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JEAN-MARIE LE PEN : « Je ne crois pas que Mme Royal sera au second tour »

SIEGE DE NOTRE JOURNAL (SAINT-OUEN), VENDREDI. Devant nos lecteurs, Jean-Marie Le Pen s’est dit « un adversaire résolu de la double nationalité ». (LP.)
FACE AUX LECTEURS. Démentant tout dialogue entre l’équipe Sarkozy
et lui, Jean-Marie Le Pen, 78 ans, se dit persuadé qu’il sera à nouveau présent au second tour et qu’il y affrontera cette fois le candidat UMP.


AVEC LE CHEF de file de l'extrême droite, impossible de démêler ce qui relève de l'intox, de la manip ou de la conviction : tout, en permanence, est toujours mélangé. A moins d'une semaine du scrutin, Jean-Marie Le Pen se dit persuadé que les sondages le sous-estiment, que ses électeurs avancent masqués et qu'il sera donc à nouveau présent au second tour. Il y affronterait cette fois Nicolas Sarkozy qui -excusez du peu-n'aurait pas autant de titres que lui à pouvoir prétendre représenter demain les Français : trop « hongrois », en somme. Un Le Pen roublard capable, face à nos lecteurs, d'alterner numéro de « charme », gros bon sens, brusqueries, accès de violence vite réfrénés. le tout truffé de grossières « provocs ». On notera qu'il dément catégoriquement tout contact avec les équipes UMP mais qu'il n'exclut pas, en cas de drame, une participation du FN à un gouvernement d'« union nationale ». En attendant, Le Pen, qui réunit les siens cet après-midi au palais des Sports de Paris, trouve Sarkozy plus correct que Chirac, comparé au passage à. un « doberman ».

Entretien coordonné par Didier Micoine et Dominique de Montvalon Avec la collaboration de Brigitte Leroy
Photos : Aurelie Audureau


ABDELLATIF EN-NOUGAOUI. Depuis quelques jours, vous mettez en avant les origines hongroises de M. Sarkozy. Cela veut-il dire qu'on n'est pas capable, à vos yeux, de représenter la France et de présenter un projet crédible quand on a des origines étrangères ?
Jean-Marie Le Pen. Les références à ses origines étrangères ont été largement instrumentalisées par M. Sarkozy lui-même, probablement dans le but de s'attirer la sympathie des Français d'origine étrangère. Nous sommes une nation très ancienne. Une nation, c'est un passé vécu, des épreuves, un présent, un avenir, une espérance d'envie de vivre ensemble. Je dis à M. Sarkozy qu'il n'a pas ce passé qui constitue la structure de la nation. Or, je crois que le président de la République n'est pas un homme politique comme les autres. A un moment donné, il est en charge d'une incarnation du peuple et de la nation, et le fait d'avoir trois grands-parents étrangers n'est pas ce qui vous qualifie le plus pour cette fonction exceptionnelle. En tout cas, je pense être mieux placé pour représenter la France dans son continuum historique que M. Sarkozy. Celui-ci a une qualité supplémentaire, qu'il avoue avec naïveté ou cynisme : il a une ambition qui est née quasiment avec lui. Tout petit garçon, comme d'autres veulent être infirmiers ou pompiers, lui voulait être président de la République.


« L’épouse d’un président n’a aucune fonction autre que
décorative »



Qui peut-être président de la République ?

EMMANUEL DELARUE. Je ne comprends pas. Si être né de parents français est, pour vous, un atout pour être candidat à l'Elysée, à partir de combien de générations cet atout joue-t-il ?
Dans n'importe quelle municipalité, l'habitant ancien est avantagé par rapport à quelqu'un qui habite là depuis trois ou six mois. Moi et ma famille, nous sommes morbihannais depuis le XVIIe siècle. Le président de la République, en dehors d'un programme que tout le monde oubliera le lendemain de son élection, c'est une personnalité qui va devoir présenter un certain nombre de garanties du côté de son attachement à la patrie qu'il doit représenter. Sarkozy a fait récemment référence, en parlant de la pédophilie, à des caractères génétiques. Il y a peut-être une prédisposition à la présidence de la République !

« J’ai dénoncé les patrons voyous et je continuerai à le
faire »


Quel place pour Jany, Marine et les femmes ?

LAURENT PRUGNEAU. Trouvez-vous normal que la première dame de France puisse être d'origine grecque et néerlandaise, comme c'est le cas de votre épouse ?
Le père de ma femme était grec. Il est mort et enterré en France. Si Jany a des origines néerlandaises, elle est de mère française. De toute façon, il ne s'agit pas pour elle de remplir le rôle de président de la République. Elle n'a aucune fonction autre que décorative. Cela n'a rien à voir avec Cécilia Sarkozy, qui s'est dit fière de n'avoir pas une goutte de sang français dans les veines. On peut parfaitement vivre dans un pays en étant étranger mais, à ce moment-là, on n'est pas candidat à la présidence de la République.

ABDELLATIF EN-NOUGAOUI. Que comptez-vous faire avec les Français qui ont une double nationalité ?
Je suis un adversaire résolu de la double nationalité. Je comprends très bien qu'on ait une affection pour son pays ou sa province d'origine. En revanche, quand on est citoyen d'un pays, on ne l'est pas d'un autre.

MURIELLE PEPINTER. Avez-vous l'intention de régulariser tous les étrangers qui ont une vie sociale sans reproche ?
Non. Les étrangers sans papiers sont, qu'on le veuille ou non, des délinquants, puisqu'ils sont entrés et ils résident au mépris des lois qui posent un certain nombre de conditions à la résidence. Si je suis élu président, je ferai une politique d'immigration zéro. Au moins pendant un certain temps. En trente ans, nous avons reçu pratiquement 10 millions d'étrangers en France, et on continue de recevoir entre 300 et 400 000 étrangers par an. Ce flux migratoire ne cesse de se renforcer, et ce n'est qu'un début si nous ne faisons rien. Je constate que les gens qui sont responsables de cette politique laxiste n'ont rien fait pour permettre l'intégration ou l'assimilation de ces populations. Ceci débouche sur des cités surpeuplées où le chômage, l'analphabétisme, l'insécurité créent des conditions extrêmement difficiles à supporter.

Vous n'étudierez même pas les dossiers au cas par cas ?
A titre individuel, je comprends parfaitement l'intérêt qui a pu conduire ces gens-là à venir ici. C'est moralement compréhensible, mais je suis chargé de défendre l'intérêt national de la France et des Français. Par conséquent, je ferai prévaloir cet impératif sur mes sentiments personnels de compassion.

MAÏLA MENDY. Pourquoi refusez-vous l'idée du droit de vote des immigrés aux élections locales ?
Parce que le droit de vote me paraît être un privilège de la nationalité et de la citoyenneté. C'est une exigence qui ne doit pas être contournée, quels que soient les mérites que peuvent avoir les étrangers dans une cité. D'ailleurs, M. Sarkozy qui avait avancé, à titre personnel, cette proposition de vote des immigrés aux municipales dit aujourd'hui considérer qu'elle n'est pas admise par l'opinion.

ABDELLATIF EN-NOUGAOUI. Les étrangers en situation régulière ont bien des droits, non ?
Bien sûr. Ils travaillent, ils sont payés, ils ont droit à une protection sociale, au respect. Ils ont tous les droits des étrangers en France. S'ils souhaitent avoir les droits des citoyens nationaux, ils peuvent solliciter la naturalisation.

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  L'ARRIVÉE AU JOURNAL
 
CE QU'A PENSÉ JEAN-MARIE LE PEN DE SON "FACE AUX LECTEURS"
 
COMMENT L'AVEZ-VOUS TROUVÉ ?
JEAN-CLAUDE BARGNER
65 ans
Retraité
Dreux (28)

« Il est comme je m'y attendais. Je n'ai pas changé d'avis sur lui. Je l'ai trouvé plus sympathique que lorsqu'on le voit dans les meetings à la télévision. On parle de lepénisation des esprits, mais il ne fait que répéter ce que pensent 15 à 20% des Français. Il est très habile, et plus malin que Royal. Il sait comment répondre et quand il ne veut pas répondre, il sait aussi comment y faire. Je trouve son discours très conciliant vis-à-vis de Sarkozy. »

MURIELLE PEPINTER
37 ans
En recherche d'emploi
Gagny (93)

« Je l'ai trouvé très ouvert. Je m'attendais à ce qu'il soit plus cassant. Ça ne va pas me faire changer d'avis, par exemple sur l'immigration. Jean-Marie Le Pen connaît ses sujets, et j'ai trouvé qu'il répondait précisément à nos questions. C'est une rencontre instructive, sans animosité. Je voulais le rencontrer. C'est intéressant de dialoguer avec des personnes opposées à ses propres opinions. »

ABDELLATIF EN-NOUGAOUI
43 ans
Professeur de lettres
Gagny (93)

« Je l'ai trouvé fidèle à lui même : beaucoup de considérations générales avec des petites digressions historiques qui se veulent piquantes ou drôles pour amuser l'auditoire, mais peu de concret. Il a lissé son discours, l'a banalisé pour le rendre plus présentable, mais c'est le même homme qu'avant. Il prend moins de risques en évitant de répondre sur des sujets difficiles, lorsqu'on l'interroge sur la Shoah par exemple. »

MAÏLA MENDY,
20 ans
Etudiante,
Noisy-le-Sec (93)

« Il a de l'humour , un franc-parler et il veut convaincre son public : voilà pour la forme. Sur le fond, j'avais mon idée sur lui avant de venir, et mon opinion n'a pas changé. Le Pen est bien un homme politique d'extrême droite, xénophobe et intolérant. Dès qu'on pose des questions en dehors de son fond de commerce - l'immigration -, il devient flou. Ainsi, il a eu du mal à répondre sur les problèmes d'éducation. »

LAURENT PRUGNEAU,
33 ans
Gérant BTP
Mitry-Mory (77)

« J'ai trouvé l'homme âgé. Il devrait passer la main. On ne peut pas prétendre à la magistrature suprême à bientôt 79 ans. Ça fait cinquante ans qu'il fait de la politique et, de son propre aveu, cinquante ans qu'il répète la même chose ou presque. Il dit d'ailleurs en boucle : « Je n'ai pas changé. J'avais simplement raison avant les autres. » Dès qu'une question l'embarrasse, il fait une pirouette et évite de répondre. »

EMMANUEL DELARUE,
36 ans
Enseignant,
Paris (75)

« Ce qui m'a frappé, c'est sa capacité à contrôler son discours. On sent vraiment qu'il se retient pour ne pas répondre, et éviter ainsi de déraper. Pour le reste, je n'ai pas du tout été surpris. Quand on se retrouve face à lui, ce n'est pas un affreux méchant loup mais cela, on le savait déjà. L'échange était intéressant même si, sur le fond, je n'ai pas appris beaucoup. Enfin, il nous a en tout cas affirmé qu'il n'y avait pas de contacts entre le FN et l'UMP. »

HÉLÈNE MONTIBERT-COURIER
46 ans
Directrice marketing
Puteaux (92)

« L'homme est très à l'aise , hâbleur, finalement fidèle à l'image de lui qu'on peut avoir. Et il est surtout monomaniaque sur l'immigration. Quand on l'interrogeait sur autre chose, il était difficile d'avoir des réponses concrètes. Il y a eu quelques piques au cours de la rencontre, mais il est resté très courtois. Quand on le pousse dans ses retranchements, il fait moins de circonvolutions que d'autres et il répond franchement. »

HUGUES LAFITTE
52 ans
Directeur général
Issy-les-Moulineaux (92)

« J'ai surtout été étonné par sa grande capacité à ne pas répondre véritablement. Ce n'était pas un débat, mais un jeu de questions-réponses et, du coup, c'était politiquement correct, même avec quelqu'un comme lui. Il est quand même surprenant. Il est capable de faire rire, mais quand il a parlé de racaille - ou plutôt de caillera - son visage s'est transformé : on aurait dit un bouledogue. Impressionnant. »
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