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n'est guère de saint de l'époque de Dominique
(XIIe-XIIIe siècles) qui ait laissé aussi
peu que lui de traces personnelles. Il n'a pas écrit
de livre. Nul n'a pris note de ses prédications.
Des quelques lettres de lui dont nous connaissons l'existence,
une seule nous est parvenue. Ce que ses contemporains
ont relaté à son sujet semble mince en comparaison
d'autres témoignages laissés sur d'autres
saints de ce temps. Quelques-uns de ses plus intimes collaborateurs
- tel Réginald d'Orléans - qui auraient
pu rédiger des souvenirs de leur vie commune sont
morts avant lui.
Certes,
Jourdain de Saxe, successeur
de Dominique à la tête des frères
prêcheurs, a composé sur les débuts
de l'ordre un Libellus
centré sur l'évocation du saint fondateur,
mais s'intéressant surtout à son oeuvre.
Sur son caractère, sa constitution physique, ses
habitudes de vie, même ses lectures, on trouve quelques
indications, mais isolées, éparses. Toutefois,
de la masse des détails particuliers, on peut se
faire une idée de la personne du saint. D'après
soeur Cécile, c'était un homme de taille
moyenne et de constitution délicate; et elle n'oublie
pas de mentionner qu'il avait de belles mains et une voix
agréable. D'après le frère Rodolphe
de Faenza, il était "gai, joyeux, patient
et miséricordieux, plein de bonté pour consoler
ses frères".
Mais
si évocateurs que puissent être de tels détails,
ils prennent surtout leur valeur de leur relation avec
l'oeuvre, et en particulier, avec la fondation de l'Ordre
des Prêcheurs. Dans le cas d'un Bernard de Clairvaux,
d'un François d'Assise, la personnalité
exerce une fascination qui se prolonge durant des siècles.
Mais la personnalité de saint Dominique ne se laisse
saisir que si l'on considère l'oeuvre de sa vie
: l'ordre qu'il a fondé. Lorsqu'en 1217, à
Toulouse, il disperse les frères, les envoyant
les uns à Paris, les autres en Espagne, scindant
ainsi une communauté encore peu affermie et encourant
le reproche d'agir trop précipitamment, il répond
: "Ne me faites pas d'opposition: je sais ce que
je fais."
Cette
façon d'agir en dit plus sur le caractère
d'un homme qu'un long discours. On saisit, à cette
occasion, cette impulsion, toujours présente dans
la vie de Dominique, que les théologiens médiévaux
nomment zelus animarum et que notre expression
" zèle des âmes " ne traduit qu'imparfaitement.
Ce fut cette ardente sollicitude pour les hommes, pour
leur salut, qui poussa Dominique à fonder l'Ordre
des Prêcheurs, lorsqu'il vit de près dans
le midi de la France les horreurs de la guerre des albigeois
et qu'il essaya de ramener à l'Église, par
la prédication et non par la force des armes, la
population devenue étrangère à la
foi catholique.
A
cette fondation d'un ordre apostolique, dont la tâche
serait avant tout la prédication au sens le plus
large, il donna toutes ses forces et tout son coeur, devenant
ainsi un rénovateur de l'Église du Moyen
Age. Ses dernières paroles furent un encouragement
à ses frères qui continuaient son apostolat:
" Ne pleurez pas ! Après ma mort je vous serai
plus utile et je porterai pour vous plus de fruit que
je ne le fis dans ma vie. " C'est pourquoi il sera
question ici non seulement de Dominique mais des dominicains.
(Source
: Hertz, Anselm. Nils Loose, Helmuth. Dominique et
les dominicains. Cerf, 1987.)