Ce blog n’est pas mon premier. J’en avais commencé un l’an dernier, sur le site officiel du Sénat, sans trop savoir où j’allais. J’ai découvert l’outil au fur et à mesure que je commençais à l’animer. Après une année de fonctionnement, l’enthousiasme et la confiance ont fait place à une perplexité croissante. Pleine d’entrain au début, j’ai vite été confrontée aux limites de l’exercice.

Le premier problème est d’ordre matériel : il n’est pas si facile de tenir un blog quand on est dans l’action politique, qu’on court de train en réunion, de meeting en gare, d’hôtel en émission de radio... Il faut assurer une permanence électorale, se déplacer (en métro le plus souvent possible !) de rendez-vous en rendez-vous, suivre l’actualité, rédiger des articles, des interventions, rencontrer des élus, des habitants... À la fin d’une journée chargée, devant son clavier, il faut faire le calme, prendre du recul, rédiger des textes spontanés mais pas trop vifs, sympa mais pas démago, mesurés mais pas langue de bois, personnels mais pas people... Au début, on le fait avec entrain, et puis le quotidien et l’emploi du temps reprennent le dessus, et c’est toujours le blog qui en fait les frais ; le mien est parfois resté vide des semaines entières.

Le second problème est lié au caractère artificiel de l’outil lui-même : est-on sûr de toucher des « vraies gens » ? Qu’est-ce qui paie le plus ? Serrer des mains et faire des sourires sur un marché, ou répondre au billet d’un internaute anonyme caché derrière son pseudo ? On reproche souvent aux politiques de ne pas être en contact avec la réalité ordinaire de leurs concitoyens, de ne pas aller à leur rencontre. En tant que femme politique, j’ai donc un choix malaisé à faire : passer du temps derrière mon écran, ou passer du temps avec des « vraies gens » ? Faut-il que j’assiste physiquement aux réunions, aux spectacles, aux manifestations, ou faut-il que j’en parle sur mon blog ? Quelle est la priorité ?

Le troisième problème tient au public des blogs : qui sont les « blogueurs » ? Qui sont ceux qu’on atteint derrière leur écran ? Il y a quelque chose d’un peu malhonnête à prétendre que ceux qui pratiquent la «blogosphère » sont des citoyens ordinaires. Est-ce que la mère seule avec trois enfants qui vit en banlieue va se mettre à bloguer quand elle rentre du travail ? En feignant de penser que le démocratie sur internet est plus « participative » parce qu’on peut interpeller plus facilement le candidat, on oublie que des pans entiers de la population n’ont pas accès à internet, et qu’il faut de toute façon avoir déjà une certaine pratique de l’expression de soi, une certaine confiance en soi et en l’autre pour pouvoir s’autoriser à juger, à formuler un avis ou une recommandation sur un blog...

C’est donc avec une vive curiosité que je suis allée au pavillon Baltard, pour la soirée République des Blogs, mercredi 27 septembre. J’espérais vérifier si les blogueurs étaient bien de « vraies gens ». J’ai essentiellement rencontré des hommes, jeunes, plutôt aisés, et surtout « branchés » (Pourquoi des hommes seulement ? On m’a fourni plusieurs explications : les filles ne sont pas « douées pour la technique », ou alors elles sont « à la maison à garder les gosses »…comme quoi, on peut-être branché et misogyne !). L’ambiance était détendue, j’ai été reçue avec beaucoup de sympathie – et pas mal d’indulgence pour mon blog de néophyte. J’ai discuté avec beaucoup de personnes, et je leur ai fait part de mes interrogations. Si certains blogueurs, comme Vinvin ou Farid Taha ont rendu compte aimablement de mon intervention, d’autres ont peu apprécié ma remarque selon laquelle le blog serait un « outil de riches ». Cette phrase, tirée de son contexte, ne traduit pas exactement ma pensée. Je pensais seulement à ceux que le monde virtuel exclut pour des raisons culturelles et sociales.

Je me demandais aussi comment mettre ces nouveaux outils au service d’une ambition démocratique et d’un exercice un peu exigeant de la citoyenneté. Je me demandais surtout comment quitter le monde du loisir pour le monde de la vraie vie ? Quand Ségolène Royal associe les internautes à la réalisation de son programme sur internet, elle fait mine de croire que des internautes en pseudo sont des « monsieur et madame tout le monde ». Elle fait mine de croire que les solutions proposées par des visiteurs qui, pour la plupart, n’ont pas de connaissance profonde des dossiers ni des institutions, sont réalistes et applicables. Elle essaie aussi de nous faire croire que c‘est elle qui lit les commentaires et y répond alors qu’un staff de plusieurs dizaines de personnes anime son blog ! Avec ce type de sites, on est beaucoup plus dans le jeu, dans le « y’a qu’à », que dans la véritable construction politique !

C’est consciente de toutes les contraintes de l’exercice, mais aussi de sa richesse et de son potentiel que je commence aujourd’hui mon blog de campagne. J’ai le secret espoir de parvenir à tirer le meilleur parti de l’outil sans trop tomber dans ses travers. Si certains contenus, tels que l’agenda, les comptes rendus, ou les communiqués de presse pourront être rédigés par des proches collaborateurs, je veillerai aussi à l’alimenter en textes personnels que j’aurai pris soin d’écrire ou de dicter au gré de mes pérégrinations de campagne. A bientôt, donc, sur ce site que je suivrai de près.