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Marc Ferro
Nazisme et communisme. Deux régimes dans le siècle
Paris, Hachette Pluriel, sept. 1999, ISBN 2.01.2789.61.7, 278 pages

jeudi 13 mars 2003, par François Jarraud

Par François Jarraud

Marc Ferro est un historien très connu et un spécialiste de l’histoire soviétique.

Cet ouvrage est un recueil de 13 articles de différents historiens, présenté par Marc Ferro. L’objectif qu’il s’assigne consiste à mieux faire comprendre les régimes nazis et communistes. Mais, venant après plusieurs ouvrages, dont " Le livre noir " et " Le passé d’une illusion ", ce livre se situe dans un questionnement sur la nature du totalitarisme et sur la comparaison entre nazisme et communisme. Aussi le recueil fait appel à des intervenants variés et les thèses soutenues vont de l’assimilation du nazisme au communisme à la réhabilitation de l’oeuvre de Staline (Dam’e et Drabkin) ou à l’escamotage du nazisme (Kershaw). C’est cette variété qui fait son intérêt.

Dans un avant-propos intitulé " nazime et communisme : les limites d’une comparaison ", Marc Ferro met en évidence les différences entre les deux régimes. Différences qu’il voit dans la nature des deux sociétés et dans les rapports entre société et régime. Ainsi, dans l’URSS naissante, l’avènement du régime communiste aboutit à la destruction totale de l’ancienne société. Celle-ci s’opère par une violence qui vient autant de la base (" le coq rouge ") que du sommet. Inversement le nazisme s’inscrit dans une tradition allemande et le nouveau régime s’appuie sur les élites traditionnelles qui traversent tout le IIIème Reich. Ainsi Marc Ferro se démarque d’une historiographie trop basée sur les discours idéologiques (Furet) et donne de l’épaisseur aux deux sociétés qui continuent à agir à l’intérieur des deux systèmes " totalitaires ". C’est une autre façon de se situer dans le débat actuel sur le totalitarisme.

On ne sera donc pas surpris qu’une première série de 4 articles débate de " régimes politiques et sociétés ".

Philippe Burrin compare les structures de pouvoir entre fascisme et nazisme. Si les deux régimes ont des points communs, ils ont également des différences, par exemple dans l’application des lois raciales. P. Burrin montre le rôle du nationalisme populaire dans la naissance des idéologies nazie et fasciste et l’importance des traditions hagiographiques dans le culte du chef : enfance modeste, signes de l’élection, épreuves, illumination, apostolat solitaire, triomphe du sauveur, autant de traits traditionnels reportés sur le Chef. La Grande Guerre a également joué un rôle en exaltant la communauté virile. Enfin l’auteur montre l’importance de constructions nationales effectuées au XIXème siècle par le haut.

Ian Kershaw réfléchit sur " la nature de la dictature de Hitler ". Le titre donne l’orientation de l’article : pour l’auteur, le nazisme est un régime personnel, très différent du stalinisme. Ce n’est " qu’un mouvement dirigé par un leader charismatique " (p.79) où la place d’Hitler " ne peut être comparée à celle de Staline " (p.78). L’autorité charismatique d’Hitler est le seul moteur du régime. Elle est rendue responsable du franchissement des barrières humanitaires par les Allemands. Le nazisme se réduirait finalement aux poussées autodestructrices du Führer...

Moshe Lewin insiste également sur les différences entre nazisme et communisme. Staline voulait développer la Russie mais souffrait d’un manque de légitimité qui l’aurait porté a mettre en place la terreur.

Marc Ferro clôt cette première partie avec un article de 1985 qui montre qu’il existe des aires d’autonomie dans la société russe.

La seconde partie de l’ouvrage traite directement du phénomène totalitaire.

Un court article de François Furet évoque le concept de totalitarisme. Pour Furet " la nature de la démocratie moderne peut comporter son retournement contre la liberté qu’elle affiche pourtant comme son principe " (p.141).

Furet s’appuie sur le très controversé Nolte pour affirmer la filiation entre l’idéal démocratique et les régimes totalitaires. Il est dommage qu’un article aussi court ne permette pas un réel développement de sa pensée. Cela déséquilibre l’ouvrage.

Pour Krysztof Pomian, Staline oriente le bolchevisme vers un retour au messianisme russe sous une forme nouvelle (la construction du socialisme). La théorie stalinienne de l’aggravation de la lutte de classes engendre la terreur. Stalinisme et nazisme partagent la même obsession de purger la société des éléments " pathogènes " : " chacun des deux pays a entrepris d’exterminer certaines catégories de sa population, chacun a développé un système concentrationnaire sans précédent, chacun a utilisé à une grande échelle la main d’oeuvre servile " (p. 159). Pomian observe, dans le nazisme et le stalinisme, le même refus du conflit social et politique et la même conception du combat politique comme une guerre civile. Enfin, il pose la question des origines. Il observe dans les passés italien, allemand et russe, le même conflit entre Etat et démocratie au XIXeme siècle, le même effondrement des institutions démocratiques et traditionnelles au début du XXème siècle. C’est sur ce terreau que le totalitarisme s’est développé.

Pour V.V. Dam’e et Ja. S. Drabkin, deux historiens russes, les régimes totalitaires naissent du " besoin ressenti par différentes couches de la société en une modernisation économique, sociale et politique du pays, c’est à dire en une édification plus rapide de la base du système industriel ou en un passage à une nouvelle phase de son développement " (p.174). Ils évoquent une " politique keynésienne militaire au stade fordiste-tayloriste de développement de la société industrielle ". Ainsi l’épisode stalinien permit la modernisation de la Russie, son accès au statut de grande puissance, l’alphabétisation de la société, la mise en place d’une protection sociale, et même le développement des arts et lettres (voir page 179) ! Pour les auteurs, on le voit, le bilan est " globalement positif "...

Pour clore cette seconde partie, Pierre Bouretz faitle point sur l’historiographie du phénomène totalitaire.

Une troisième partie évoque les " controverses historiques ".

Tim Mason évoque la controverse sur l’interprétation du national-socialisme. On le sait le débat oppose " intentionnalistes " et " fonctionnalistes ". Pour les premiers, le projet exterminatoire est en germe dans l’idéologie nazie et la volonté de son chef. Pour les seconds, il n’était pas prévisible mais résulte du fonctionnement de la machine nazie. T. Mason montre les faiblesses des arguments des deux camps. Mais il se range plutôt à l’avis des fonctionnalistes en appelant au développement d’une histoire matérialiste du darwinisme social qui mette en valeur les forceséconomiques et institutionnelles. Pour lui c’est dans un contexte de rivalité économique et territoriale des états, de conflits ethniques, nationaux et culturels, de lutte pour la conquête des avantages matériels que surgit en Allemagne la guerre raciale. " Le darwinisme social n’était évidemment pas propre à l’Allemagne. Il en existe des versions britannique, américaine et française, des versions libérales et conservatrices, fascistes et nazies. Peut-être pourrait-on trouver là le cadre d’une recherche à la fois structurelle et dynamique qui permette de définir avec précision la force caractéristique du mouvement national-socialiste " (p. 221).

En parallèle, Nicolas Werth retrace l’histoire de la " soviétologie ", du modèle totalitaire à sa révision. La particularité de cette histoire est d’avoir été écrite pendant longtemps avec très peu d’archives, un peu dans les mêmes conditions que s’écrit l’histoire ancienne. Ainsi l’effondrement de l’URSS a profondément modifié le champ de l’histoire d’une part avec une certaine ouverture des archives, d’autre part en posant une question de fond : que penser du fait que ce sont les dirigeants du système totalitaire qui l’ont lancé dans un processus suicidaire ? L’analyse des archives montre que le " pays profond " a résisté longtemps au centre, que les années 1930 ont été celles d’un profond traumatisme.

La dernière partie du livre est consacrée au travail de la mémoire. Béatrice Vilatte montre le parcours de l’oubli dans le cinéma allemand d’après 1945. Maria Ferretti analyse l’évolution des historiens et de la société russes devant le stalinisme. Les années de la perestroïka avaient remis en mémoire les crimes staliniens. A partir de 1989, l’intérêt pour le stalinisme faiblit et le débat se porte sur la mise en cause de la révolution d’Octobre et la mythification de la Russie tsariste. Si la révolution d’Octobre n’a été qu’un coup d’état, le peuple russe est innocent des crimes staliniens et n’est plus qu’une victime innocente. S’amorce ainsi un nouvel oubli des crimes staliniens.

Il revient à Claude Lefort de conclure l’ouvrage. Pour lui, le stalinisme résulte de la croyance dans l’infaillibilité du Parti, croyance dont on ne trouve pas trace chez Marx, et dans le projet d’une société sans division ni différence. En opposition avec Furet, C. Lefort pense que " le communisme est le produit d’une combinaison entre des éléments hétérogènes ... empruntés à la fois à la démocratie capitaliste et au despotisme séculaire russe... Le communisme n’est pas le signe d’une pathologie de la démocratie... Le bolchevisme est le résultat d’un alliage des contraires " (p.277).

On a pu constater à travers ces différents auteurs la richesse de l’ouvrage. Marc Ferro a sans doute essayé de faire connaître les différents débats historiographiques et, à ce titre, cet ouvrage est bien utile. Cependant, il ne s’agit que d’un recueil d’articles. Et il ne prend vraiment son sens que si le lecteur s’appuie sur les ouvrages de référence qui fondent le débat et dont les thèses sont trop peu représentées dans cet ouvrage. Ainsi, il est préférable que le lecteur ait auparavant lu " Le livre noir du communisme " et " Le passé d’une illusion " de Furet.

Décembre 1999.

 

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