni d’un « cri du peuple pressuré ». La nouveauté avec la mort de Concini est « l’entrée en jeu politique d’une expression incontrôlée : dans une furieuse activité de presse, l’invasion de la pensée d’irrespect » (p. 136). Une question reste posée par l’auteur, en conclusion sur les conditions de la survie, ou non, du burlesque dans les libelles du temps de Richelieu.

En 1619, le Portugal n’a pas encore sa Gazette (Gazeta de Lisboa, novembre 1641) : poèmes et discours célèbrent l’événement que représente la visite de Philippe III. Anne-Marie Quint en propose une étude chronologiquement comparée : écrites en espagnol, les relations qui suivent l’événement sont dithyrambiques, entre l’éloge du roi et la magnificence de Lisbonne. Pero Roiz Soares relève toutefois les motifs de ressentiment des Portugais à l’encontre des Espagnols : plusieurs grandes familles portugaises ont dû s’endetter sur plusieurs années afin de tenir leur rang ; de l’autre côté, l’arrogance du duc d’Uzeda, fils du duc de Lerme, favori du roi, à cheval et couvert lors des entrées, a pu choquer nombre de Portugais. Le ton change après la restauration de 1640 : la réécriture des années 1660 privilégie la loyauté des sujets portugais de Philippe III et la mauvaise conduite des Espagnols dans un évident souci de légitimation de la dynastie des Bragance.

Troisième axe des communications, le rapport de la religion à l’actualité. S’il est un domaine où il importe de communiquer, c’est bien celui du miracle, très présent, par exemple, dans l’information périodique de la Gazette. A la différence de l’événement, le récit miraculaire s’inscrit dans une perspective narrative plus large (p.153) ; d’après Françoise Crémoux, les relaciones de milagros du monastère de Guadalupe, dans l’Espagne au XVIe siècle, accordent une large place à l’actualité récente (épidémies de peste, tremblements de terre, conflits militaires, etc.) : cette irruption de l’événement politique dans le récit miraculaire n’en fait pas pour autant un récit d’actualité : les récits sur les Comunidades se trouvent effacés des codex lorsque leurs repères chronologiques se faisaient plus précis, de manière à laisser au récit son aspect miraculeux, atemporel.

L’écriture de l’actualité peut aussi servir une stratégie personnelle comme dans le cas de l’Arétin dont le Pronostic de 1533 puis les Psaumes de 1534 s’adressent successivement au roi de France puis au pape Paul III (Elise Boillet).

Récit d’édification collective, le Triunfo de la fe en los reinos del Japon étudié par Pierre Civil est une œuvre de commande des dominicains des Philippines à Lope de Vega à propos des persécutions subies par les chrétiens du Japon au cours de la période 1614-1615 ; refusant l’exotisme et le pittoresque, le travail de réécriture réalisé par Lope à l’aide de matériaux plus ou moins inédits se trouve en conformité avec les idéaux de l’Espagne de la Contre-Réforme : « Plus qu’à l’actualité des événements du Japon c’est à l’actualité du martyr que s’attache Lope de Vega » (p. 201). Le dernier axe abordé « actualité et littérature » rappelle que l’événement est une réalité à jamais perdue et que n’en reste que sa « fixation dans une forme littéraire destinée à le rendre crédible » (Sophie Houdard) : les textes d’actualité sont des « verres déformants » (Carlo Ginzburg) fabriqués selon des modèles textuels parfois fort anciens : l’exécution de De Thou en 1642 donne lieu à un récit de martyre proche du mythe hagiographique bien éloigné de l’actualité politique.

Au-delà de ces études de cas, c’est bien du rapport entre l’écriture et l’histoire qu’il s’agit, de l’événement qui n’existe pas, ou plutôt n’existe que dans sa construction littéraire, une construction mettant en œuvre une problématique complexe.

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