Perspectives syndicales aux élections provinciales
L’heure d’une alternative politique a sonné
mardi 11 mars 2003, par
L’équipe de rédaction
Une grande partie de la population syndiquée au Québec a toujours été acquise au Parti québécois. Ces dernières années, cet appui au PQ a diminué de façon remarquable. L’élection partielle dans Mercier en 2001 a démontré l’existence d’un courant de gauche. D’autre part, un grand nombre de « voix péquistes » sont allées à l’Action démocratique du Québec (ADQ) lors des élections partielles en 2002. Cette évolution, même si elle est inquiétante, témoigne d’une volonté de changement politique au Québec, volonté, qui faute de solution progressiste, se reporte vers l’ADQ.
Les organisations syndicales s’inquiètent ouvertement de la montée de l’ADQ, une formation qui leur est hostile. Du coup, le débat est relancé sur la nécessité d’une « approche stratégique » pour les prochaines élections provinciales. Plusieurs soutiennent que seul le PQ peut barrer la route à l’ADQ. Poussant plus loin la logique du « vote stratégique », on entend même parler de la possibilité d’appuyer des candidatures du Parti libéral du Québec (PLQ) pour bloquer l’ADQ dans certains comtés. Par contre, peu de syndicalistes portent attention à l’Union des forces progressistes (UFP), préférant maintenir une approche dite « non partisane » dans le combat contre la droite adéquiste.
Il faut reconnaître que le mouvement syndical au Québec, comme dans plusieurs pays, est en recul sur le terrain politique et se trouve plus isolé qu’auparavant. Au regard des choix sociaux, le rapport de force se détériore en faveur du patronat. L’ADQ ou le Parti libéral n’offrent aucune perspective crédible pour le monde syndical et incarnent le démantèlement des acquis sociaux, particulièrement dans le secteur public.
Le Parti québécois contribue également à la détérioration du poids politique du mouvement syndical. Ce n’est pas parce que Joseph Facal quitte le PQ que la tendance néolibérale n’y a pas le haut du pavé. Le PQ demeure l’artisan du déficit zéro, de politiques de déréglementation et du rejet des revendications de la Marche des femmes. Au chapitre des relations de travail, domaine particulièrement révélateur pour le mouvement syndical, le Parti québécois est le parti qui a fait adopter le plus de lois spéciales à l’encontre des travailleurs et des travailleuses.
Depuis ses déboires électoraux, Bernard Landry est devenu un chaud partisan d’une approche social-démocrate. Il courtise les chefs syndicaux et tente, parfois maladroitement, d’afficher de la « compassion » à l’endroit des plus démunis. Gageons que ce tournant ne survivra pas aux élections, entre autres lorsqu’il faudra négocier avec le personnel syndiqué du secteur public.
Le « changement » oui, mais lequel ?
L’aspiration au changement politique est aussi perceptible dans le monde syndical qu’elle peut l’être dans les milieux populaires. Le Brésil vient de nous démontrer qu’une alliance des mouvements syndicaux et sociaux peut être source de changement et d’espoir. L’élection de Lula à la présidence du Brésil renforce le monde syndical et la population en général au détriment du monde des affaires. Ce coup de tonnerre politique a été rendu possible parce qu’une poignée de syndicalistes ont fondé le Parti des travailleurs au Brésil et choisi consciemment de ne plus faire confiance à aucun parti du « moindre mal ».
Le temps est-il venu d’appuyer une formation politique comme l’Union des forces progressistes (UFP) ? Certains diront que l’UFP demeure un parti trop petit pour constituer un rempart à la droite, que l’UFP n’a pas d’assise sociale véritable, et qu’il faut s’en remettre au Parti québécois pour éviter de se disperser.
L’UFP est une formation politique jeune qui regroupe plus de militantes et de militants en provenance des groupes sociaux que du mouvement syndical, bien qu’il reprenne leurs revendications. L’UFP n’est pas encore très connue, mais c’est le seul parti politique québécois clairement en rupture avec le néolibéralisme.
Le mouvement syndical doit se lier plus profondément aux mouvements sociaux et anti-mondialisation s’il veut être en mesure de s’opposer aux politiques patronales. Certains syndicalistes croient que la bataille contre le néolibéralisme passe par la radicalisation de nos organisations, d’autres qu’il faut investir le terrain politique. Il n’y a pas de voie unique qui mènera à la mise en place d’une alternative politique de gauche au Québec.
Dans cette perspective, nous saluons l’initiative de D’abord solidaires qui propose une réflexion politique, et nous y voyons un engagement sincère à favoriser l’émergence d’une alternative politique progressiste au Québec. Nous croyons cependant que nous ne pouvons laisser passer les élections sans considérer une initiative aussi valable que l’UFP.
On doit profiter de la période électorale pour combattre le défaitisme et indiquer qu’un changement est non seulement nécessaire, mais possible. L’UFP peut être l’occasion pour dire au Parti québécois, ainsi qu’au PLQ et à l’ADQ, qu’un véritable changement passe par l’émergence d’une authentique alternative de gauche au Québec.
Alexandre Boulerice, Ronald Cameron, Pierre Fontaine, André Frappier, Manon Leclerc, Lise Gauvreau, Alain Gougeon, Étienne Hallé, Thérèse Hamel, Pierre Houle, Nicole Laliberté, Manon Perron, Monique Voisine [1]
[1] Ce document est appuyé par différentes personnes salariées ou politiques oeuvrant à la CSN, à la CSQ, à la FTQ et au SFPQ. Les signataires le font en leur nom personnel et n’engage pas les organisations qui ne sont signalées que pour des fins d’identification.
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