L'Ordre des Prêcheurs
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Saint Dominique de Matisse
La mission de l'Ordre de saint Dominique aujourd'hui

fr. Felicisimo Martinez, o.p.

e dernier Chapitre Général d'Avila a de nouveau insisté sur ce qui a été souvent répété en diverses assemblées et forums sur la vie dominicaine: la mission de l'Ordre a été et doit continuer d'être une mission "aux frontières". La mission spécifique des Prêcheurs, c'est l'évangélisation aux frontières.

I. La mission aux frontières

Cette affirmation rend particulièrement présent et actuel le charisme dominicain et le projet fondamental de saint Dominique, depuis que le second Concile du Vatican a présenté l'évangélisation comme n'étant plus seulement une autre tâche ajoutée à celles d'une Église établie, mais comme étant l'essence et l'être même de l'Église, qui se dresse au milieu des hommes afin de les évangéliser.

Mais c'est une chose d'affirmer théoriquement que notre mission doit être une mission aux frontières; c'en est une autre et très différente de nommer les frontières où, comme Dominicains, nous avons à exercer notre mission et rendre contemporain le projet fondamental de saint Dominique. Pour nommer ces frontières, il faut regarder les situations et voir à qui s'adresse en préférence notre mission dominicaine.

Le Chapitre Général d'Avila a poussé au-delà des documents antérieurs et a nommé cinq frontières ou cinq situations où se trouvent les hommes que l'Ordre doit privilégier dans l'accomplissement de sa mission.

1. Les cinq frontières et les cinq défis posés aux Dominicains aujourd'hui

Le Chapitre Général énumère cinq frontières et établit entre elles une hiérarchie. Le point de départ de cette hiérarchie, ce sont les situations les plus étrangères à l'impact de l'Évangile et qui, par conséquent, réclament avec plus d'urgence l'activité missionnaire de l'Église et de l'Ordre.

Voici les cinq frontières et les cinq défis mentionnés par le Chapitre Général.

1. La frontière entre la vie et la mort, ou le défi de justice et de paix dans le monde.

L'énoncé principal des Actes est celui-ci: "sans un engagement pour la justice et la paix, impossible de faire l'expérience et la pratique du Règne de Dieu; il n'est pas possible d'avoir une évangélisation authentique". Cet engagement est le critère qui authentifie la mission dominicaine. La compassion de saint Dominique nous presse, dans notre situation contemporaine, à déployer une présence active de la communauté dominicaine à la frontière de la vie et de la mort.

2. La frontière entre l'humain et l'inhumain, ou le grand défi des marginalisés.

Sans la pratique de la communion et de la solidarité avec les marginalisés, il ne nous est pas possible de faire l'expérience et la pratique du Règne de Dieu. Aucune évangélisation authentique n'est possible. Parmi ceux qui souffrent de situations inhumaines, il y a des peuples indigènes, victimes de l'apartheid et du racisme, des immigrants, des ouvriers, des dissidents... et en effet toutes les victimes de l'inégalité imposée par les systèmes sociaux, politiques et économiques d'aujourd'hui. La compassion et l'itinérance mendiante conduisit Dominique aux populations marginalisées du treizième siècle: les pauvres, les hérétiques, les païens. Ce souvenir nous donne à réfléchir.

3. La frontière de l'expérience chrétienne, ou le grand défi des grandes religions du monde.

Le dialogue avec les grandes religions du monde nous fut demandé par le second Concile du Vatican sous L'inspiration de quelquesuns de nos confrères dominicains. Ce défi a-t-il été saisi par l'Ordre comme défi spécifique de sa mission aux frontières? Avons-nous remis en question certaines de nos conceptions traditionnelles en rapport avec notre activité missionnaire, et certains de nos faux modèles, certaines fausses attitudes concernant l'évangélisation? L'idéal de saint Dominique fut d'aller en mission au-delà des confins du christianisme établi, d'aller chez les Cumans Tartares. Le dialogue avec les autres religions est une priorité de la mission dominicaine.

4. La frontière de l'expérience religieuse ou le défi des idéologies séculières.

Les idéologies séculières mettent en question plusieurs aspects différents du message chrétien et de la vie chrétienne. Beaucoup de questions soulevées par la pensée moderne restent toujours sans réponse. Plusieurs d'entre elles ont trait au sens de la vie humaine et le futur de l'homme, le rôle historique de la religion en général et du christianisme en particulier. L'athéisme, l'incroyance, la sécularisation... sont des problèmes alignés aux idéologies séculières. Un facteur très important dans la tradition dominicaine a été la capacité de l'Ordre d'engager un dialogue entre le message chrétien et les différentes cultures, classiques ou nouvelles. Nous voyons des exemples de ceci chez saint Dominique qui incorpora l'étude dans son projet fondamental, chez saint Thomas et son oeuvre monumentale, chez les théologiens du seizième siècle, chez les théologiens dominicains de Vatican II.

5. La frontière de l'Église ou le défi que nous posent les chrétiens noncatholiques et les sectes.

La multiplicité des confessions chrétiennes est un scandale pour croyants et incroyants. Par ailleurs, la richesse présente dans les différentes traditions chrétiennes nous invitent tous les deux au dialogue oecuménique et à la réconciliation. La réflexion théologique dans l'Ordre comporte un engagement important dans ce domaine. Mais cet engagement embrasse la vie dominicaine dans sa totalité puisque les avances dans le dialogue oecuménique sont possibles seulement s'il y a une plus grande fidélité de la part de tous ceux qui suivent jésus. La frontière de l'Église touche aussi le phénomène croissant des sectes. Ce phénomène pose un défi à notre travail pastoral et spécialement à l'évangélisation. L'idéal premier de saint Dominique était d'aller au-delà des confins de l'Europe et de devenir missionnaire parmi les pai ens. Mais les demandes du pape ne lui permirent pas de se rendre là, de sorte que son travail missionnaire s'exerça parmi les hérétiques. Encore là, il dialogua avec eux constamment.

Sus-mentionnées sont les cinq frontières de la mission dominicaine aujourd'hui et les cinq principaux défi auxquels nous devons faire face si nous voulons rester fidèles au projet spécifique de saint Dominique et à notre tradition.

2. Les défis posés aux Dominicains dans les Philippines aujourd'hui

Assurément, je ne vous dirai pas ce qu'il faut faire dans votre pays à vous. Mon seul but est d'expliquer un sujet soulevé par le Chapitre Général. Les frontières et les défis mentionnés par le Chapitre Général me paraissent beaucoup trop généraux et abstraits. Cela se comprend, étant donné qu'un Chapitre Général cherche seulement à offrir des lignes directrices générales pour tout l'Ordre. C'est là le seul but de son texte sur la mission de l'Ordre aujourd'hui, un texte d'introduction. Le Chapitre était bien conscient que l'Ordre s'étend au monde entier et est à l'oeuvre dans des situations culturelles, sociales et ecclésiales fort différentes; dans des régions géographiques également différentes.

C'est pourquoi le Chapitre Général dit clairement que les provinces et vicariats doivent définir de façon plus concrète ces frontières et ces défis. Rappelons-nous ce texte: "étant donné que l'Ordre existe en de nombreuses et si différentes situations culturelles, sociales et ecclésiales, et dans des milieux géographiques différents, chaque entité de l'Ordre doit envisager ces grands défis concrètement, les bien saisir et leur apporter réponse".

3. Que est le sens réel de "frontières" dans le texte du chapitre général ?

Cette question se rapporte directement au nouveau concept de mission dans la théologie moderne. Pour bien comprendre le vrai sens du mot "frontière" dans ce contexte, nous devons considérer et adopter ce nouveau concept de l'Église et mettre de côté les vieux concepts parce qu'ils sont réductionnistes.

De plus, nous devons renoncer à un concept exclusif de mission. Traditionnellement, la "mission" dans l'Église était conçue comme un travail pastoral en territoire pal en, où l'Église n'était pas encore établie. Mais le pluralisme culturel et religieux des sociétés modernes rendent ce concept de mission dénué de sens. Nous pouvons difficilement parler aujourd'hui de "culture chrétienne" ou de "civilisation chrétienne", comme jadis nous parlions d'une Europe chrétienne. Tout au plus pouvons-nous parler d'une majorité de baptisés dans quelques sociétés, ou d'une grande influence de la culture chrétienne dans des régions données, comme les Philippines, l'Amérique latine ou l'Europe. Le processus croissant de sécularisation en certains endroits et le manque d'évangélisation et la situation anti-chrétienne ailleurs font que la mission de l'Ordre est urgente partout.

Toutefois, il y a lieu de retenir certains éléments valides du concept géographique de mission. L'idéal personnel de saint Dominique était d'être missionnaire en pays proprement paf ens. Fidèles à cet idéal originel, les Dominicains doivent préférer comme champ d'action missionnaire les pays qui sont au-delà des frontières géographiques de la culture chrétienne traditionnelle, les pays qui sont à la périphérie des régions où l'Église est établie.

Il est aussi nécessaire de dépasser le concept juridique de mission. Ce concept limiterait l'action missionnaire principalement à l'apostolat auprès des non-baptisés. Mais le pluralisme culturel et religieux du monde moderne, le sécularisme, l'indifférence, l'agnosticisme et l'incroyance chez beaucoup de baptisés et la pauvreté de l'évangélisation du catholicisme populaire, rend vide de sens ce concept juridique de mission. Cet état de choses crée un appel urgent à l'activité missionnaire à l'intérieur des limites juridiques de l'Église établie. Nous touchons ici la raison même de la quaestio disputata sur la priorité relative ou l'évangélisation pastorale, ou de la pastorale de la " sacramentalisation ", et du rapport exact entre ces deux aspects du travail pastoral.

Néanmoins, il faut tenir pour valables certains aspects et certains éléments du concept juridique de la mission. Saint Dominique et la première génération de Dominicains firent leur travail pastoral au sein de l'Église établie à cause des besoins urgents de l'Europe chrétienne. Mais ils n'oublièrent jamais la mission spécifique de l'Ordre: le ministère de la prédication et de l'évangélisation, le ministère de la Parole. Et ils prêchèrent et évangélisèrent surtout parmi ceux qui étaient à la périphérie de l'Église établie: les hérétiques. Le souvenir de nos origines nous enjoint d'organiser notre propre activité missionnaire en territoire juridiquement extérieur à l'Église. Il faut résister à la tentation de s'encrouter dans un travail pastoral qui ne fait que se perpétuer. L'évangélisation doit être l'élément spécifique de toute activité missionnaire.

Une nouvelle conception de la mission a été soulevée dans la théologie moderne. Nous devons réfléchir sur cette nouvelle conception théologique de la mission et l'accepter. La théologie moderne présente l'Église principalement comme "la lumière des nations" (Lumen Gentium ). Cette affirmation fondamentale de l'ecclésiologie de Vatican II est le point de départ pour une nouvelle conception théologique de la mission dans l'Église. La frontière de la communauté chrétienne commence là où la région non encore évangélisée commence même pour ceux qui sont baptisés. Le sécularisme des sociétés traditionnellement chrétiennes et dont la plupart des membres sont baptisés aussi bien que les situations sociopolitiques qui sont très éloignées des critères évangéliques contredit la confession de foi chrétienne en divers pays, en dépit de la présence de chrétiens. Ceci nous oblige à penser théologiquement la mission de l'Ordre et de l'Église et pas seulement de façon géographique ou juridique. Les frontières du paganisme et de l'athéisme se trouvent au coeur même de nos sociétés chrétiennes et au coeur de l'Église elle-même, pour autant que ces sociétés et l'Église elle-même ne sont pas encore pleinement évangélisées et converties à l'Évangile de Jésus Christ.

Cette conception théologique de la mission constitue le point de vue et l'horizon herméneutique sur lesquels nous pouvons baser notre réflexion sur la mission de l'Ordre aujourd'hui. Ainsi nous pourrons découvrir les frontières et les défis de la mission dominicaine aujourd'hui. Le vrai sens de "frontière" dans le texte du Chapitre Général est théologique bien que, de certaines manières, elle se réfère à une interprétation culturelle plus large.

4. Comment pouvons-nous découvrir les défis spécifiques que nous pose la mission de l'Ordre ?

Les défis posés par la mission de l'Ordre se sont constitués au-delà des limites de l'institution dominicaine comme telle et même au-delà de celles de l'Église, précisément parce que notre mission est une mission aux frontières. Ils proviennent des personnes et des groupes qui se trouvent eux-mêmes au-delà des frontières de la foi, et même au-delà des frontières de la vie humaine et chrétienne.

Une considération narcissique de la communauté dominicaine et chrétienne nous empêcherait de découvrir les défis spécifiques de la mission dominicaine dans le monde moderne. Nous devons regarer au-delà de nos communautés, au-delà de nos propres traditions et projets, si nous voulons découvrir ces défis. Ça ne veut pas du tout dire que nous devons ignorer notre vie de communauté et notre tradition dominicaine. Comme nous le verrons plus tard, notre charisme et notre tradition sont le moyen de justifier notre mission et ses priorités.

Pour découvrir les défis de notre mission, il nous faut tenir les yeux grand ouverts et discerner les "signes des temps". Depuis le temps du pape jean XXIII, "les signes des temps" sont devenus une sorte de "locus theologicus" (un lieu théologique), parce que la révélation et la volonté salvifique de Dieu, son plan de salut pour les hommes et, en même temps, les signes des temps révèlent la présence ou l'absence du Règne de Dieu dans les diverses situations historiques. Si nous voulons réellement discerner les signes des temps, nous ne pouvons nous permettre de répondre à des questions que personne ne pose et de laisser sans réponse les questions dramatiques des hommes d'aujourd'hui, selon Walter Kasper, le grand théologien allemand, c'est ici la crise réelle de l'évangélisation et de la prédication aujourd'hui. Ici également se trouve peut-être la raison principale de notre "vide prophétique" (prophetic barrenness ), que nous avons dénoncé et déploré tant de fois dans nos réunions dominicaines.

Les Dominicains aux Philippines, comme ceux en Amérique latine et ailleurs, sont appelés à discerner les signes des temps afin de rendre concrets les défis de leur activité missionnaire et les priorités de leur mission. Les défis de notre activité missionnaire ne doivent pas être fabriqués a priori , ils doivent être découverts. Il faut les découvrir dans le contexte de la réalité historique. Ignorer la réalité historique nous mènera à ignorer les défis spécifiques de notre mission. Ignorer ces défis peut nous amener à faillir dans notre mission. Cela peut nous faire aboutir à une situation paradoxale où les Dominicains des Philippines donneraient des réponses à des questions d'Europe et oublieraient leurs questions locales, et les Dominicains européens donneraient des réponses à des questions des Philippins et oublieraient leurs propres questions d'Europe.

Cela ne signifie pas du tout que les différentes entités dans l'Ordre ne devraient pas avoir un sens vigoureux de leur solidarité mutuelle. Très souvent, des entités différentes dans l'Ordre ont à faire face à des situations sociales, politiques, culturelles et religieuses analogues. Donc, ils rencontrent dans leur travail missionnaire des défis analogues. Je suis certain que vous avez ici des situations et des défis fort semblables à ceux que nous avons en Amérique latine. La solidarité au niveau de la famille dominicaine est un premier pas vers une solidarité plus large au niveau de l'Église et de la société.

Si l'analyse de la réalité est nécessaire comme élément fondamental d'une réflexion théologique incarnée, inculturée, contextualisée, cette analyse est aussi requise pour discerner les défis de notre mission partout. Et je croirais que la réalité historique de votre pays est à la fois complexe et dramatique. De même les défis de votre mission.

5. Comment pouvons-nous justifier les défis que nous découvrons ?

Ce serait une erreur de chercher de plus en plus de défis simplement pour justifier notre survivance comme Dominicains. Bien que cela puisse paraître évident, nous ferions bien de rappeler une proposition fondamentale en ecclésiologie: l'Église n'est pas le Règne de Dieu. Cette assertion est très importante pour définir la mission de l'Église. L'Église n'a pas pour mission de se servir elle-même, mais plutôt de servir le Règne au sein des peuples. L'Église n'est pas le salut. Elle est le sacrement du salut. Sa mission est d'être une lumière au sein des peuples, un levain dans la pâte. Cela est plus vrai encore en ce qui concerne l'Ordre. La mission de l'Ordre n'est pas de se servir lui-même, mais plutôt de servir le Règne de Dieu au coeur des peuples. En ce sens, l'Ordre est provisionnel, fonctionnel, instrumental. La kénose est le moyen évangélique de remplir sa mission. Les hommes n'existent pas pour maintenir l'Ordre en vie; l'Ordre existe pour assurer l'évangélisation des hommes.

Ces propositions ecclésiologiques devraient: nous inspirer et nous procurer les principaux critères pour établir nos priorités apostoliques, pour élaborer les projets apostoliques des provinces, des vicariats et des communautés, pour examiner nos travaux du passé et créér de nouvelles réalisations. Ces propositions ecclésiologiques composent le contexte théologique pour une authentique itinérance dominicaine. Notre
justification, ce sont ceux qui ont besoin de nous et non notre besoin de survivre.

Nous ne devrions pas non plus chercher à justifier notre mission en considérant seulement les structures ecclésiales et pastorales de l'Église établie dans un endroit donné. La vie religieuse et dominicaine appartient à la tradition prophétique ou charismatique de l'Église. Nous ne devrions jamais oublier ce caractère spécifique de la vie religieuse et dominicaine. À cause de cela, nous avons à remplir notre mission selon un mode prophétique et charismatique. L'Ordre a le devoir de montrer une liberté évangélique et une créativité prophétique dans son activité missionnaire. Les tensions et conflits permanents entre les éléments prophétiques et hiérarchiques au cours de l'histoire de l'Église sont bien connus de nous tous, aussi bien que les difficiles mutuae relationes du temps présent.

Également bien connue est la tentation éprouvée par presque tous les évêques, qui ressentent l'urgence de remplir les charges pastorales et de répondre aux besoins immédiats de leurs diocèses. Ils sont souvent tentés de se servir de religieux comme de simples agents du ministère pastoral ordinaire. Parfois nos propres communautés se tournent vers ces besoins immédiats de la pastorale pour justifier certains de leurs travaux et projets apostoliques. En ce faisant, les communautés dominicaines courent le risque de perdre leur charisme dominicain spécifique. Je pense que quand nous chargeons des frères de remplir des vides dans la structure diocésaine, nous ne rendons pas un meilleur service à l'Église locale ou à un diocèse, que si nous leur offrions plus de ces services pastoraux qui caractérisent notre charisme dominicain. En ce sens, notre charisme devrait justifier notre mission spécifique dans l'Église. Ainsi, nous ne pouvons découvrir les défis présents à la mission de l'Ordre sans nous rappeler notre charisme originel, le projet original de l'Ordre.

Nous, les Dominicains, ne sommes pas trop enclins à étudier et à proclamer notre charisme. C'est peut-être pour cela (lue saint Dominique reste inconnu et peu populaire parmi les fidèles. Le problème commença avec la toute première génération de Dominicains, au témoignage du bienheureux Jourdain de Saxe, quand il essaya d'expliquer la canonisation tardive de saint Dominique. Il nous fait rejeter cette attitude sceptique et indifférente. Seule une connaissance adéquate du projet fondamental de saint Dominique en son temps peut nous amener à définir correctement les frontières, les défis et les priorités apostoliques de notre mission en notre temps.

Parfois, au lieu de chercher cette connaissance, nous étudions notre charisme et nos origines d'une manière triomphaliste. Je dirais que ce triomphalisme nous fait plus de mal que de bien. Le triomphalisme est une première démarche qui nous cache la réalité et nous dépouille de la réalité historique. Le triomphalisme avec lequel nous étudions et proclamons notre charisme et nos origines, au lieu de nous lancer un défi et nous conduire à un engagement, nous emprisonne dans un carcan et nous rend parfois même impétueux. C'est là l'éternel problème des gloires anciennes, des glorieuses traditions mal comprises. Cela a été la source de beaucoup de paresses et de bien des attitudes historiques irresponsables.

Les origines dominicaines parlent d'une mission aux frontières. La mission de la première génération de Dominicains se situa à la frontière entre l'ancienne et la nouvelle société (allant au-delà du féodalisme pour rejoindre la société communale). Elle se situa sur la frontière entre la vieille Église établie et la nouvelle (composée d'hérétiques et de païens convertis). Elle se situa sur la frontière entre l'ancienne et la nouvelle culture (la nouvelle étant davantage urbaine, lai que, démocratique... ). Nous devons rappeler ces origines de façon critique afin de découvrir et de justifier notre mission aux frontières aujourd'hui.

Pour découvrir et justifier les défis d'aujourd'hui, il faut nous remémorer de façon critique l'histoire et la tradition de l'Ordre. Je dis "de façon critique" parce qu'ici aussi la tentation de triomphalisme est présente. Notre histoire et notre tradition sont riches en effet, et comportent de nombreux exemples extraordinaires d'évangélisation aux frontières. L'histoire de l'évangélisation dans cette partie du monde est exemplaire. Souvenons-nous de Domingo de Salazar comme un nom représentatif parmi bien d'autres de missionnaires aux frontières. Mais notre tradition comprend aussi un nombre d'échecs. C'est pourquoi il nous faut la lire de façon critique et éviter le triomphalisme.

Nous connaissons tous très bien les deux tendances de la tradition dominicaine: l'une monastique et l'autre, missionnaire. Le problème n'est pas que les deux tendances ont toujours existé dans l'histoire de l'Ordre. Le problème, c'est que très rarement les deux purent vivre ensemble en harmonie. Comme résultat de leur divorce, la vie de communauté et l'activité missionnaire ont souvent manqué de force et d'énergie dans bien des périodes de notre histoire. Je vois que la meilleure façon de renforcer la vie dominicaine ne consiste pas à maintenir les deux traditions séparées: portant notre attention sur l'observance régulière en renonçant à l'activité missionnaire; ou bien portant notre attention sur L'activité missionnaire en renonçant à la vie de communauté. Notre tâche est de réconcilier les deux traditions, de manière à ce que l'ancien mot d'ordre qui a inspiré les périodes les meilleures et les plus fructueuses de l'histoire de l'Ordre puissent se réaliser encore aujourd'hui: Contemplari et contemplata aliss tradere .

Notre histoire dominicaine ne doit pas être évoquée dans un esprit triomphaliste, mais plutôt pour que nous soyons; renouvelés chaque jour dans un esprit prophétique, nous appuyant sur les bonnes leçons apprises par les réussites et même par les échecs du passé. L'homme est davantage attiré par le passé et la tradition, que par le futur et la créativité. Le passé offre la sécurité; le futur n'offre que défis et responsabilités. C'est pourquoi si souvent nous sommes tentés de chercher refuge dans un souvenir triomphaliste du passé et de la tradition, spécialement aujourd'hui où nous vivons au milieu de changements rapides et profonds. La Constitution Fondamentale de l'Ordre contient un petit texte, mais important, sur cette tentation. Le voici : "En des circonstances changeantes, l'Ordre a besoin de courage pour se renouveler et s'adapter à ces circonstances."

La fidélité aux hommes de notre temps, la fidélité à la tradition la plus authentique de l'Ordre, la fidélité à notre charisme originel, voilà les grands actes de foi auxquels nous devons tenir pour rendre concrets les défis spécifiques que nous pose notre mission aux frontières d'aujourd'hui. La fidélité à notre charisme originel n'est que la façon dominicaine d'être fidèle à l'Évangile de Jésus Christ et aux exigences du Règne de Dieu.

II. Urgence de l'évangélisation dans notre monde et le ministère dominicain de la prédication.

1. Priorité de l'évangélisation dans notre monde.

1. Le quatrième centenaire de l'arrivée de nos frères dans les Philippines, que nous sommes en train de célébrer, est une bonne occasion pour évaluer la mission dominicaine dans ce pays. Il est évident que je ne ferai pas cela. Mais permettez-moi de dire quelque chose qui pourrait sembler élémentaire. Comme toute oeuvre humaine, je suis sûr que l'activité missionnaire des Dominicains d'hier et d'aujourd'hui est remplie de succès et d'échecs. Le succès de nos ancêtres est un défi pour nous qui sommes appelés à continuer leur oeuvre missionnaire. Quant à leurs déficiences, elles ne peuvent jamais justifier nos erreurs.

Comme résultat de quatre siècles d'évangélisation, les Philippines sont un pays massivement catholique. L'évangélisation est notre manière à nous aujourd'hui d'être fidèles et loyaux à notre tradition.

2. Quelle est la situation de votre pays du point de vue de l'évangélisation?

Il faut répondre à cette question avant que nous puissions aller de l'avant dans l'étude de notre mission aujourd'hui. Je ne suis pas la personne capable de fournir une réponse adéquate à cette question. Mais, permettez-moi de commencer par quelques remarques à propos d'un sociogramme qui normalement caractérise un pays largement catholique aujourd'hui.

En ce qui concerne l'évangélisation, trois secteurs sont à considérer:

1a. Le secteur de la religiosité populaire.

Ce secteur est plein d'erreurs objectives et de fidélités subjectives. Le trait le plus significatif de la religiosité populaire est que la plupart des gens sont baptisés et à peine évangélisés. Cette situation facilite un travail pastoral qui se perpétue luimême. Les changements, la créativité, le travail pastoral prophétique sont plus difficiles. Ici, le manque d'évangélisation est un problème majeur. Ceci a souvent permis à la religiosité populaire d'être utilisée et manipulée par différentes idéologies ou même par différents mouvements théologiques et pastoraux. La religiosité populaire pose un défi au ministère et à la prédication dominicains.

2a. Le secteur grandissant des intellectuels hautement critiques.

Par rapport à l'évangélisation, ce secteur est dans une situation qui ressemble beaucoup à celui de la religiosité populaire. Peut-être que les intellectuels sont moins sacramentalisés, mais d'ordinaire ils ne sont pas plus évangélisés. Disons qu'ils ne sont presque pas évangélisés. Ici, cependant, une chose est à remarquer: la plupart des intellectuels souffrent de la grande distance qui sépare leur niveau de culture et leur formation religieuse. C'est là la raison principale de leur critique de la religion.

Ce secteur pose un défi majeur à la mission de l'Ordre, si nous voulons rester fidèles à notre propre tradition. Très souvent, l'Église est arrivée trop tard pour évangéliser les intellectuels, surtout dans les temps modernes. l'Église n'est pas arrivée à temps pour évangéliser la culture moderne en Europe; en conséquence, une forte vague de sécularisme a balayé le premier monde. Cette expérience devrait susciter un défi pour les autres continents. Nous ne devrions jamais oublier que les universités et les groupes d'intellectuels sont les lieux dans la société où l'Église et la religion ont perdu de plus en plus de crédibilité.

3a. Les groupes minoritaires des ;nouvelles communautés chrétiennes.

Bien que les nouvelles communautés chrétiennes constituent une petite minorité dans l'Église, elles ont une signification importante pour le nouveau concept de l'Église et pour une évangélisation nouvelle et plus intensive. Elles font de l'évangélisation comme le premier pas vers la naissance et la construction de l'Église. Ces nouvelles communautés chrétiennes sont multiformes et passablement hétérogènes. Il y a des communautés chrétiennes de base, des communautés néocatéchuménales au sein du renouveau charismatique... Mais tous ces groupes reconnaissent la même priorité pastorale: l'évangélisation. Il est nécessaire de rendre la Parole de Dieu au peuple; une Parole qu'on lui a retirée pendant des siècles à cause de controverses confessionnelles et autres raisons insuffisantes. Ces communautés essaient de recréer l'Église, de découvrir de nouveaux modèles de communautés chrétiennes, de nouvelles façons d'évangéliser la société moderne. La théologie parle alors d'une ecclésiogenèse. De plus, les nouveaux modèles de l'Église et de communautés chrétiennes que l'on propose sont aussi multiformes que l'interprétation de la Parole de Dieu que l'on trouve dans ces nouvelles communautés. Ainsi, le discernement théologique devient un défi et une priorité pour notre mission et pour l'évangélisation à faire parmi ces groupes minoritaires.

3. L'évangélisation est la première priorité de la mission de l'Église. La vie chrétienne est fondamentalement une mise en pratique des valeurs de l'Évangile dans la vie des hommes. Mais cette pratique n'est pas basée sur une théologie morale purement ascétique ou volontariste; elle résulte de la lumière de l'Évangile, d'une profonde expérience du Royaume de Dieu, de jésus comme Seigneur. Il s'ensuit qu'une évangélisation qui offre cette expérience est la première priorité de la mission de l'Église.

Cette priorité est en profond accord avec l'Évangile quand il pose le problème de la métanoïa , de la conversion. Dans le Nouveau Testament, spécialement dans les écrits de jean, le drame principal ou le problème fondamental de l'homme face à la Parole de Dieu, à la personne de Jésus Christ, c'est un problème de lumière et de ténèbre, de foi ou d'incroyance. Ce n'est pas simplement un problème moral de bonté ou de malice, encore moins un problème simplement de bonne ou mauvaise volonté. Cette priorité est en profond accord, également, avec la voix officielle de l'Église. Le second Concile du Vatican, les Synodes des évêques, la grande Exhortation Evangelii Nuntiandi ont insisté sur la priorité de l'évangélisation dans le Nouveau Monde. L'évangélisation n'apparaît plus seulement comme un devoir moral ou une obligation canonique de la communauté chrétienne. Elle constitue l'essence même, l'être même de l'Église. L'Église se tient au milieu des peuples pour les évangéliser. L'évangélisation est sa vocation, sa mission. L'urgence ou le besoin d'évangéliser est un signe des temps dans notre monde. Cette urgence résonne non seulement dans les documents de l'Église, mais encore dans la clameur d'un monde qui revendique comme un droit que l'Évangile soit annoncé aux peuples.

2. L'évangélisation est le projet fondamental de saint Dominique.

Nous, comme Dominicains, devrions être enchantés de découvrir que les exigences présentes d'évangélisation sont en parfait accord avec l'idéal et le projet fondamental de saint Dominique, avec la mission spéciale de l'Ordre des Prêcheurs. Cela rend notre charisme contemporain. Toutefois, il ne suffit pas de montrer avec joie l'actualitas de notre charisme; il faut souligner que d'être ainsi à la page implique un défi et une responsabilité, et en accepter les conséquences. Rappelons-nous nos origines et, ce faisant, rappelons-nous quelques événements significatifs qui ont entouré la fondation de l'Ordre.

1. A partir de Grégoire VII il y eut un effort continu pour réformer l'Eglise. Deux buts inspirèrent cette entreprise: restaurer la libertas ecclesiae dans la lutte entre le trône et l'autel, entre l'empereur et le pape; et rétablir la discipline cléricale en débarassant l'Eglise de la simonie et du concubinage des clercs. Ces tentatives de réformer l'Eglise n'ont porté de fruits qu'en surface.

2. Saint Dominique indiqua la raison fondamentale de la crise et la raison fondamentale de l'échec populaire de la réforme grégorienne. La raison de base fut les déficiences de la prédication, ou. le manque pur et simple de prédication. Heureusement, Innocent Ill, Honorius III et le 4e concile du Latran confirmèrent que saint Dominique avait raison. Un texte significatif de ce concile, touchant le ministère de la prédication, mérite d'être cité: "Fréquemment, dit le concile, il se fait que les évêques eux-mêmes n'arrivent pas à prêcher adéquatement la Parole de Dieu, soit à cause de leurs occupations variées, des attaques de leurs ennemis, de leur mauvaise santé, ou d'autres circonstances diverses, (et même le manque de connaissances, chose qui à l'avenir sera rejetée absolument et ne sera jamais plus tolérée)". Tel était l'état de la prédication à cette époque. Nous devons nous rappeler que traditionnellement seuls les évêques constituaient l' Ordo D o c to r u m et Praedicatorum . Personne d'autre, normalement, n'était autorisé à prêcher.

3. L'état de la prédication en ce temps-là était le suivant :

- La plupart des évêques avaient abandonné ce ministère pour les raisons indiquées ci-dessus.

- Le bas clergé n'était pas préparé pour aider les évêques de façon appréciable dans ce ministère. Le prêtre typique n'avait qu'une formation doctrinale déficiente et ne jouissait à peine d'aucune autorité morale.

- Quelques moines éminents (Robert, Norbert, Bernard, Etienne...) furent convoqués par le pape pour faire face à la crise de la prédication. Ils firent un bon travail, assurément, mais ne pouvaient constituer un Ordo Praedicatorum . Leur prédication découlait de leurs charismes individuels et constituait une prédication temporaire, au mieux.

- Mûs par les exemples de ces prêcheurs et par leur lecture de l'Evangile, plusieurs groupes de prédicateurs lai cs et itinérants apparurent dans l'Eghse. La plupart d'entre eux étaient des lai cs (Les Pauvres de Lyon, Les Humiliati, Les frères de saint François). On leur permit de prêcher seulement une morale élémentaire et de donner des admonitions pénitentielles. Ils n'avaient pas reçu de l'Eglise l'autorisation de faire une prédication doctrinale, dogmatique.

- D'un autre côté, il y avait un grand nombre de prédicateurs hérétiques. Ces hommes étaient assidus ( tenaces) dans le ministère de la prédication, dont le contenu était très agressif à l'endroit de l'Eglise institutionnelle et de sa hiérarchie. Leur prédication était accompagnée par une vie de pauvreté radicale, par une ascèse extrémiste, et par un style de vie conforme aux prescriptions littérales du chapitre 10 de l'Evangile de Matthieu. Ils n'avaient sûrement pas reçu un mandat de lEglise, et très rarement possédaient-ils aucune sorte de formation doctrinale véritable. Leur prédication était presque toujours infectée d'un dualisme.

- Inquiet de cette situation, Innocent III fit appel à bon nombre de Cisterciens de bonne renommée pour obtenir de l'aide. Il en fit des légats pontificaux. Sincèrement consacrés au ministère de la prédication, ils vivaient dans une sorte de luxe. La Parole était contredite par leurs oeuvres. En l'année 1207 une assemblée fut tenue à Montréal pour évaluer l'état de la "Prédication de Jésus Christ", la mission que le pape leur avait confiée et les raisons de leur échec. L'évêque Diego d'Osma et Dominique, son compagnon, furent invités à l'assemblée, et ce fut Diego qui indiqua la raison précise de la prédication infructueuse des légats. " Mes frères, dit Diego, ceci n'est pas la bonne manière. Il est impossible que ceux qui se fient sur l'exemple reviennent à la foi avec des paroles ...Avec un style de vie d'un tel luxe, vous édifierez peu, vous détruirez beaucoup et vous ne gagnerez rien. Enlevez un clou en martelant un autre clou par-dessus". (Jourdain 13)

4. Parfaitement conscient de cet état des choses, Dominique préfère l'idéal et le ministère de la prédication à tout autre idéal ou ministère dans l'Eglise. Aucune activité réformatrice, disciplinaire ou militaire ne peut résoudre la crise de l'Eglise. La prédication entre dans le projet fondamental de saint Dominique. C'est la manière spécifique d'édifier l'Eglise. Prêcher la Parole de Dieu, c'est la première et essentielle activité missionnaire de l'Eglise. Fides ex auditu. Le processus par lequel la communauté chrétienne vient à la naissance est le suivant: la proclamation du Kérygme, la foi en l'Evangile de jésus, la conversion, et le baptême pour la rémission des péchés. Ceci est également la manière que l'Eglise est reconstruite et renouvelée. Voici la raison pour laquelle le livre des Actes des .Apôtres a toujours été la norme, le canon pour le renouvellement, dans chaque situation critique au cours de l'histoire de l'Eglise et de la vie religieuse.

5. Au départ, saint Dominique adopte lin nouveau style pour présenter la parole de Dieu avec la puissance de l'Esprit, une prédication soutenue par la vie évangélique du prêcheur. Ceci pourrait bien être la raison même pour laquelle Dominique et les premiers Dominicains refusèrent l'épiscopat pour eux-mêmes: ils ne voulait pas appuyer leur prédication sur l'autorité hierarchique, mais uniquement sur la. Parole de Dieu et le témoignage évangélique de leur vie. Saint Dominique retient certains traits de la façon de prêcher des hérétiques, pour autant que ceux-ci répondent aux besoins évangéliques. Mais il rejette les traits qui éloignent la prédication chrétienne du message chrétien, en particulier le dualisme et le manque d'autorisation ecclésiastique.

6. La législation dominicaine primitive insiste sur la place centrale de la prédication dans le projet apostolique du nouvel Ordre. Le Prologue des Constitutions définit le ministère de la prédication comme étant la mission spécifique de l'Ordre. Les visiteurs (canoniques) doivent faire rapport au Chapitre Général sur l'état du ministère de la prédication dans les diverses communautés. Le Chapitre Général est l'autorité responsable de choisir, promouvoir et assigner les frères au ministère de :la prédication. Ceux qui sont députés à ce ministère ont l'obligation de vivre selon la vie apostolique et la pauvreté évangélique. Ils doivent être libres de tout autre ministère et spécialement de responsabilités admisnistratives. Tout élément du projet dominicain, même celui de la dispense, est conçu en relation avec le ministère de la prédication.

7. Certaines caractéristiques expliquent le succès de la prédication dominicaine aux débuts de l'Ordre. C'était une prédication appuyée sur la mission de l'Eglise; soutenue par une vraie vie apostolique et la pauvreté évangélique - verbo et exemplo -. C'était une prédication charismatique -gratia praedicationis - sans rapport direct à l'autorité hierarchique ou aucune forme de coercion. C'était une prédication doctrinale, kérygmatique et positive, et non de type apocalyptique, moralisante eu menaçante. C'était une prédication prophétique, capable de discerner les signes des temps nouveaux dans la société et dans l'Eglise. C'était prêcher aux frontières, prêcher pour une nouvelle société (urbaine, bourgeoise, universitaire...), prêcher au-delà des frontières de l'Eglise établie, prêcher parmi les hérétiques, les pal ens et les peuples de cultures non-chrétiennes.

8. Plusieurs de ces intuitions prophétiques de saint Dominique ont été partagés par des milliers de Dominicains tout au long de l'histoire de l'évangélisation en différentes régions du monde. Un grand nombre de ceux qui ont évangélisé les Philippines, et, à partir de là, de vastes régions de l'Asie, ont partagé ces intuitions prophétiques. Leur mémoire est un défi pour nous aujourd'hui.

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spacer Vitrail. Gaston Petit, o.p.