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Les Clionautes

 
De soleil et de silences, histoire des bagnes de Guyane

Danielle Donet-Vincent
La boutique de l’histoire, 2003. Compte rendu réalisé par Michel Chaumet

dimanche 13 juillet 2003, par Michel Chaumet

Michel Chaumet, agrégé de géographie, est directeur du CRDP de Languedoc-Roussillon et ancien directeur du CRDP des Antilles-Guyane

Danielle Donet-Vincent, docteur en histoire, est une spécialiste de l’histoire de la transportation coloniale et en particulier des bagnes de Guyane. Déjà en 1991, sa maîtrise portait sur la fin du bagne. Et, depuis, elle continue à explorer tous les aspects et toutes les facettes du bagne guyanais, publiant de nombreux articles sur le sujet.

L’ouvrage qu’elle présente cette année est une vaste synthèse de ses travaux et ambitionne de retracer plus d’un siècle d’histoire du bagne de Guyane, depuis sa création au lendemain de la Seconde république en 1852 jusqu’à sa disparition au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Au passage, c’est une bonne part de l’histoire de la Guyane qui est ici retracée tant il est vrai que Guyane et bagne ont été étroitement associés au long de ces temps, aussi bien dans l’esprit des gouvernants français que dans la réalité du terrain.

Soutenu par une abondante iconographie inédite, issue des archives des Jésuites et de fonds privés - dont on regrette l’insuffisante mise en valeur, ainsi que par la prise en compte, pour la première fois, des archives de la Compagnie de Jésus, cette histoire prend une dimension nouvelle. Les Jésuites ont, en effet, été les aumôniers exclusifs de la transportation. Appelés à participer à la mise en ouvre de ce châtiment, ils ont été des témoins impuissants des dérives du système, plus que des acteurs du processus. Leur correspondance, qui couvre la période de 1852 à 1874, dévoile l’existence de tout un courant de réflexion sur l’intérêt de la peine et dit une véritable foi en la capacité de redressement du condamné, sentiments et convictions que les membres de l’Administration pénitentiaire ont été loin de partager, si l’on en juge par les actes. Il est cependant regrettable que l’auteur, trop souvent prisonnière de cette source, se laisse enfermer, en particulier dans la seconde partie, dans un récit chronologique peu distancié et parfois exempt de tout regard problématisé.

L’ouvrage reste néanmoins une belle réussite en ce qu’il offre un vaste panorama de l’histoire pénitentiaire de la Guyane et qu’il permet une approche nouvelle de ce pan d’histoire coloniale de la France.

Il se déploie en quatre - voire cinq - parties principales qui couvrent une séquence historique bien supérieure au temps du bagne à proprement parler.

En une soixantaine de pages, la première partie est une présentation de la Guyane précoloniale ainsi que de la conquête et de la mise en valeur, longtemps indécises et discutées, de ce territoire amazonien par les Français. On passera sur l’imprécision romantique de la présentation géographique, non sans regretter la méconnaissance par l’auteur de l’ouvrage essentiel d’Emmanuel Lézy intitulé « Une géographie sauvage de la Guyane », pour souligner, au contraire, la qualité du raccourci historique consacré à la Guyane pré-pénitentiaire. Les pages consacrées à l’œuvre de la Mère Javouhey sont parmi les meilleures de cette partie.

Le titre de la seconde partie, « Puis vint le temps du bagne » est explicite. La gestation du bagne est relativement longue, puisque dès 1816, un rapport officiel préconise de remplacer les bagnes portuaires, qui eux-mêmes avaient remplacé les galères depuis le milieu du XVIIIème siècle, par la transportation dans les colonies, la Guyane ayant dès cette époque la préférence. Après moult tergiversations sur la méthode et le lieu, décision est prise au lendemain du coup d’état du 2 décembre 1851. Elle résulte d’une double préoccupation : fermer les bagnes portuaires insalubres et éloigner de France les éléments considérés comme indésirables, au premier rang desquels les opposants politiques. Ce sera une constante.

Grâce aux archives de la compagnie de Jésus, l’auteur raconte par le menu l’implantation du bagne en Guyane, d’abord sur les îles du Salut face à Kourou, puis sur la « Grande Terre » d’abord à la Montagne d’Argent, à l’embouchure de l’Oyapock ; ensuite à Saint-Georges et à Sainte Marie de Cacao ; enfin sur le Maroni à partir de 1857. Là, le bagne qui était jusqu’alors synonyme de punition absolue à la fois en raison du régime imposé aux condamnés et à cause de la multiplicité des maladies infectieuses, devait se muer en une œuvre de développement agricole dans une région plus saine et plus fertile que les précédentes. La culture de la canne à sucre se développa donc autour de la ville nouvelle de Saint-Laurent du Maroni, née de la volonté de l’administration pénitentiaire sur les rives du Fleuve.

Notablement plus courte, la troisième partie s’intéresse à la période qui court jusqu’à la première guerre mondiale. C’est d’abord une période de déclin du bagne guyanais, concurrencé par les établissements de cette Nouvelle-Calédonie tout juste intégrée à l’Empire. En l’absence d’archives nouvelles - les Jésuites ayant quitté la Guyane en 1874 tant par laîcisation progressive de la transportation qu’en raison de leur condamnation de plus en plus affirmée d’un système devenant chaque jour plus répressif - l’auteur centre son propos sur la relégation. Cette peine supplémentaire, instituée en 1885, visait à éliminer définitivement du territoire métropolitain les multirécidivistes. Elle s’appliquait à vie à des condamnés qui se voyaient interdit tout espoir de retour en France. Et elle permit tant à la colonisation de la Guyane de repartir qu’à la transportation de connaître un second souffle, peu avant le tournant du siècle. L’affaire Dreyfus la mit tragiquement en lumière et valut au bagne guyanais une réprobation quasi-unanime du monde occidental.

En finir avec le bagne , telle est bien la problématique qui agite les esprits après 1918 et jusqu’à l’extinction définitive des geôles guyanaises. Certes , des voix critiques s’étaient élevées dès la fin du XIXème siècle. Mais c’est la série d’articles d’Albert Londres, parus dans Le Petit Parisien en 1923, qui fit l’effet d’une bombe. Avec une rare qualité d’écriture, le journaliste y dénonçait l’horreur du bagne de façon réaliste. Ses articles, repris ensuite en un livre et même par une pièce de théâtre, rencontrèrent un écho considérable. Cependant, malgré dénonciations répétées et commissions d’enquête, les bagnes guyanais connurent encore un sursis avec l’envoi de détenus politiques indochinois en 1931. Mais l’année suivante, l’élection de Gaston Monnerville à la députation mettait au premier plan l’artisan principal de l’élimination du bagne. Aidé de Charles Péan, responsable de l’Armée du Salut, il n’eut de cesse de dénoncer le bagne et son cortège d’humiliation et d’horreur. Une première étape fut franchie en 1938 avec la suppression de la transportation. Mais la relégation subsistait et il fallut attendre 1946 pour que ferment les uns après les autres les camps et 1953 pour que rentrent en métropole les derniers condamnés. Le bagne de Guyane avait vécu.

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