Expulsés il y a quatre mois dans une débauche de moyens financiers et humains, Shpresa et Yussuf Raba sont aujourd'hui revenus en France, le pays où sont nés deux de leurs trois enfants, le pays où ils ont reconstruit leur vie depuis cinq ans, après qu'ils aient dû fuir le Kosovo.

On se souvient de l'émotion soulevée par leur arrestation, à Gray, où ils vivent, unanimement appréciés, et de la mobilisation de la plupart des habitants de cette petite ville de Haute-Saône. On se souvient des cris des enfants, des violences exercées contre les parents, et de la dignité de la maman, au centre de rétention de Lyon. On se souvient des conditions rocambolesques de leur expulsion, de Gray à Lyon et de Paris à Toulouse... pour un coût probablement supérieur à 100 000 euros…

Les Raba, eux, n'ont jamais imaginé vivre à nouveau au Kosovo, sous le regard goguenard ou menaçant de leurs tortionnaires d'hier. Ils sont revenus clandestinement, ce qui a arrondi la bourse des passeurs de 7000 euros. L'histoire de cette famille pourrait se résumer à ça : être le double symbole de l'inhumanité d'une politique d'expulsion à l'aveugle, et de l'échec de cette politique.

J'ai participé ce matin à l'Assemblée nationale à la conférence de presse du Réseau Éducation Sans Frontières, où Schpresa Raba était entourée des membres du comité de soutien de la famille. Il s'agissait de montrer que la mobilisation ne se relâche pas, que les soutiens sont là, dans leur diversité : parents d'élèves, syndicalistes, artistes, politiques, juristes…

« Pourquoi était-ce dangereux pour vous au Kosovo ? » demande une journaliste. Madame Raba ne peut pas, ne veut pas répondre. Dans son regard, on sait, on lit ce qui s'est passé, et que tous ceux qui l'entourent, savent aussi. Faut-il ressasser encore et encore la douleur du passé ? Shpresa demande juste - loin, très loin des grands débats sur la politique des migrations - que sa famille puisse être régularisée, que ses enfants poursuivent leur vie tranquille avec leurs amis de Gray, dans l'appartement que les amis ont conservé avec leurs affaires, en attendant leur retour.

Dans cet « entre-deux » de la campagne présidentielle, il n'est peut-être pas totalement saugrenu d'imaginer que Jacques Chirac et François Baroin voudront faire un petit geste pour régulariser, sans tambours ni trompettes, la famille Raba ? On avancerait un petit peu sur le chemin de l'humanité en politique.
C'est ce que je leur demande aujourd'hui.