«Ce qui est sûr, c'est que François Bayrou ne doit pas renouer d'alliance avec la droite.»
Corinne Lepage, présidente du mouvement écologiste Cap 21.

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NICOLAS SARKOZY : « La chape de plomb de la pensée unique... »

SIEGE DE NOTRE JOURNAL (SAINT-OUEN), MERCREDI (LP.) Toujours en tête
des sondages, le candidat de l’UMP a eu un échange vif et passionné avec des lecteurs qui, souvent, ne l’ont pas ménagé.

FACE AUX LECTEURS. Toujours en tête des sondages, Nicolas Sarkozy ­ qui a dialogué mercredi avec nos lecteurs ­ ne sait pas, s’il est qualifié pour le second tour, qui il affrontera. En tout état de cause, il s’attend à un combat difficile.

DÉTERMINÉ, concentré, plutôt ouvert, souvent passionné, mais, pendant une bonne moitié de l’entretien, assez tendu : tel est apparu mercredi matin Nicolas Sarkozy venu débattre à Saint-Ouen dès 9 heures avec les lecteurs du « Parisien » et d’« Aujourd’hui en France ». Juste avant, le candidat de l’UMP et favori des sondages ­ qui mène au final un train d’enfer, considérant que rien n’est acquis, que rien n’est joué ­ était l’invité de France Inter.
Deux temps forts dans ce dialogue musclé. D’abord, la façon dont l’ancien ministre de l’Intérieur a évoqué les problèmes de sécurité, insistant sur les drames vécus par tant et tant de victimes et leurs familles : « Avec moi, a-t-il martelé, la violence ne tiendra pas le haut du pavé. » Ensuite, l’émotion dont il a témoigné en évoquant les coups qu’il a reçus, ses « cicatrices », les « caricatures » qui le visent et « le prix qu’a dû payer (sa) famille » : « Les attaques contre moi sont beaucoup plus lourdes que contre les autres. » Nicolas Sarkozy s’est affiché « serein », mais il y avait par moments de la gravité dans l’air.

Entretien coordonné par Henri Vernet et Dominique de Montvalon Avec la collaboration de Martine Mahé O’Chinal Photos : Frédéric Dugit

PAUL-VICTOR VETTES. Il existe des problèmes de communication entre les jeunes et la police. Comment expliquez-vous un tel fossé ?
Nicolas Sarkozy. Je ne suis pas de cet avis. Le travail de la police, c’est d’arrêter les fraudeurs, d’interpeller les casseurs, de faire régner l’ordre. Cette mesure de protection des personnes et des biens est indispensable. A la gare du Nord, tout a commencé à cause d’un fraudeur qui n’a pas payé son ticket, a frappé des agents de la RATP, et qui, par ailleurs, avait déjà été condamné dans le passé à sept reprises. A cette occasion, des voyous ont saccagé la gare. De là à penser qu’il y a un problème entre la police et la jeunesse, non ! La police a fait son travail. Je la soutiens. Certes, il peut y avoir des problèmes. Il y a 150 000 policiers en France, tous ne sont peut-être pas exemplaires. Mais c’est une forme de pensée unique que de passer son temps à réfléchir à un prétendu fossé, de vouloir trouver des excuses à tout. Dimanche, j’ai rencontré la mère de la jeune Ghofrane, torturée à mort par deux garçons de 17 ans pour lui extorquer le code de sa carte bancaire. Et la jeune Mama Galledou, brûlée à 62 % dans un bus à Marseille par des mineurs ? Où sont les bonnes consciences pour défendre ces victimes ? Je serai le président de la République qui ne mettra pas sur un pied d’égalité les victimes et les délinquants. Cinquante pour cent des crimes et délits sont commis par 5 % des délinquants. Si je suis élu, les multirécidivistes seront punis beaucoup plus sévèrement, avec l’instauration de peines planchers. Et les mineurs multirécidivistes de plus de 16 ans seront traités comme des majeurs. La fermeté, c’est le meilleur moyen de faire revenir dans le droit chemin des jeunes en déshérence.


Comment réconcilier la police et les jeunes ?

« Bayrou découvre les banlieues »

YVAN GAUTHO. En 2002, vous avez supprimé la police de proximité. N’était-ce pourtant pas un bon moyen pour la prévention ?
Quand je suis devenu ministre de l’Intérieur en 2002, la délinquance explosait. Si j’avais continué avec la stratégie de Lionel Jospin et Daniel Vaillant, j’aurais eu les mêmes résultats. La police de proximité, cela consistait à faire des patrouilles entre 8 heures et midi pour que le policier dise bonjour à la commerçante. Cela n’avait aucun sens. J’ai préféré mettre la police dans les quartiers aux heures auxquelles les voyous sont dehors, entre 17 heures et 3 heures du matin. Son travail, c’est de les interpeller pour que vous soyez tranquille, que vous n’ayez pas peur dans les transports. La police de proximité, je l’ai maintenue à proximité des délinquants et non pas à proximité des honnêtes gens. Personne ne s’étonne quand des jeunes tabassent un policier, frappent une enseignante ! C’est normal de vouloir brûler la voiture de son voisin ! On me dit qu’il faut faire de la prévention. Bien sûr qu’il faut en faire. Ceci dit, dans notre pays, on se fait soigner gratuitement, l’école est gratuite, on a beaucoup de droits. Eh bien, moi, maintenant, je veux aussi parler des devoirs. Si vous votez pour moi, les choses sont claires : la violence ne tiendra pas le haut du pavé.

Que proposez-vous pour prévenir l'insécurité ?

ROSELYNE LACHAUT. Que fait-on des délinquants ? La prison est-elle la solution idéale ?
En quatre ans, on a obtenu des résultats, mais il faut aller plus loin. Et si je suis élu, je pourrai aller plus loin. Il y a trois grands problèmes : les multirécidivistes, les mineurs dont j’ai déjà parlé, et aussi les prisons. Quinze pour cent des détenus sont des malades psychiatriques. Il faut les mettre dans des hôpitaux-prisons. Je ne veux plus qu’il y ait un délinquant sexuel qui sorte de prison sans avoir été obligé de se soigner. Je vais en construire un par région. Guy Georges, qui a tué douze femmes, on va le laisser sortir comme ça ? Et Pierre Bodein, qui en a tué trois alors qu’il était en libération conditionnelle ! Et Nelly Cremel, assassinée alors qu’elle faisait son jogging pour 20 € par un homme qui avait été condamné à vingt ans de prison et était sorti au bout de dix ! C’est normal ? Cela étant, il faut que, dans la prison, les règles de la République s’appliquent.

BRIGITTE DE MIL. Il vous est arrivé de justifier la légitime défense dans le cas d’un meurtre. Etes-vous favorable à la peine de mort ?
Non, je ne suis pas pour la peine de mort pour des raisons philosophiques, et même religieuses. C’est sans ambiguïté. Et, d’ailleurs, la France a signé des conventions européennes rendant ce rétablissement impossible. J’ajoute que cela n’aurait aucun sens d’appliquer la peine de mort à des malades. En revanche, soigner les malades pour éviter qu’ils récidivent, cela en a. Au nom de quoi le principe de précaution qui vaut pour l’environnement ne s’appliquerait-il pas pour les victimes potentielles avant de décider de relâcher un assassin ou un violeur ? Quant à la légitime défense, je ne vois pas quand je l’ai justifiée. C’est une chose de dire que je peux comprendre la réaction d’un père bouleversé, sa souffrance extrême. En revanche, je n’accepte pas la légitime défense. Dans une démocratie, c’est l’Etat qui défend.

YVAN GAUTHO. Un candidat qui ne peut pas aller dans certaines parties du territoire peut-il être le président de tous les Français ?
De qui parlez-vous ? De quels endroits ?

YVAN GAUTHO. Vous-même ! En banlieue !
Il y a une semaine, j’étais à Meaux dans le quartier de la Pierre-Collinet pour un entretien ­ musclé ­ avec 200 jeunes. Depuis 2002, je suis allé 209 fois dans les quartiers. Le Pen va une fois à Argenteuil. Il faudrait que j’y aille ? Moi, j’y suis allé en octobre 2005. Bayrou découvre les banlieues, il y est allé deux fois depuis le début de la campagne. Quand j’y allais, on disait que je les instrumentalisais et, maintenant, il faudrait que j’y aille pour faire plaisir à Le Pen ! Il n’y a pas un quartier difficile en province ou en région parisienne où je ne sois allé dans les cinq dernières années. Quel est l’endroit où je suis interdit de séjour ? La France, ce n’est pas seulement les quartiers difficiles, ceux où on brûle les voitures, c’est aussi Tarbes, Gap, Issoudun, Châteauroux… La prochaine fois, venez avec moi, vous verrez comme on est bien reçu.

VERONIQUE GIRAULT. On a beaucoup parlé de l’identité nationale. Selon vous, qu’est-ce qu’être français aujourd’hui ?
Quand j’ai posé cette question de l’identité nationale, tout le monde m’est tombé dessus. Il ne fallait pas en parler. Puis les Français ont exigé qu’on mette ce débat sur la table. Pourquoi l’intégration à la française ne marche pas ? Pourquoi un garçon né en France se sent-il moins bien intégré que ses grands-parents qui étaient étrangers ? C’est parce qu’on ne parle pas suffisamment de la France. La France, ce n’est pas une race ni une ethnie, mais une multitude de petites patries qui en ont fait une grande : les Bretons, les Corses, les immigrés, les Alsaciens, les Provençaux… C’est un idéal, une communauté de valeurs, une République : l’égalité hommes-femmes, la séparation du temporel et du spirituel… Pourquoi parler en même temps d’identité et d’immigration ? Car la France s’est construite à travers des vagues d’immigration successives. Chacun amène son identité. Mais, si vous n’expliquez pas à celui qui arrive l’identité de la France, comment peut-il s’intégrer ? Si on ne respecte pas la France, si on n’aime pas ses valeurs, pourquoi veut-on y venir ? Il faut être fier d’être français.

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  L'ARRIVÉE AU JOURNAL
 
CE QU'A PENSÉ NICOLAS SARKOZY DE SON "FACE AUX LECTEURS"
 
SON SCÉNARIO DU SECOND TOUR
 
COMMENT L'AVEZ-VOUS TROUVÉ ?
YVAN GAUTHO
35 ans
Créateur d'entreprise
Paris (75)

« J'ai trouvé dans ses propos tout de même pas mal de démagogie. Il ne m'inspire pas confiance. Il a répondu aux questions. Mais dans ses idées il y a toujours un fond qui me dérange, notamment quand il aborde certains sujets comme la génétique et l'identité sexuelle. Il a des mots qui me crispent, qui me questionnent sur la forme mais aussi sur le fond. En fait, j'ai l'impression qu'il n'y a parfois pas d'écoute chez ce candidat. »

MAILA MENDY
20 ans
Etudiante
Noisy-le-Sec (93)

« Il a du caractère et monopolise beaucoup la parole. Ça lui donne un côté Père Fouettard qui fait un peu peur. On voit que c'est la répression, et pas de prévention. Il fait aussi beaucoup de stigmatisations et de généralisations, notamment sur les immigrés. Il avait l'air un peu ému sur certains sujets, notamment sur sa famille. Il a raison aussi de dire que les électeurs du FN sont des Français comme les autres. Il sait qu'il aura besoin de leurs voix. »

ETIENNE SMITH
26 ans
Doctorant
Paris (75)

« Je l'ai trouvé très sympathique et agréable. Il a accepté la contradiction et a répondu franchement. Dans le débat d'idées, il est redoutable. Mais ce qu'il gagne en habileté rhétorique, il le perd en sincérité. Il prend toujours les mêmes exemples, les mêmes faits divers et crimes atroces qu'il utilise quand il est à la télévision. On attendait plus de cette rencontre. Et il répondait plus par des questions que par des réponses. »

VERONIQUE GIRAULT
33 ans
Responsable de communication
Paris (75)

« J'espérais approcher l'homme un peu plus que l'animal politique. De ce point de vue-là, il était un peu décevant. Il est très offensif, agite plein de grosses ficelles au détriment de la sincérité. Il a ainsi fait une surenchère de faits divers tenant plus de l'anecdote que de la compassion. Et finalement, on n'est pas du tout convaincus. Il manque de spontanéité. Le seul moment où je l'ai senti sincère, c'est lorsqu'il a parlé de sa famille. »

GERARD HAROU
57 ans
Artisan taxi
Nanterre (92)

« J'ai été agréablement surpris. Je l'ai trouvé assez ouvert, proche des préoccupations de chacun. Il a beaucoup de convictions et les fait valoir avec force. Il est lui-même, compétent et c'est le seul, à mes yeux, qui a la stature présidentielle. Et même si je ne suis pas sûr qu'il pourra faire tout ce qu'il veut, il dit dans quelle direction il veut aller. Concernant les accointances supposées avec le FN, il a été clair et n'a pas fait dans la demi-mesure. »

PAUL-VICTOR VETTES
21 ans
Etudiant
Saint-Maur-des-Fossés (94)

« Je l'ai trouvé animé et vif. Il est passionné et indéniablement cohérent. Mais j'ai l'impression que la forme de son discours empêche un vrai questionnement sur le fond. On reste parfois trop dans la démonstration manichéenne. Il a un ton autoritaire et affirme certaines choses avec le poing levé. Il a beaucoup de certitudes et le dialogue paraît difficile. J'ai donc le sentiment de ne pas avoir eu les réponses aux questions que je posais. »

ROSELYNE LACHAUT
55 ans
Cadre de banque
Paris (75)

« J'ai vu l'homme qu'on voit à la télévision. Ses réponses sont un peu toujours les mêmes. C'était certes précis et très clair. Il est très présent et cherche à être convaincant. Mais il refuse la nuance, alors que le monde est quelquefois complexe. Quand il répond, on voit qu'il caricature nos propos. Il peut incarner la fonction présidentielle, mais il aura sans doute une difficulté à être le président de tous les Français. »

BRIGITTE DE MIL
48 ans
Assistante de communication
Ecouen (95)

« La technique de communication semble rodée pour atteindre un seul but : le pouvoir. Il serait dommage que trop de Français soient dupes. »

(NDLR : Brigitte De Mil n'a pas souhaité s'exprimer davantage.)

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