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Prise de position de l’UPSY pour la version 2 de l’avant projet de décret article 52

dimanche 28 mai 2006 Source : L’Ahnon .
 

Prise de position étudiante pour la 2ème version de l’avant projet de décret de l’article 52 UNE MOTION COMMUNE VOTEE PAR D’UPSY 26 mai 2006 par Caroline LEDUC, Alice CREFF, Anaëlle LEBOVITS

Ce week-end se tenaient les journées du SIUEERPP à Paris, placées sous les auspices de l’anniversaire de la naissance de Freud. Au programme, textes politiques, cliniques et théoriques sur la psychanalyse au sens large, puisque le SIUEERPP réunit des universitaires en psychopathologie et psychanalyse, membres de toutes sortes d’écoles qui vont de la S.P.P. à l’E.C.F. À la demande des organisateurs de ce colloque, de nombreux membres d’Upsy s’y sont rendus, pour intervenir sur le thème « À l’école de la psychanalyse aujourd’hui ». Etaient présents à la tribune Sébastien Peytavie et Jessica Dupont pour PsyK (Toulouse), Benoît Delarue pour l’Ah Non ! (Rennes), Anaëlle Lebovits pour Dix-it, et Kristell Jeannot pour le collectif des étudiants d’orientation analytique d’Aix-Marseille. Après les interventions des membres de PsyK et de l’Ah Non, portant respectivement sur la situation dramatique de la psychanalyse à Toulouse et les effets de transmission du discours analytique à l’Université, Anaëlle Lebovits a abordé un point plus politique, prenant clairement position pour le deuxième projet de décret sur la psychothérapie qui, rappelons-le, propose une formation minimum en psychopathologie. Cette prise de position en faveur de la deuxième mouture de l’avant projet de décret a généré un vif débat dans la salle, certains professeurs de psychopathologie outrepassant même les limites de la courtoisie envers les étudiants. En effet, le SIUEERPP s’est positionné contre cette version du décret et demande une formation de niveau Master pour les psychothérapeutes, formation intégrée aux cursus existants de psychologie et de psychiatrie. Alice Creff et Benoît Delarue ont confirmé que la position de l’Ah non ! était également de soutenir une formation minimum pour les psychothérapeutes, à défaut de pouvoir obtenir l’abrogation. Jessica Dupont a alors demandé à Roland Gori, président du SIUEERPP, de s’expliquer sur cette volonté d’une formation de haut niveau pour les psychothérapeutes. Sa réponse a été la même que lorsque Caroline Leduc et Alice Creff lui avaient posé cette question à la journée Œdipe du 29 avril 2006 : de toute évidence gêné, il a néanmoins avancé la volonté d’éviter la concurrence entre psychologues et psychothérapeutes. Cet argument ne nous semble pas valable. Nous pensons que le SIUEERPP, et certains syndicats de psychologues (SNP notamment) demandent un haut niveau de formation universitaire pour des motifs essentiellement corporatistes, malheureusement à courte vue : concernant les professeurs, ils espèrent récupérer le marché de la formation des psychothérapeutes à l’université, et développer ainsi les effectifs de leurs équipes d’accueil. Or, cette stratégie ne portera pas à long terme, bien au contraire. Argument 1 : Du danger à moyen et long terme d’une formation de haut niveau à l’université En effet, à l’heure où la psychologie d’orientation analytique perd du terrain dans bon nombre d’universités et n’existe même plus dans d’autres, cette position nous semble plus que dangereuse. Comme en ont témoigné de nombreux étudiants sur le forum d’Upsy, les universités de psychologie tendent progressivement à remplacer dans leurs formations cliniques, les enseignements de psychopathologie d’orientation psychanalytique par l’enseignement d’une psychopathologie inepte orientée par le DSM IV, à la faveur des départs en retraite. C’est ce que montre exemplairement la situation à Toulouse, Nantes, Paris XIII, mais dans bien d’autres universités encore. Il en va certes de la responsabilité des enseignants qui ont laissé les tenants des TCC conquérir peu à peu leurs postes, mais cette tendance est aussi soutenue par les orientations actuelles de la politique de santé mentale. Les quelques places fortes où résiste l’orientation psychanalytique ne doivent pas nous leurrer : cet infléchissement de la politique de santé mentale est parti pour durer. En conséquence, demander une formation de haut niveau en psychothérapie, c’est bel et bien ouvrir un véritable boulevard aux cognitivo-comportementalistes pour la formation des psychothérapeutes. Les tenants des T.C.C. demandent également une formation de niveau Master, car ils savent très bien qu’une formation de 150 heures ne leur permettrait pas d’arriver à leurs fins, à savoir inonder le marché de la santé mentale de psychothérapeutes cognitivo-comportementalistes qui soient assez crédibles pour être embauchés. Si les enseignants d’orientation T.C.C. croissent en nombre dans les départements ou U.F.R. de psychologie, et même si les choses restent en l’état, les futurs psychothérapeutes seront donc majoritairement formés à ces méthodes. Est-ce ce que nous voulons ? Argument 2 : Du leurre de la « protection de l’usager » Le seul argument qui reste aux défenseurs d’une formation de niveau Master est la volonté de protéger l’usager. Nous avons déjà longuement débattu à ce propos sur le forum d’Upsy. Ce qui en est ressorti, c’est que cette logique débouche sur des mesures liberticides, la protection passant par le contrôle et l’évaluation des pratiques. En choisissant de défendre la liberté des pratiques psy, nous, membres de la coordination étudiante, affirmons que le choix de sa pratique par le professionnel doit être laissé libre du point de vue de la loi. Il ne s’agit pas pour autant de défendre tout et n’importe quoi dans les pratiques psy, mais de souligner l’importance d’un choix singulier, celui du patient. Faisons lui confiance au lieu de choisir pour lui, c’est peut être là le minimum de respect que nous lui devons. Du côté du thérapeute, c’est son éthique et son désir qui doivent seuls l’orienter, tandis qu’une loi lui imposant des « bonnes pratiques » le déchargerait de toute réflexion clinique. C’est précisément parce que la notion de sujet que nous défendons est celle d’un sujet dont prévaut la singularité, que toute volonté d’imposer une norme aux pratiques psy nous semble erronée et dangereuse. Un « le même pour tous » qui se phénoménaliserait sous les espèces, d’un « pour tous, le même psy », « pour tous, la même formation », « pour tous, les mêmes garanties » procède d’une logique totalitaire. Chacun est responsable pour lui-même et jamais aucun diplôme ne garantira le sérieux d’une pratique. En effet, à l’université, on peut bien enseigner une thèse ici, une autre là, suivre avec un enseignant, une orientation, puis une autre l’instant d’après. Le discours universitaire prétend que tous les savoirs se valent, que le savoir est par ailleurs prompt à combler notre division. Nous pensons le contraire. L’exigence que notre responsabilité induit, ce n’est pas un diplôme universitaire qui nous la garantit, elle ne relève pas d’un savoir universel, mais d’un choix, d’une décision singulière et éthique. Si les plus grands cliniciens sont savants, les savants ne font pas nécessairement de bons cliniciens, c’est un fait. Argument 3 : Une formation a minima préserve la liberté des pratiques et le choix du praticien par le patient S’il faut absolument donner un contenu au titre de psychothérapeute, s’il faut que ce titre soit validé, alors il nous semble qu’il ferait aussi bien de ne recouvrir qu’une formation minimum qui ne laisse pas croire ni aux patients ni aux thérapeutes eux-mêmes, qu’une formation universitaire suffit à faire de nous de bons cliniciens. Nous réclamons le droit de choisir à qui nous adresser, et que les praticiens aient la formation qu’ils jugent eux-mêmes adéquate. Libre à chaque patient de choisir le psy qui lui convient, de consulter les annuaires des analystes et psychothérapeutes, dans lesquels les formations suivies sont inscrites. Argument 4 : De l’inanité de l’argument quant à la concurrence faite aux psychologues On nous fait miroiter le risque de voir des personnes ayant un très faible cursus universitaire (les psychothérapeutes de la deuxième version) prendre la place des psychologues. Ceci ne se produira pas si les psychothérapeutes ont un cursus extrêmement faible. En effet, on préfèrera embaucher un psychothérapeute ayant par ailleurs un diplôme de psychologue, qu’un psychothérapeute n’ayant pas d’autres titres. On voit bien en effet que c’est ce qui se passe déjà avec les éducateurs. Peu d’entre eux trouvent à se faire embaucher quand ils ne sont qu’éducateurs. On embauche de préférence un éducateur qui est aussi psychologue, on le paye alors au prix d’un éducateur... Donc nul risque que les psychologues se fassent piquer leur travail par les nouveaux psychothérapeutes non formés : ce sont eux qui auront leurs postes. En revanche, s’ils sont formés à un niveau Master en psychopathologie, ils feront directement concurrence aux psychologues, ayant presque la même formation qu’eux. Il est bien sûr légitime d’être payé en rapport avec son niveau de formation, c’est donc difficile de se réjouir de ce qu’on obtienne des postes bien en deçà de celui-ci. Mais ce combat-là est syndical et ne se réduit pas à ce décret. C’est un autre combat qu’il nous faudra mener, et pourquoi pas dès celui-ci passé. Par ailleurs, certains craignent que les psychothérapeutes formés à très bas niveau ne puissent pas revendiquer l’autonomie de leur pratique et risquent de se voir pris dans la hiérarchie - contrairement au statut qu’ont négocié les psychologues - et donc de voir leurs pratiques prescrites, dépendantes des orientations politiques de leur hiérarchie et contrôlées. Or, c’est déjà le cas pour les psychologues. Cet effet ne sera pas induit par le décret car il est déjà en œuvre : encore un combat à mener. En effet, malgré les avantages du statut des psychologues, fort peu parviennent à le faire respecter aujourd’hui dans les institutions et se retrouvent néanmoins à faire passer des tests, par exemple, sur ordre de leur hiérarchie. Cette situation ne dépend pas là encore du seul décret, mais de toute la politique de santé mentale. Rien n’empêche par ailleurs de demander en sus de ce qui est prévu par la deuxième mouture du décret, à savoir que ces psychothérapeutes gardent l’autonomie de leurs pratiques, à l’identique de ce qui se passe pour les psychologues, en exigeant qu’ils ne soient pas inscrits dans le Code de la Santé publique. Argument 5 : Tirer conséquence de l’infaisabilité de l’abrogation Nous sommes tous pour l’abrogation de la loi visant à légiférer le titre de psychothérapeute. Nous sommes tous pour que le titre de psychothérapeute ne soit pas validé par l’Etat. Mais l’abrogation n’est pas une option, même en cas d’alternance politique. Jean-Pierre Sueur nous a appris lors du colloque du SIUEERPP que très peu d’hommes politiques étaient au fait de ce dossier fort complexe. On ne peut donc pas attendre de ce côté une levée de boucliers. On sait aussi que c’est Kouchner qui a introduit en France l’évaluation en santé. De nombreux hommes politiques de gauche soutiennent ce mouvement, et soutiennent aussi une législation sur le titre de psychothérapeute au nom de la protection de l’usager et de la transparence. Donc, et si on ne peut pas l’éviter, il faut réclamer quelque chose qui aille le plus possible dans le sens de l’abrogation, c’est-à-dire vers la réglementation la plus légère possible. Si le titre validé par l’Etat est minime, si les psychothérapeutes n’ont pas de diplôme, ou un diplôme ridicule, on vide la loi de son contenu, et l’on évite ainsi la création d’un nouveau titre. On obtient donc des conséquences qui sont les plus proches possibles de l’abrogation. En réalité, c’est l’ensemble de la politique actuelle en santé mentale qui est désastreuse, et nous n’en résoudrons pas les orientations mortifères en nous focalisant exclusivement sur l’article 52 et ses décrets. La deuxième mouture du décret d’application de l’Article 52 est ce qui limiterait le plus les effets qu’on aurait pu craindre de cette loi, car il la vide de son contenu. Voici nos conclusions concernant la seconde version du projet de décret. À la suite de ce débat, il y a urgence que nous nous mobilisions afin d’éviter une troisième mouture catastrophique. Les membres d’Upsy doivent définir une position commune par rapport au second projet de décret et la porter à la connaissance du Ministre Xavier Bertrand en début de semaine prochaine au plus tard. Nous appelons donc à voter pour ou contre cette motion commune soutenant la seconde version du projet de décret, sachant que ce vote sera aussi l’occasion d’en débattre. Plusieurs représentants d’Upsy se sont d’ores et déjà positionnés pour soutenir cette motion : Alice Creff et Caroline Leduc pour L’Ah Non, Sébastien Peytavie pour PsyK, Anaëlle Lebovits et Guillaume Roy pour Dix-it, Adrian Price et Damien Guynnet pour Psy-Mund, Karim Bordeau et Stélios Kontakiotis pour Paris VIII. Caroline LEDUC, Alice CREFF, Anaëlle LEBOVITS