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COMPTE RENDU BLOIS 2004
Femmes-scribes en Mésopotamie
Conférence donnée par Brigitte Lion, maître de conférence à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne.

jeudi 11 novembre 2004, par Caroline Jouneau-Sion


-  Le corpus documentaire : Les assyriologues ont cette chance que les scribes de Mésopotamie ont écrit sur un matériau durable, la tablette d’argile. Des milliers de tablettes ont été retrouvées, datant pour les plus anciennes de 3500 à 3200 avant J-C. Une partie seulement est traduite parmi lesquelles des listes, des comptes, des poèmes et des hymnes, des lettres et des exercices d’écoliers. Certaines de ces tablettes sont signées et, lorsqu’on retrouve la signature, celle-ci nous apporte des informations à la fois émouvantes et passionnantes sur le scribe qui a tenu le calame.

Brigitte Lion a concentré son regard sur ces signatures au bas des tablettes. L’idée lui est venue d’une mention figurant au bas d’une transcription de tablette d’écolier en 1913. L’élève avait signé « femme scribe », et le transcripteur notait à peine le fait. Comme s’il suffisait à l’historien de regarder pour voir, trois autres tablettes signées par des femmes sont venues enrichir un corpus qui restait cependant encore bien mince. Mais le doute n’était plus : il y avait bien des femmes scribes en Mésopotamie, sans compter la patronne des scribes, la déesse Nisaba.

-  Quelle était la place de ces femmes lettrées dans les sociétés de Mésopotamie ? L’ordre divin ne reflète pas la société humaine, et les hommes étaient bien plus nombreux que les femmes à maîtriser l’écrit : les ministres, les marchands, les scribes ont laissé une majorité de noms masculins. Cependant, d’après la nature de l’exercice effectué dans chacune de ces tablettes, les femmes scribes suivaient le même programme scolaire que les garçons. C’est dans leur emploi que se faisait vraisemblablement la différence.

-  Où et pour qui travaillaient les femmes scribes ? Les listes comptables, malgré leur monotonie, nous donnent des informations capitales sur les sociétés antiques, nous permettant parfois d’entrer dans le secret des palais, dans l’intimité des chambres. Ces listes, provenant des villes de Mari et de Sippar au début du deuxième millénaire, mais aussi de Ninive au 7ème siècle avant J-C, mentionnent des dizaines de femmes scribes, toujours employées au service d’autres femmes : femme-scribe donnée en dot à une princesse ou femme-scribe des cuisines. Elles font partie de la domesticité, ruinant l’hypothèse d’une « caste de scribes » dominant la société, et sont fières de maîtriser le sumérien, langue morte symbole de culture à l’image du latin aujourd’hui. D’autres appartiennent à un milieu réservé aux femmes : le gâgum, sorte de béguinage où les femmes se vouent au dieu Šamaš. Ces femmes sont riches et dotées de terres à gérer, doivent rédiger des contrats et soutenir des procès contre leurs familles parfois envahissantes. Il semblerait donc que les femmes scribes travaillent pour d’autres femmes, peut-être pour leur éviter le contact avec le sexe opposé.

-  Femmes auteures en Mésopotamie : Les femmes lettrées n’ont pas toujours été que la main qui tenait le calame : quelques unes sont connues comme auteures d’œuvres littéraires importantes des cultures akkadienne puis assyro-babylonienne. Ainsi Enre-Duanna, grande prêtresse de Nanna et fille de l’usurpateur Sargon d’Akkad qui unifia le Nord et le Sud de la Mésopotamie. Elle vécut à Ur vers 2300-2250 avant JC et y composa plusieurs hymnes signés de son nom, devenant ainsi pour les historiens la première personne auteur d’œuvres littéraires. Enre-Duanna laissait sur les sceaux de sa domesticité son inscription, s’affirmant ainsi comme l’égale d’un roi. Les questions qui se posent sur ces six hymnes aux dieux rédigés en sumérien, langue de culture équivalent au latin aujourd’hui, sont significatives de l’attitude des historiens face à ces femmes-scribes : Enre-Duanna a-t-elle composé elle-même ces vers ? Les a-t-elle écrits de sa main ? Oublions ces questions : ce qui est important, c’est que le nom d’Enre-Duanna a été retenu comme l’auteur de ces hymnes, lesquels ont été recopiés encore et encore dans les écoles de scribes, entrant ainsi dans le corpus littéraire classique de la civilisation akkadienne. Les qualités de poètes pouvaient donc être indifféremment être accordées à un homme ou à une femme.

D’autres femmes lui ont succédé : les lamentations d’Ur-Nammu par sa veuve, les hymnes à Šulgi son autant de chants d’amour charnels écrits par les femmes de ce roi d’Ur (v. 2100 avant J-C). Au deuxième millénaire avant J-C, les écrits de la fille du roi d’Uruk ont un objectif plus prosaïque : fille d’un roi vaincu par le roi de Larsa, elle écrit en sumérien au vainqueur pour lui chanter ses louanges et récupérer son ancienne fonction de prêtresse. Brigitte Lion note au passage que cette femme se présente comme une « femme-scribe ».

Ces femmes de sang royal, ont été copiées et donc reconnues par la société comme des auteures classiques, apprises dans les écoles de scribes. Elles sont les femmes les plus en vue pour les assyriologues aujourd’hui mais ne représentent vraisemblablement que la partie visible d’un ensemble plus modeste, mais plus nombreux. Plus que la nature et que l’état des sources, plus que le nombre de tablettes qui restent à déchiffrer, il semble que l’attitude de l’historien face à ses sources soit responsable de la discrétion des femmes scribes de Mésopotamie dans l’historiographie. Grâce à Brigitte Lion, ces femmes pourraient retrouver leur juste place.

Bibliographie

Sur la Mésopotamie :
Samuel Noah Kramer, Jean Bottéro, l’Histoire commence à Sumer, Flammarion, Paris, 1994.
Jean Bottéro, Samuel Noah Kramer, Lorsque les Dieux faisaient l’Homme, CD album, Gallimard NRF, Paris, 1998.

Sitographie :

Résumé de la conférence par Brigitte Lion sur le site de la SOPHAU (Société des professeurs d’Histoire Ancienne de l’Université).

 

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