Tentatives d'organisation
économique
Un
Nouvel Ordre Economique International pour plus d’égalité.
Une utopie ?
Bérénice Van Den Driessche
Tiers-Monde,
le réveil - Les
voix du Sud émergent - Brève
coopération - Obsolescence
du NOEI
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C'est
à la conférence des Non-alignés que
sont nées les revendications pour le Nouvel ordre
économique international (NOEI). (Source: http://www.g77.org/40/gallery.htm) |
«
Le Tiers-Monde n’est rien et demande à devenir
quelque chose dans l’ordre mondial » affirment
P. Touchard et alii dans l’ouvrage XXème siècle,
siècle des excès. Au sortir de longues années
de colonisation, face à leurs nouvelles indépendances
et au lot de difficultés économiques et d’obstacles
au développement qu’ils rencontrent, certains leaders
du Tiers-monde , s’allient et revendiquent , en 1974, un
« Nouvel ordre économique international » (NOEI).
Conscients que la loi du nombre joue en leur faveur et qu’une
unité politique les rendra plus forts, ils exigent une
remise en question des relations Nord-Sud pour plus d’équité.
Décidés à peser plus lourd dans les relations
internationales et aspirent à « mettre fin à
la division du monde en zone d’abondance et de pauvreté
» et à « disposer à leur gré
de leurs propres ressources naturelles » C’est
que, malgré quelques succès, notamment, celui de
la hausse du prix du pétrole, édicté par
les pays de l’OPEP, Le Tiers-Monde reste économiquement
dépendant du Nord. En cette décennie de Guerre froide,
le soutien économique devient alors une arme politique
et le Sud, un enjeu stratégique.
Tiers-Monde,
le réveil
C’est
à la Conférence d’Alger, en 1973, où
sont réunis les 75 pays non-alignés que s’énoncent
les revendications pour un « Nouvel ordre économique
international ». Véritable programme destiné
à inverser les rapports de force mondiaux, il vise à
réduire les inégalités qui pénalisent
les pays sous-développés lors des échanges
commerciaux internationaux. Abaissement des mesures protectionnistes
contre les produits en provenance du Tiers-Monde, nationalisations
de leurs ressources naturelles,… Les pays du Sud désirent
maîtriser les marchés et prix des matières
premières dont ils sont les principaux producteurs. La
crise du baril de pétrole, en 1973, en est l’exemple
le plus probant. Conscients de détenir un produit stratégique,
les pays de l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de
Pétrole) cherchent à imposer l’augmentation
du prix du baril qui quadruple en un mois pour atteindre, dix
ans plus tard, quatorze fois son prix initial.
Les
voix du Sud émergent
Face
à cette soudaine agressivité commerciale de certains
pays du Sud, et contrainte par la loi du nombre (les pays du Tiers-Monde
sont désormais majoritaires à l’Assemblée
Générale), L’ONU, au travers de la CNUCED
(Conférence des Nations-Unies pour le Commerce et le Développement),
entend alors les exigences du Sud. Les Nations-Unies adoptent,
par consensus, un programme d’action relatif à l’Instauration
d’un « Nouvel ordre économique international»
: droit de nationaliser, indemnisation des dommages subis lors
de la colonisation… Ce programme, ainsi que la Charte qui
l’accompagne, précisant la pleine souveraineté
des Etats sur leurs ressources naturelles suscite, naturellement,
un immense espoir. N’est-ce pas dés la fin de la
seconde Guerre Mondiale que le préambule de la déclaration
de l’ONU avait affirmé que : « L’instauration
d’un nouvel ordre économique international (…)
permettra d’éliminer le fossé croissant entre
les pays développés et les pays en voie de développement
et assurera, dans la paix et la justice, aux générations
présentes et futures, un développement économique
et social qui ira en s’accélérant »
?
Brève
coopération
Certaines
initiatives seront menées à bien. Les accords de
Lomé en 1975, notamment. Qualifiés de véritables
bonds en avant dans le dialogue Nord-Sud, ils prévoient
l’abolition des taxes douanières pour les exportateurs
d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (zone ACP)
à l’entrée de la CEE. Mais ces accords, pourtant
efficaces jusqu’en 2000, ne résisteront pas aux principes
du libre-échange et aux exigences de l’OMC (Organisation
Mondiale du Commerce). En effet Célestin Tchaffa, auteur
d’ Histoire de la Coopération Nord-Sud précise
que « la convention de Lomé V met fin aux préférences
commerciales entre l’Europe et les pays d’ACP, trahissant
par là l’objectif de base qui était de promouvoir
un partenariat Nord-Sud fondé sur la solidarité.
»
Obsolescence
du NOEI
Utopique,
ce « Nouvel ordre économique international »
? Après l’engouement, les rêves de fraternité
Nord-Sud sont vite retombés et le NOEI se voit réduit
à une simple déclaration de principes. Les nombreuses
conférences suivantes, (Conférence Nord-Sud en 1977
puis Conférence de Paris en 1981) échouent tout
comme le Sommet de Cancun la même année. Célestin
Tchaffa, ajoute d’ailleurs qu’ « immédiatement
après ce sommet, les difficultés économiques
dans les pays du Nord les amènent à s’interroger
sur l’éventuelle fermeture de leurs frontières
aux produits des nouveaux concurrents du Sud, d’autant plus
compétitifs qu’ils bénéficient d’une
main-d’œuvre peu chère. »
La conjoncture, tant économique que politique, a donc mené
le « Nouvel ordre économique international »
à l’échec. En effet, l’antagonisme Est-Ouest
s’est essoufflé et « la chute du mur de
Berlin a diminué l’importance d’un «Tiers-Monde,
une troisième force unie, face au deux blocs »
affirme André Linard (1). La Guerre froide permettait,
il est vrai des « appels d’empires », véritables
luttes d’influence entre les deux camps, dotant le Tiers-Monde
de séductions aujourd’hui disparues. N’ y aurait-il
désormais plus réellement de cause commune au Sud
? Les écarts se sont aggravés entre les Etats et
certains semblent aujourd’hui parfois convaincus des bienfaits
du marché mondial.
(1) journaliste à l’agence
de presse InfoSud
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