Dans la région de Québec, jamais les logements en copropriété abordables neufs n'auront été autant recherchés. La demande est énergique. L'offre aussi.
Dans l'ensemble, la demande de résidences neuves reste incroyable", constate le directeur général du programme de garantie des maisons neuves Qualité Habitation de l'Association de la construction du Québec (ACQ), Robert Linteau.
La Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), dans ses plus récentes prévisions, estime qu'on devrait fermer l'année 2003 avec 5600 mises en chantier (30 % de plus que l'an passé), dont 1800 en logements locatifs et 800 en copropriétés.
Mais, continue M. Linteau, ce sont les "condominiums à prix abordables" qui attirent l'attention. Économiste et analyste principal de marché au bureau de Québec de la SCHL, Jean-François Dion n'en pense pas moins.
Plusieurs chantiers de copropriétés abordables sont amorcés, d'autres annoncés et certains terminés. On estime qu'ils représentent environ 50 % du parc de logements en copropriété qui auront été bâtis cette année.
Ce qui est beaucoup en comparaison du parc général des copropriétés existantes dans la région de Québec (16 000), dans lequel les logements abordables comptent pour 25 %.
La secousse à laquelle ces derniers donnent lieu depuis un peu plus d'un an a sans doute porté la SCHL à revoir ses prévisions de mises en chantier de copropriétés pour 2003.
Elles se chiffraient à 300 au printemps 2002, plus tard à 600, tout dernièrement à 800. Dont 400 abordables, en principe. A lui seul, le Square Saint-David à Beauport (photo de la une de ce cahier Habitat Immobilier) en aura "livré" 107 nouvelles.
En fait, la valeur des copropriétés abordables neuves varie de 65 000 $ à 90 000 $. Leur succès est, retentissant. "Depuis l'an passé, ce marché va bien", constate M. Dion.
Ce type d'occupation trouve écho, selon M. Linteau, auprès de jeunes ménages de condition moyenne qui ne peuvent trouver un logement locatif à leur goût, mais qui savent compter.
Leur loyer mensuel, hormis les frais collatéraux tels taxes, énergie et chauffage, est presque identique à celui d'un logement locatif comparable. "Car les prix des condos sont abordables justement et les taux d'intérêt bas", insiste le directeur général de Qualité Habitation.
Serge-Philippe Tremblay est agent immobilier sous la bannière Sutton. Il est au nombre des vendeurs des 63 logements en copropriété du projet Les Havres Lebourgneuf, boulevard du même nom à Québec. La moitié ont été vendus sur plan. La construction est sur le point de commencer.
Il constate que les 25-35 ans et les 55-65 ans sont les principaux acheteurs de leurs "condos abordables" dans une proportion respective de 15 approximativement.
Les personnes de 55 ans et plus, d'après M. Tremblay, joignent les rangs parce que leurs enfants sont partis et qu'ils se retrouvent seuls dans leur grande maison. Ils veulent vivre dans un logement moins grand et sans entretien.
Par ailleurs, Jean-François Dion présume que la construction de "condos abordables" contribuera à soulager un peu tout au moins la crise qui prévaut dans le locatif. Le taux d'inoccupation dans ce secteur devrait passer, dans la région de Québec, de 0,3 % à 0,8 % d'ici la fin de l'année.
Ratio
En 1995, les propriétaires de logements en copropriété qui voulaient vendre s'arrachaient les cheveux. Le nombre de vendeurs pour un acheteur (ou ratio vendeurs/acheteur) était de 50. Dans la "périphérie nord", laquelle comprend entre autres Beauport et Charlesbourg, la situation était bouleversante. Le ratio était de 89.
Depuis ces dernières années, la situation a viré bout pour bout. Au point où le ratio n'est à présent que de 4. La demande de copropriétés économiques est importante aussi bien sur le marché du neuf que de l'usagé.
De 1995 à 2000, sauf dans des quartiers de choix, les particuliers soldaient leur copropriété sous le prix qu'ils avaient payé. "L'an passé, on a commencé à vendre au-dessus de l'évaluation municipale", constate Jocelyn Therrien, lequel est également au service du programme Qualité Habitation.
La vente de "condos abordables" usagés marche bien, croit pour sa part Michèle Gagnon, présidente de la Chambre immobilière de Québec. L'automne dernier, ils étaient rares. Il y en a encore peu.
"Si on en construit tant, c'est qu'il en manque", suppose-t-elle. De toute façon, tout ce qui est mis en vente actuellement sur le réseau interagence trouve preneur. "Mais les transactions ne sont ni aussi rapides ni aussi instantanées qu'on ne le pense", tient-elle à préciser.
Combien de temps ?
La demande de logements en copropriété économiques neufs va-t-elle tenir longtemps ?
"Je suppose que cela va durer aussi longtemps que la crise du logement ne sera pas résorbée", suppute M. Therrien. Mais s'il survenait une autre période de mévente, elle ne pourrait, d'après lui, être aussi dramatique que celle qui a prévalu durant la dernière moitié des années 90.
D'un autre côté, croit-on chez le courtier immobilier Sutton, s'il se produit une désaffection chez les jeunes, elle sera compensée par une demande probablement accrue de la part des 55 ans et plus.
"C'est la population qui vieillit qui va soutenir le marché", déclare une agente.
La demande de logements en copropriété abordable est aussi liée à la création d'emplois. A la fin de 2003, dans la région administrative de Québec, on devrait en dénombrer 10 000 nouveaux. Tandis que dans toute la région de la capitale nationale, il y en eut 20 000 en 2002.
Or, d'après Jean-François Dion, l'onde de choc de la création d'emplois sur la demande de logements dure au moins deux ans. Ce n'est donc pas demain la veille.
Enfin, la hausse des prix des maisons et celle appréhendée des taux d'intérêt devraient faire entraîner plus de particuliers vers des logements économiques tels les maisons en rangée, où le ratio vendeurs/acheteur est en bas de 4, et les copropriétés.
Vous pouvez acheter un appartement en copropriété de 3 pièces 1/2 pour 427 $ par mois. Dans ce cas, à quoi bon louer ?
C'est ce que suggère la réclame de Les condominiums Le Contemporain (Charlesbourg) parue dernièrement. De quoi faire réfléchir, en effet.
Puis Les Havres Lebourgneuf qui offrent des "3 1/2" et des "4 1/2" à partir de 352 $.
Ou encore la publicité de Le Marquis Condominium et Les Terrasses Monaco, tous deux à Charlesbourg, qui proposent des appartements à partir de 67 840 $ et 59 900 $ respectivement. Voilà de quoi sustenter les ménages qui commencent.
Cependant, faut voir de près la nature de la construction, les superficies, les aménagements, la valeur du terrain, le site, les frais communs, les services et équipements de chaque projet avant de conclure que l'un est plus cher que l'autre. Le prix a son contexte. Chose certaine, la proposition explicite ou implicite d'acheter plutôt que de louer est séduisante. D'autant la valeur moyenne d'un logement dans la région de Québec est de 121 000 $ (souvent inaccessible à un premier acheteur) et qu'il est difficile de trouver un appartement à son goût et à son coût sur le marché du locatif.
Objectivement, pense Jocelyn Therrien du programme de garantie Qualité Habitation de l'Association de la construction du Québec (ACQ), un appartement en copropriété neuf est plus onéreux qu'un logement locatif comparable. On peut louer un "4 1/2" pour 450 $ contre un "3 1/2" en copropriété.
exercice de la propriété
Par contre, le logement est flambant neuf, donne lieu à l'exercice de la propriété, constitue souvent un premier achat sur lequel sera fondé le prochain.
Car lorsqu'on déménage ou qu'on acquiert une première ou une deuxième propriété, c'est pour améliorer son sort. A moins que ce ne soit pour rectifier le tir après le départ des enfants de la maison. Alors on se met en "condos" car on n'a plus besoin d'être "grandement".