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nombre de vies de saints médiévaux, l'histoire
de Dominique commence par une légende. Jourdain
de Saxe, le successeur du fondateur dans la charge
de maître de l'Ordre, écrit dans son "
petit livre " sur les débuts des prêcheurs
que la mère de Dominique avait eu une vision: "
Il lui semblait porter en son sein un petit chien, qui
tenait en sa gueule une torche enflammée, puis,
sortant du ventre maternel, paraissait embraser le monde
entier ", et quelques pages plus loin, à propos
d'une autre vision: " Sa mère le vit portant
la lune [suivant un autre texte: "une étoile"]
sur le front: ce qui signifiait évidemment qu'il
serait un jour donné comme lumière des nations,
pour illuminer ceux qui sont assis dans les ténèbres
et l'ombre de la mort. "
Son
père était Félix de Guzmân.
Sa mère, Jeanne, appartenait à la lignée
des Aza : les deux familles faisaient partie de la noblesse
castillane et possédaient de grandes propriétés
foncières dans les environs, proches et lointains,
de Caleruega. Ce lieu, que Jourdain qualifie de "
village ", a gardé jusqu'aujourd'hui son aspect
rural, bien qu'un couvent de dominicaines contemplatives
s'y trouve depuis le milieu du XIIIe siècle et
qu'un couvent de dominicains, plus tard, y ait été
érigé à côté du donjon
seigneurial ou torreon. Caleruega est situé, en
effet, à l'écart des grandes voies de circulation,
sur ce plateau castillan où règnent, selon
un dicton populaire, " neuf mois d'hiver et trois
mois d'enfer ", tant l'été y est sec
et brûlant.
Dominique
est né dans cette tour fortifiée, le torreon,
en 1170 ou 1171. De sa famille, de son enfance, nous savons
bien peu de choses sinon qu'il eut plusieurs frères,
dont l'un devait entrer dans l'ordre des prêcheurs.
L'hagiographie du Moyen Age ne s'intéressait guère
au développement historique; alors que nous cherchons
à analyser un homme d'après ce qu'il a vécu
dans son enfance, les écrivains de ce temps se
contentaient de quelques légendes destinées
à faire voir que le " héros "
futur, enfant, se comportait déjà en héros.
Toujours
est-il que nous savons, d'après des sources anciennes,
que dès l'âge de cinq ans l'enfant fut confié
à un oncle archiprêtre, chargé de
faire son éducation. On peut donc penser que sa
famille le destinait à l'état clérical.
Cette orientation, à l'époque, allait autant
de soi qu'aujourd'hui une préparation au métier
d'avocat ou à celui de médecin. En outre,
à la fin du XIIe siècle, la Castille avait
grand besoin de vocations ecclésiastiques et monastiques
: au cours des siècles passés, la région
au nord du Douro était tombée à plusieurs
reprises sous la domination de l'islam, et elle ne fut
définitivement reconquise qu'au début du
XIIe siècle par les comtes de Castille.
C'est
dans ce climat que grandit Dominique, et ce climat marqua
sans aucun doute certains traits de son caractère,
certaines façons qu'il eut de se comporter: son
absence de timidité devant les princes, les cardinaux,
les papes (alors même qu'il se tenait devant eux
en habit taché et en sandales), son autorité
naturelle à l'égard de ses frères,
sans jamais avoir besoin de se faire violence, enfin et
surtout sa piété austère qui n'avait
rien de sentimental.
Jourdain
et les biographes qui sont venus après lui se sont
surtout intéressés à un épisode
de sa vie d'étudiant. Voici comment Jourdain le
raconte: " Au temps où il poursuivait ses
études à Palencia , une grande famine s'étendit
sur presque toute l'Espagne. Ému par la détresse
des pauvres et brûlant de compassion, il résolut
par une seule action d'obéir à la fois aux
conseils du Seigneur et de soulager de tout son pouvoir
la misère [...]. Il vendit donc les livres qu'il
possédait, pourtant vraiment indispensables, et
toutes ses affaires. Constituant alors une aumône
[c'est-à-dire une fondation charitable], il dispersa
ses biens et les donna aux pauvres. " Le frère
Étienne qui déposa au procès de canonisation
ajoute que Dominique avait dit: " Je ne veux pas
étudier sur des peaux mortes tandis que des hommes
meurent de faim. "
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(Source
: Hertz, Anselm. Nils Loose, Helmuth. Dominique et
les dominicains. Cerf, 1987.)