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La foule freudienne et sa formation permanente (26 octobre 2004)

dimanche 7 novembre 2004 Nathalie Georges-Lambrichs .
 

L’angoisse est contagieuse. Freud l’a bien montré dans sa Massenpsychologie. Il existe un point faible où la structure de la communauté se révèle vulnérable. Toute organisation de foule, si efficace qu’elle soit contre l’angoisse, et Dieu sait qu’elle peut l’être, montre, lorsqu’elle cède, ce qu’elle tenait en respect : la panique, rien de moins.

La psychanalyse s’est inventée et construite en fonction de ce savoir, comme le montre la clinique qu’elle informe, dite "au cas par cas". Elle ne rend pas pour autant les armes devant "l’échelle planétaire" de notre temps ou le "global village". C’est pourquoi elle fait un effort constant pour conquérir non pas une part du marché, comme l’en accusent des esprits chagrins, mais plutôt une ou plusieurs longueurs d’onde pour donner à chacun un accès à ce qui reste une grande aventure de l’esprit.

Elle fait ce pari parce qu’elle est née d’une démonstration de ce que chaque un n’est un que faussement, mensongèrement, lâchement. Chaque un est en réalité une foule, ce que Lacan résume dans un aphorisme qu’il ne s’agit pas de se passer en silence comme une monnaie usée mais de vérifier : « le collectif est le sujet de l’individuel ».

Notre actualité campe sur cette brèche où s’est notamment créée l’association des psychologues freudiens. Elle mise, cette association, sur une qualité, une qualification, qui n’est pas sans se heurter à un mouvement de déqualification de la pratique clinique, au nom du bon geste, de la bonne pratique supposée pouvoir être appliquée par n’importe quel agent dûment estampillé par une formation polyvalente. Elle entend garder l’esprit et le tranchant de la conceptualisation rigoureuse et patiente de Freud pour orienter ses pratiques cliniques et ses interventions dans le champ social, où sa solidarité avec les préjugés relatifs à l’invention freudienne ne fait que renforcer son devoir d’éclairer ceux-ci éclairer autant que faire se peut. Sommes-nous des intrus dans le grand chantier de la restructuration des pratiques supposées établies scientifiquement et visant à promouvoir un ordre social, lui-même supposé être le bon, à savoir celui dans lequel tout un chacun pourrait résorber son angoisse propre, son trouble personnel, son désir individuel ? Si oui, nous tâcherons de l’assumer au nom de notre expérience, qui se tient à la charnière entre notre « vécu », notre « pratique » et notre contribution à l’élaboration théorique in progress de notre temps.

Nous tenons que l’écart qu’il y a entre ces trois pôles définit la matrice de notre expérience même et la marque du style qui est le sien, réfractaire au chiffrage, sans doute, au sens où la fausse science de l’évaluation quantitative promeut celui-ci comme l’alpha et l’oméga de toute pratique, mais néanmoins soumise à une évaluation constante, dans un temps et selon des procédures affines à l’expérience elle-même. Nous nous réjouissons, enfin, de savoir que nous ne sommes pas les seuls à nous émouvoir de cette tendance à la résorption anonyme de toute expérience dans une masse de protocoles supposés en intégrer les données sans autre reste que des protocoles toujours plus up to date dont l’évaluation, elle, risque de se faire longtemps attendre. Et nous sommes prêts à mettre en commun notre savoir et à le confronter avec tous ceux qui manifestent pour l’invention freudienne le respect qui lui est dû.

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La foule freudienne et sa formation permanente