par J. Michel
C’est un genre devenu une
véritable institution, avec ses catalogues, ses critiques, ses universitaires.
L’attrait qu’il exerce sur les jeunes est très fort. Tâchons donc d’analyser
rapidement le phénomène pour proposer des réponses.
Il faut faire remarquer que les
illustrations pour les ouvrages destinés aux jeunes, sont relativement
récentes, un peu plus d’un siècle, et le fait des « progressistes »
de l’époque (Hetzel, Hachette). Néanmoins, il ne s’agissait que d’histoires
illustrées et non de bandes dessinées ; l’image n’avait pas alors le
premier rôle et le texte restera longtemps (en France) important. Des
productions illustrées parues avant la guerre de 1914, et qui ont été rééditées
récemment citons : Bécassine parue dans « La Semaine de Suzette »
– une des cibles favorites des « spécialistes » freudo-marxistes
actuels – et les séries dessinées par Christophe « La famille Fenouillard »,
« Le savant Cosinus »… qui associait un dessin très sûr à un texte
ironique, bourré de calembours… destinés (comme dans Astérix) le plus souvent
aux adultes : « J’ai toujours
écrit du moins autant pour les grandes personnes que pour les enfants. Je crois d’ailleurs que les livres d’enfants
qui ont le plus de succès sont ceux qui amusent les parents » avouait Christophe.
Les inventeurs de la bande
dessinée moderne sont les Américains qui vont surtout après la crise de 1929,
développer les thèmes irrationnels, difformes et sexuels. Flash Gordon, Tarzan,
Mandrake et d’autres, sont en effet des dérivatifs aux difficultés modernes :
L’évasion pour tous et en fait surtout pour les adultes dans un monde
imaginaire et simpliste.
Les bandes dessinées des U.S.A.
furent introduites en Europe avant la seconde guerre mondiale et connurent (cf.
« Le journal de Mickey ») un succès certain et s’imposèrent dans l’immédiat
après-guerre.
La presse catholique tenta, et
souvent avec succès, d’éditer des journaux de bandes dessinées :
Bernadette, Cœur-Vaillant et surtout le remarquable Bayard. Les dessins étaient
simples, souvent beaux, les notions morales fermes, on parlait de Dieu. Les
maisons d’édition catholique prenant le virage dialectique que l’on sait[2], ont
supprimé leurs anciennes formules ; nous éviterons par charité de parler
des nouveaux journaux « de jeunes » vendus actuellement dans les
églises. C’est laid, bête et triste, et souvent sans rapport avec la religion.
Qu’elle soit chrétienne ou non,
la bande dessinée suit les goûts du temps ; quels sont les dangers de
cette philosophie progressiste et colorée ?
La puissance économique et
idéologique représentée par la bande dessinée ne pouvait laisser la subversion
indifférente. Elle a, là aussi, colonisé les rédactions et utilisé les pulsions de masse. Sans vouloir ouvrir de
grandes discussions pour savoir si la bande dessinée est en elle-même subversive
ou non, il faut bien constater que beaucoup de bandes dessinées actuelles sont
d’une rare bêtise dans le texte, et d’une absolue laideur quand au dessin : il y
là un reflet de la crise de la pensée contemproraine.
La
bande dessinée se lit – inconsciemment souvent – globalement ; le lecteur
(le jeune surtout) n’analyse pas, il « absorbe » passivement ;
la réflexion n’entre pas plus dans la lecture du « texte » qui n’est qu’une suite de
verbes et d’onomatopées. Ceci pour ce qui concerne la forme ; pour le « fond »
il est devenu depuis les années 60 très progressiste, voire franchement vicieux
(ce doit être une des raisons de son succès auprès des « intellectuels adolescents
prolongés ») .
Signalons à titre d’exemple, qu’après
avoir tempêté contre la bande dessinée, le Parti Communiste a vite compris l’intérêt
qu’il avait à développer ses slogans chez les plus jeunes, d’où la création de
Pif. C’est d’un niveau fort bas ; les dessinateurs s’ingéniant à copier
les modèles américains : animaux dans le style de Walt Disney, jeux de
mots stupides, imitation des héros des concurrents : une imitation de
Tarzan d’un réalisme exagéré, aux bêtes monstrueuses et aux perspectives
outrancières : Rahan, le fils des âges farouches (c’est la préhistoire).
On trouve aussi des histoires sur la dernière guerre, sur les valeureux Viets-Congs
face aux ridicules américains au Vietnam, etc.
L’attitude la plus efficace – nous
parlons d’expérience – est encore de montrer les bêtises de l'album à l’enfant.
Les parents devront les lire pour en discuter avec leurs enfants, dégager les
points intéressants, dénoncer les faiblesses, les erreurs. Notons ici la
nécessité de la formation à un esprit critique, qui permet de juger par
soi-même.
Le meilleur conseil semble le
suivant : « il vaut mieux diriger qu’interdire », et tout n’est
pas mauvais ! On peut même dire que certains titres sont très bons et très
formateurs, du fait de l’impact des images sur l’esprit.
Les commentaires suivants, réalisés pour certaines séries sont partiels : une série n’est pas composée d’un album. Il se peut aussi que certains commentaires paraissent exagérés, ou au contraire laxistes : à chacun de faire preuve de discernement en partant des indications données et de ses propres connaissances. Il faut aussi - bien sûr - considérer l'âge auquel on veut donner un livre à lire...
Il faut également noter que les conseils visent essentiellement des séries de bandes dessinées "classiques", très répandues, et destinées majoritairement aux enfants. Il a été délibérément décidé d'ignorer les séries contemporaines pour adultes, où chacune véhicule les idéologies de son auteur, à la manière d'un livre, mais avec la puissance des images en plus. Il y a là une nouvelle forme de bande dessinée, qui mériterait une étude à part, hors de notre sujet qui se limite aux "aventures", ou aux "romans" tout en images. Les quelques exceptions qui sont faites à cette règle sont des mises en garde pour des séries qui auraient peut-être tendance à rejoindre les premières...
Alors, bonne lecture et
bonne détente !
· Belles
Histoires, Belles Vies : La célèbre série de vies de saints éditée à Fleurus se
passe de commentaires. A consommer sans modération, afin de faire connaître les
vies des saints, aux enfants comme aux adultes.
· L’histoire en
B.D. : Sous ce titre générique, on peut classer plusieurs séries. Les
« figures de proues » présentent des hommes célèbres ou des saints.
Signalons l’excellent St Jean Bosco ou le Charles de Foucauld. Il existe aussi des série sur l’histoire de France ou de Bretagne, sur les
guerres de Vendée… qui sont excellentes et pour tout public.
· Thierry de
Royaumont : Cette première série de cape et d’épée francophone nous reporte au siècle
de St Louis, pour de palpitantes aventures. La franchise et la pureté du héros
en font un modèle du genre, inégalé à ce jour. Pour tout public, sans
modération.
· Pilamm "la bonne nouvelle" : Série du nom de son très jeune dessinateur, présentant la vie de Jésus (4vol) et les évangiles (2vol). Pour enfants et adolescents.
· Loupiot : Aventures d'un jeune enfant et d'un loup, sur le fond de l'histoire de St François. Beaux récits, très éducatifs et adaptés aux petits enfants, pour leur faire apprendre et pratiquer les vertus propres à leur âge.
· Le chevalier de St Clair : Au 18ème siècle, un noble français désargenté parcourt la France et le monde au service du roi. De belles pages sur la vie au siècle de lumière, un brin d’humour et de beaux duels à l’épée. Pour tout public.
· La patrouille des
Castors : Les aventures d’une patrouille scoute, dans la traditions
des romans scouts. A lire à tout age pour faire aimer le scoutisme. Il convient
de signaler que seuls les premiers numéros sont bons : l’idéologie moderne se
répand à partir du n° 15. A noter que cela correspond au passage de l’uniforme
« scout » à celui de « pionnier ». Ces albums sont à déconseiller absolument !
· Tintin : Dessiné par Hergé, les aventures
du fameux reporter sont à lire à tout âge… De la très bonne bande dessinée.
Quelques légères nuances sur les deux derniers albums (Vol 714 pour Sydney :
problème des extra-terrestres ; Tintin et les picaros :
problème de la guérilla révolutionnaire).
· Astérix : Très bonne série qui n’est plus
à présenter, destinée originalement aux adultes. Les jeunes enfants ne comprendront probablement pas tous les jeux
de mots, mais suivront l’intrigue sans problème.
· Buck
Danny : Les aventures d’un pilote de chasse américain.
Pour tous ceux qui rêvent d’être un jour pilote. Frise intéressante de
l'histoire de l'aviation militaire américaine, à travers les conflits depuis
1942. Pour tout public.
· Barbe-Rouge : Les aventures
d’un pirate dans les caraïbes. A noter que malgré le personnage sympathique du
pirate, la piraterie se trouve condamnée, et que le respect de l’ordre et des
lois est encouragé. Pour tout public.
· Blacke et Mortimer : Un scientifique et un responsable des services secrets britanniques confrontés à l’espionnage. Pour tout public, dès l’adolescence.
· Johan et Pirlouit : Aventures de chevalerie de très bon esprit. Le contexte historique est totalement fictif. Pour tout public.
· Chevalier Ardent : Aventures de chevalerie... Beaucoup de valeurs morales chez un héros un peu fougueux, mais défendant les principes de la chevalerie. Pour tout public.
· Le chevalier blanc : Aventures de chevalerie... Le contexte historique est soigné (XIIIème siècle), et la chevalerie bien mise en valeur. Pour tout public.
· Benoît Brisefer : Aventures d'un enfant doué d'une force prodigieuse, lorsqu'il n'est pas enrhumé. Pour tout public.
· Alix : Au temps des romains, les
aventures de deux jeunes garçons. Pour tout public, dès l’adolescence.
· Lefranc : Un journaliste part résoudre des
énigmes historiques. De bonnes intrigues. Pour tout public, dès l’adolescence.
· Achille
Talon : Beaucoup d’humour et de jeux de mots savants dans un français châtié,
voire précieux, pour ces aventures de vie quotidienne d’un français
« moyen ». Pour adultes et adolescents.
· Spirou et Fantasio : Un grand classique, pour des histoires variées. Pour tout public, dès
l’adolescence.
· Les tuniques
bleues : Pendant la guerre de sécession, un sergent téméraire et un caporal
craintif nous font parcourir les champs de bataille. Beaucoup de rire en
perspective. Pour tout public, dès l’adolescence.
· Gaston Lagaffe : Sympathique bien que fort paresseux (et à ce titre ce n’est pas un modèle à imiter…) les célèbres « gaffes » de cet employé de bureau sont fort distrayantes. Pour tout public, dès l’adolescence.
· Sylvain et Sylvette : Un petit garçon et une petite
fille vivent à la campagne avec leurs animaux domestiques, et sont tourmentés
par quatre animaux sauvages. De belles et fraîches aventures. Pour enfants, et
même après…
· Lucky Lucke : Ambiance western pour ce jeune homme qui tire plus vite que son ombre. Bien que sympathique aux enfants, il faut remarquer l’amoralité du héros et une certaine faiblesse des scénarios. Pour adultes et adolescents.
· Ric
Hochet : Des enquêtes de qualité pour ce journaliste toujours prêt à redresser les
injustices et à retrouver la vérité dans les situations les plus compliquées.
Pour tout public, dés l’adolescence.
· Calvin et
Hobbes : Un enfant se fait des réflexions d’adultes, et en parle à son tigre. De
bonnes analyses psychologiques et beaucoup d’humour. Les bêtises de l’enfant et
son langage indiquent un public d’adultes, qui seuls sauront apprécier.
· Tanguy et Laverdure : Deux pilotes de chasse français, un peu casse-cou. Un peu dans le genre de Buck Danny, mais en style français. Pour tout public.
· Yoko
Tsuno : De la science-fiction de bon aloi, aux dessins soignés (ce n’est pas
souvent le cas dans le genre). Pour tout public (les jeunes enfants doivent
être éduqués préalablement à ce qu’est la science-fiction !)
· Jo, Zette et
Jocko : Un petit garçon, une petite fille et leur singe traversent des aventures.
Belles histoires pour enfants dessinée par l'auteur de Tintin.
· Michel
Vaillant : Des courses de voiture et de la vitesse. Pour tout public, dès
l’adolescence.
· Vallardy : Une autre série sur les voitures. Pour tout public, dès
l’adolescence.
· Ran Tan
Plan : Dérivée de Lucky Lucke, cette série n’en a ni la célébrité ni
l’intérêt. Son comique reste aussi plat que ses scénarios. Pour adultes et
adolescents.
· Les
schtroumpfs : Ce petit peuple bien connu et sympathique ne doit pas nous faire oublier
que l’inspiration de cette bande dessinée est communiste…
· Les aigles décapités : Aventures de chevalerie avec tous les ingrédients d'un très bon scénario, mais moralité assez faible du héros. Une vue assez partiale du moyen-âge. Adultes et adolescents.
·
Jhen : Un jeune homme parcourt
l’Europe de la fin du moyen-âge. Cette époque est présentée sous son plus
mauvais jour, en alliant les erreurs historiques aux caricatures grotesques.
Quelques scènes immorales complètent une atmosphère assez glauque. Adultes et
grands adolescents avertis.
· Thorgal : Une saga mythologique avec un
brin de science-fiction. Très belle intrigue. Le héros venu des étoiles recherche ses origines et
défend sa famille avec une rare fidélité, malgré de nombreuses épreuves (bel
exemple de vertu morale aujourd'hui). Mais le reste de sa morale est fondamentalement païenne
(donc anticatholique : Dieux nordiques, magie, violence...) et la vision du
monde noire (monde mauvais, où l'on erre sans repos) et subjective (le monde
n'existe que comme on le connaît). Adultes et grands adolescents.
· XIII : Série policière avec une très
bonne intrigue (il faut lire dans l’ordre les numéros pour s’y retrouver…) Se
lit comme un roman policier de bonne tenue en images. Il faut cependant
remarquer le peu de moralité du héros (tant pour les meurtres que pour les
mœurs dissolues) et le côté noir de certains dessins. Certains poncifs
révolutionnaires ne sont pas absents. Pour adultes exclusivement.
· Largo
winch : Une bande dessinée attirante (bien dessinée et bons scénarios) mettant en scène un
jeune milliardaire cherchant les aventures. L’immoralité du héros est notoire :
les scènes érotiques se succèdent tant chez le héros que chez ses amis, dans un
monde où tous les coups sont permis (réalisme du monde de la politique et de la
finance). A
déconseiller.
· Akira : Dans
le genre des mangas, une histoire tellement captivante que l’on ne peut s’en
détacher avant d’avoir tout lu (ce qui n’est pas sans danger, comme pour
certains jeux vidéos…) Les pouvoirs
paranormaux des héros vont conduire à l’anarchie complète, où la seule loi est
celle du plus fort. Il vaut mieux dans ce cas éviter d’y toucher, que se
laisser tenter (même les adultes).
· Le petit Spirou : En reprenant le personnage de la série originale et en le rajeunissant, cette série n’en a pas du tout gardé l’esprit : tout semble désormais tourner autour du sexe (d’enfant !) ou des bêtises du plus mauvais goût. Stupide, sale et sans intérêt, cette série est à déconseiller absolument, même aux adultes.
· Titeuf : Un fatras malsain issu des fantasmes d'adultes sur la sexualité des enfants et dans le but évident de pervertir ; cette B.D. fait l'objet de beaucoup de publicité, le personnage est repris pour présenter des produits, et circule dans les familles parce que les parents ne prennent pas le temps de lire auparavant l'ensemble du livre, séduits par le personnage « amusant ». Le titre des premiers nos donne une idée du programme : Dieu le sexe et les bretelles, L’amour c’est pô propre…Du plus mauvais goût, cette série est à déconseiller absolument, même aux adultes (sauf pour les retirer des mains de leurs enfants !), même si c'est actuellement l'un des plus gros succès de la BD...!
· Les éditions du Triomphe : De très nombreuses Bd catholiques pour tous âges. Editions et rééditions de Bd anciennes parues dans divers journaux introuvables. Deux grands axes : les Bd à caractère historique et chrétien (Jésus de Nazareth, St Vincent de Paul, le St Curé d'Ars, St Hubert, St Padre Pio ; Les hospitaliers de Malte, Marie Antoinette, Charette, Napoléon, , Histoire de la Légion Etrangère, Sissi, Guy de Largaudie, St Exupéry, Jean-Paul II, le P. Werenfried, Van), et les belles aventures, aux valeurs chrétiennes (Thierry de Royaumont, le Chevalier Inconnu, le chevalier de St Clair, Bill Jourdan, Yvan des Valdaïs, Fripounet et Marisette, Oscar Hamel, Frédéri le Guardian, Yann le Vaillant, les 7 Samouraïs, Lameraven, Zéphyr, Alex et Eureka, Gilbert de Pontans, Thorios, P'tit Joc, Jojo des rues, Prudence Petitpas, Titounet et Titounette). Des nouveautés chaque année. Certainement le meilleur éditeur de bd catholiques aujourd'hui.
· Les éditions Coccinelle : Une quinzaine de nouvelles créations (depuis 1995) dans le monde de la Bd catholique. De nombreuses figures marquantes y trouvent une biographie dans des dessins soignés aux styles variés, notamment St François Xavier (patron des missions), St Jean Berchmans (jésuite), Dom Marmion (bénédictin), le P. Lebbe (missionnaire en chine), l'abbé Froidure (fondateur des "petits riens"), le roi Baudoin, les apparitions de Notre-Dame à Banneux... De nouvelles créations chaque année.
· Les éditions Reynald Secher : Axées sur l'histoire de France. Quelques création très intéressantes en collaboration Secher/Le Honzec : Histoire de France, Histoire de Bretagne, Vendée, Chouannerie, Napoléon III, Charlemagne...
· La Dame Blanche : Site souhaitant proposer "de bons et beaux livres". Vente en ligne de Bd classiques, particulièrement Tintin, Astérix, Blake et Mortimer, Sylvain et Sylvette...
· Le criabd : Site multilingue [Centre Religieux International d'Analyse de la BD] proposant une recension de toutes les bd chrétiennes existantes. Pour découvrir ce que l'on ignore et que le modeste article ci-dessus n'entend pas recenser faute de place...
[1] Une
partie de cette analyse est due à la plume d’Henri Servien, dans un article paru
dans Lecture et Tradition, en janvier 1976. Cet article a
été retouché et complété pour le mettre à jour après 25 ans, sans en
renier les idées d’origine. Il a été nécessaire d’en supprimer une partie, du
fait de l’évolution des lectures et des éditions de bandes dessinées depuis
cette époque…
[2] C'est-à-dire
« moderne », celui des 30-40 dernières années…