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F Ploux - De bouche à oreille...
Naissance et propagation des rumeurs dans la France du XIXe siècle.
Aubier 2003

jeudi 22 mai 2003, par Stéphane Haffemayer

F Ploux - De bouche à oreille. Naissance et propagation des rumeurs dans la France du XIXe siècle. Aubier, collection historique, 289 p.
CR par Stéphane Haffemayer, docteur en Histoire moderne, auteur de "L’information en France au XVIIe siècle : la Gazette de Renaudot de 1647 à 1663", Champion, 2002.

Aujourd’hui, la rumeur ne désigne plus qu’un bruit qui court, généralement faux ; il a perdu sa dimension séditieuse. Au XIXe siècle, le mot, lorsqu’il est employé par les autorités, est porteur de la menace d’une foule en mouvement ; l’étudier revient donc à aborder un imaginaire social mal connu pour les premières années du XIXe siècle.

François Ploux, maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud, est un bon connaisseur des mouvements populaires et de la réaction des autorités à leur encontre (il a publié l’année dernière un ouvrage sur les guerres paysannes en Quercy). Il souligne la fécondité des sources de l’Administration qu’il a exploitées (séries F et BB des Archives nationales et M des Archives départementales), mais aussi leur inconvénient, qui vient de la sur-représentation des rumeurs subversives.

L’ouvrage est constitué de deux parties : la première s’intéresse au phénomène que constitue la rumeur, sa dynamique, de la naissance à sa propagation. La seconde s’appuie sur le cas particulier du bonapartisme et de ses imaginaires et tente de démontrer que la rumeur fut un "vecteur fondamental de son enracinement dans les classes populaires" et qu’elle a joué un rôle dans la "politisation des Français entre la Restauration et la chute du second Empire".

Le problème posé par l’ouvrage tient dans la difficulté de saisir le phénomène à partir de sources officielles. Le sujet nous échappe dès le début de l’ouvrage consacré à l’essor de la presse d’information à partir de 1789 et au cours du XIXe siècle. Certes, il s’agit de montrer que malgré son amélioration quantitative et qualitative, l’offre informationnelle reste insuffisante par rapport à une exigence sociale de plus en plus forte, ce qui se traduit en province par une pénurie chronique de nouvelles, mais les régions moins favorisées par la diffusion des périodiques, au sud de la ligne Cherbourg - Genève, ne sont pas davantage touchées par la rumeur que les autres : les insuffisances structurelles de l’information ne fournissant en aucun cas un élément d’explication au développement de la rumeur, on est un peu dérouté par cette entrée en matière qui contourne la question.

En revanche, les sources éclairent parfaitement la stratégie du pouvoir pendant la Restauration pour empêcher et punir les propos séditieux (ni la monarchie de juillet ni le Second Empire ne firent preuve de la même détermination pour lutter contre les fausses nouvelles). Mais face à la force du phénomène, les autorités paraissent le plus souvent impuissantes, comme lorsqu’elles tentent de contrôler et ralentir la diffusion de la nouvelle de l’assassinat du duc de Berry, alors que par la voie informelle des voyageurs ou des échanges épistolaires, la nouvelle circule avec une bonne longueur d’avance, augmentée d’interprétations plus ou moins fantaisistes. En outre, les périodiques n’inspirent pas toujours confiance et les démentis officiels provoquent souvent l’effet inverse, contribuant à relancer la rumeur plus qu’à y mettre fin.

Les mêmes réserves accueillent l’essai d’analyse des facteurs psycho-sociologiques qui conditionnent la naissance de la rumeur, les sources permettant surtout d’étudier l’explication qu’en donnaient les contemporains eux-mêmes. En effet, les préfets étaient capables de faire la corrélation -parfois discutable, entre la hausse du prix du pain et la prolifération des rumeurs et de noter le poids des inquiétudes collectives, mais dans l’ensemble, ils se montraient peu disposés à penser la rumeur autrement qu’en terme de manipulation fomentée par des adversaires politiques.

En revanche, les nombreux exemples originaux puisés dans les archives évoquent les angoisses collectives du XIXe siècle qu’un fait insignifiant suffit parfois à réveiller : canulars, méfiance à l’égard des enquêtes statistiques, rejet de la fiscalité, de la conscription, etc., offrent des explications immédiates et commodes, à replacer néanmoins dans la perspective d’une "opposition pluriséculaire des collectivités locales à la domination du pouvoir central".

Mais la répétition des faits ne suffit pas à percer le sens de la rumeur et on sent bien que l’approche historienne devrait s’effacer devant une approche anthropologique qui saurait s’attarder sur les peurs collectives et les relais de la transmission orale.

Autre inconvénient, le regard de l’administration sur ce qui est d’abord le fruit d’une psychologie collective en fait essentiellement un moment de crise, exceptionnel (l’auteur avance la notion de "crise rumorale"), dont il est possible d’établir une chronologie (1815-1817 ; 1819-1820 ; 1823 ; 1832 ; 1841 ; 1848 ; 1854-1856 ; 1870) : l’absence apparente de rumeurs au cours de la IIe République est un signe supplémentaire de la représentativité imparfaite du corpus.

En somme, cette première partie a bien du mal à dégager des lois générales ; ainsi l’étude de la propagation des rumeurs relève le côté très aléatoire des aires de diffusion. On s’étonne de l’affirmation que la plupart des rumeurs se propagent depuis un épicentre parisien, ce qui n’est sûrement vrai que pour celles liées au pouvoir, comme celle de la tentative d’assassinat de Charles X, répandue en province en décembre 1826 et janvier 1827. De même, les "agents transmetteurs" apparaissent les plus variés, vagabonds, colporteurs, voyageurs de commerce tenant la première place. L’auteur note cependant une vitesse de diffusion légèrement supérieure à celle de la Grande Peur étudiée par Georges Lefèvre (5 km/h au lieu de 4), au demeurant proportionnelle à leur degré d’implication.

La deuxième partie propose une étude des imaginaires du bonapartisme à travers deux thèmes principaux : le complot aristocratique resurgi à l’occasion de la disette d’octobre-novembre 1816 et le bonapartisme, dont les aspects constituent un élément clé de la politisation des classes populaires, phénomène totalement sous-estimé d’après l’auteur.

En fait, les thèmes étudiés font surtout ressortir les inquiétudes et tensions qui traversent la société française du XIXe siècle : pression fiscale, crainte de la restitution des biens nationaux (notamment en 1816-1817 lors des débats parlementaires qui agitent la Chambre introuvable) font très tôt espérer le retour de Napoléon, sauveur des acquis de la Révolution. L’image, messianique, est celle d’un Napoléon nourricier et garant de prospérité face à un Louis XVIII dont la figure de "roi cochon" rejoint celle des caricatures révolutionnaires.

La hantise d’un retour à l’Ancien Régime est telle qu’en mars 1819, la proposition de modification de la loi électorale présentée à la Chambre par le marquis de Barthélémy le 20 février suscite une vague de peur dans tout le pays. La rumeur suit alors un rythme cyclique, conformément à une conception populaire répétitive du temps et de l’histoire : mars est le moment espéré du retour de l’Aigle, que l’on imagine volontiers à la tête d’une armée turque...

Dans ce processus de diffusion de fausses nouvelles, François Ploux note l’importance des intermédiaires culturels : la bourgeoisie des villages et des bourgs hostile à l’aristocratie terrienne et au parti royaliste ayant puissamment contribué à entretenir parmi les paysans la crainte d’un retour à l’Ancien Régime. Cette crainte s’accompagne d’une religion napoléonienne marquée notamment par la croyance en l’immortalité de l’empereur : en 1823 encore, des rumeurs annoncent le retour du général "Malmort" ou "Mort-en-Vie".

Après une accalmie pendant la Monarchie de juillet, les rumeurs reprennent sous le Second Empire ; ce sont surtout des rumeurs de soulèvements qui annoncent le rétablissement de la République ou d’attentats contre Napoléon III. Toutes montrent encore la très forte réactivité de l’opinion, son rejet des élites traditionnelles, l’hostilité à la liberté du commerce, notamment en période de disette, mais surtout l’attachement des Français à l’empereur, considéré comme un rempart contre le retour à l’Ancien Régime. Le bonapartisme populaire exprimerait alors le souhait des paysans de s’affranchir du pouvoir des notables.

Sans doute les sources officielles permettaient difficilement d’aller très loin dans la mise au jour des mécanismes de la rumeur. Le croisement avec d’autres sources qui témoigneraient de l’état de l’opinion comme les périodiques, pamphlets, caricatures ou échanges épistolaires permettrait peut-être de mieux appréhender un phénomène qui reste encore à décortiquer. Il n’en reste pas moins que l’intérêt de l’ouvrage est de montrer, à l’aide de très nombreux exemples, l’évolution très caractéristique de la thématique de la rumeur vers une politisation de plus en plus forte ; certes, celle-ci reste très imparfaite, reflétant le stade de développement encore archaïque de la conscience politique populaire et de la perception des enjeux.

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