Jean-Yves Grenier (dir.), Katia Béguin et Anne Bonzon, coll. « carré histoire - les dictionnaires historiques », Paris, Hachette, 2003.
Dictionnaire de la France moderne
Hachette, 2003, 302 p.
jeudi 13 novembre 2003, par
Hélène Fernandez
Hélène Fernandez, chargée de cours à l’Université Paris-8, prépare une thèse sous la direction de Joël Cornette, consacrée aux procès politiques sous Richelieu.
Le foisonnement récent de manuels, d’initiations diverses et de dictionnaires destinés aux étudiants de premier et second cycle, aux enseignants, ainsi qu’au peut-être hypothétique honnête-homme-désireux-de-s’instruire, aurait de quoi déconcerter le lecteur de bonne volonté, voire le décourager.
Au vieux Lexique historique de la France d’Ancien Régime (G. Cabourdin, G. Viard, chez A. Colin, 1978, 1990), et aux plus récents mais plus volumineux Dictionnaire du Grand Siècle dirigé par F. Bluche, Dictionnaire de l’Ancien Régime dirigé par L. Bély, désormais au format poche, aux volumes de la collection Bouquins Histoire et Dictionnaire de..., vient donc s’ajouter en cette rentrée un Dictionnaire de la France moderne, sous la direction de Jean-Yves Grenier, et écrit avec Katia Béguin et Anne Bonzon.
Disons-le d’emblée, ce Dictionnaire-là ne paraît pourtant pas inutile à l’enseignante que je suis. Plutôt court (un bon millier d’entrées tout de même, noms communs uniquement), paraissant dans la collection Carré-histoire, il rendra certainement de multiples services à tous, élèves, étudiants et enseignants.
Au sein de l’énumération d’outils de travail ci-dessus, il apparaît destiné à remplacer le Cabourdin-Viard : même type de format (environ 300 pages : un manuel), même période (tout l’Ancien Régime).
Un sondage permet de vérifier que le Grenier-Béguin-Bonzon est beaucoup plus complet, tant pour des définitions précises et traditionnelles (« chevalier », « chambre de justice », « chambre de l’Édit »), que pour la définition de phénomènes auxquels les historiens se sont plus récemment intéressés (« charivari », « sociétés de jeunesse » du côté d’une anthropologie historique de l’Ancien Régime ; « cérémonies royales », « clientèles » du côté d’une histoire politique rénovée). En revanche, si l’article « contraception » absent est traité par un plus chic « funestes secrets » que l’on retrouve facilement grâce à l’index en fin d’ouvrage, le climat, traité par Cabourdin et Viard, a disparu : signe des temps historiographiques ?
L’une des plus grandes qualités de ce nouvel ouvrage est de savoir allier les définitions précises de termes historiques ( « chrysohédonisme », « blatier ») aux articles plus amples sur des phénomènes généraux (voir « cour », « confessionnalisation », ou « sociabilité »), ou sur des événements (« édit de Nantes ») ; les auteurs cherchent toujours à rendre compte des acquis des recherches les plus récentes, et portent une attention bienvenue à l’historiographie. Une bibliographie à jour est souvent fournie en fin de notice, complétée par une bibliographie plus générale en fin d’ouvrage.
Autre grande qualité : aux définitions institutionnelles et politiques, gibier traditionnel des dictionnaires, viennent s’ajouter de nombreuses définitions beaucoup plus originales, relatives à la religion, mais surtout à l’économie, à la fiscalité, à l’agriculture — rappelons que 85% des habitants du royaume de France sont à l’époque des ruraux.
Tel quel, et malgré quelques coquilles qui disparaîtront d’une deuxième édition, ce dictionnaire vient donc remplacer un instrument de travail plus ancien par un travail qui apparaît de très grande valeur. Un léger regret toutefois. S’il est vrai qu’ils ne sont pas oubliés (chronologie de la Fronde, tableau récapitulatif des paix de religion, cartes des droits écrit et coutumiers...), les documents figurés restent les parents pauvres de ce dictionnaire — comme, il est vrai, de ses prédécesseurs. La cartographie est certainement un art difficile, mais l’enseignement de l’histoire moderne tirerait à coup sûr un grand profit d’un usage plus large des cartes, schémas et chronologies.
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