Bernard du Boucheron,
énarque, ancien PDG de CGE-Alsthom international, aujourd'hui à la
retraite, a fait une grande partie de sa carrière dans l'aéronautique,
notamment en tant que directeur commercial d'Aerospatiale. La lecture du
premier article de L'Express a réveillé en lui un troublant
souvenir
Vous avez
connu Charles Hernu à quelle époque? Vers le milieu des années
50, parallèlement à mes activités professionnelles au sein de la SNCaso,
future Sud-Aviation, puis Aerospatiale, j'appartenais à un groupe de
jeunes turcs réunis autour de Mendès France. J'écrivais même une rubrique
dans le journal Le Jacobin, dont il m'est arrivé de faire la mise en
pages... C'est dans ce cadre que j'ai rencontré Charles Hernu, qui est
devenu un ami que je tutoyais. Le gaullisme nous a ensuite
séparés.
Il vous présente alors l'une de ses
relations... Oui, dans le cadre de je ne sais plus quelle
mondanité, il me présente un diplomate bulgare. Hernu lui indique que je
travaille dans l'aviation. A l'époque, j'étais, je crois, adjoint à la
direction des prototypes, dont l'essentiel des activités portait sur des
marchés militaires. Peu après, le «diplomate» bulgare m'a invité à
déjeuner à La Rôtisserie périgourdine, un restaurant alors réputé, situé
quai des Grands-Augustins. Durant le déjeuner, il a essayé de me faire
parler des activités militaires de l'entreprise, et notamment de ses
sous-traitances pour les avions de combat Dassault. Il était très gentil,
mais ses intentions étaient claires... J'ai naturellement noyé le poisson
dans des banalités courtoises et éludé toutes ses questions. Il a
apparemment compris, puisqu'il n'est jamais revenu à la
charge.
Vous n'avez pas prévenu le
contre-espionnage? A la lumière de votre article, je suis
rétrospectivement stupéfait de ma naïveté, alors que je suis pourtant d'un
naturel plutôt méfiant et circonspect. C'est cette naïveté qui m'a empêché
de m'interroger sur les motivations d'Hernu et d'aller, en effet, raconter
toute cette histoire à la DST. Il est pourtant remarquable que le simple
truchement d'Hernu ait incité le «diplomate» à prendre le risque d'une
telle approche et, sans doute, d'une tentative de
recrutement.