Après les échanges des derniers jours, je voulais rappeller ce texte pris sur Kalima (lien en bas).
Comment dépasser la culture de la défaite ?
Par Mustapha KRAIEM.

La guerre de Sharon, appuyée par le gouvernement américain, en vue d’écraser définitivement toute résistance palestinienne et l’impuissance absolue des régimes arabes ont révélé au grand jour les tares qui rongent actuellement les pays arabes et qui ont éclaté au grand jour aux yeux des opinions publiques locales et internationales. Les peuples arabes ont compris cette évidence, qu’aucun des pays qui forment la ligue arabe, n’est réellement indépendant. Mieux encore, leurs pays étaient, il y a quarante ans, plus autonomes qu’ils ne le sont aujourd’hui. La raison est simple, les sacrifices considérables consentis pour la lutte de libération et la souveraineté nationale furent récupérés puis confisqués par des partis ou des castes militaires qui les ont ensuite offerts à des chefs plus ou moins charismatiques ou à des généraux.
Toutes les valeurs qui avaient fondé et légitimé la lutte pour l’indépendance : démocratie, souveraineté populaire, constitution, droits de l’homme etc ... furent dénaturées et exposées comme un décor vide de toute substance. A la place, ce fut le règne des Moukhabarats, des procès préfabriqués, de la torture et des fraudes électorales généralisées.
Les Etats patrimoniaux, transformés en dynasties " républicaines" ne peuvent s’acquitter de la tâche d’impulser un réel développement social et politique. La priorité absolue des gouvernants consiste à se maintenir à vie au pouvoir même aux dépens des intérêts des pays et de la souveraineté nationale. Les régimes arabes n’ont cessé d’imposer à leurs peuples des humiliations et surtout des défaites.
Les intellectuels sont des élites organiques des pouvoirs en place
Des défaites subies sous la responsabilité des régimes, devenaient une justification pour les gouvernements afin d’ancrer la dépendance et favoriser la régression sociale et politique. Toutes les générations arabes de l’ère des états dits nationaux, ont été élevées et formées dans la culture de la défaite. Celle-ci, a été instaurée en état de dogme par la grande majorité des élites arabes. Les nouveaux régimes, ont en effet, façonné des élites à leurs images. Il s’agit, d’une mixture, composée d’une partie des anciennes élites de l’ère coloniale et de nouveaux groupes produits par les nouveaux états. Les uns et les autres, n’ont d’autres débouchés que de se mettre au service des régimes en place et furent, dans leur grande majorité, fonctionnarisés. Même Les entrepreneurs économiques, n’ont pu se développer, que grâce au concours de l’état, qui aujourd’hui encore, peut du jour au lendemain, les enrichir ou les ruiner.
Les intellectuels sont des élites organiques des pouvoirs en place. Dans l’art, la musique, le théâtre, le cinéma... à la radio, à la télévision, le culte de la personnalité, la platitude, bref, la culture de la défaite, est plébiscitée sans vergogne. Les élites politiques et le grand nombre des responsables de l’opposition, n’échappent pas à cette culture.
Le double langage et l’opportunisme, caractérisent leurs échecs et leurs discours. Ces oppositions ont révélé leur nature lors du référendum tunisien, qui représente une régression dans le développement politique du pays, et nous rappelle le Grand Conseil de l’époque coloniale où le Résident général, omnipotent, écrasait par son pouvoir absolu, une chambre délibérative, sans pouvoirs réels. Face à cette opposition, nous avons assisté à l’émergence d’une dissidence consciente de l’état de déchéance généralisée où les régimes arabes nous ont conduits, une opposition en symbiose avec les aspirations de la société et qui veut rompre avec des pratiques, des discours, la compromission avec les dictatures, et qui dénonce justement cette culture de la défaite, en vue de promouvoir un véritable changement démocratique et remettre la souveraineté du peuple, entre les mains de tous les citoyens, pour consacrer le droit de chaque personne, à exercer pleinement, les attributs de sa citoyenneté, spoliés par des systèmes sécuritaires.
Les peuples arabes, se trouvent à la croisée des chemins. Ou bien, ils poursuivent leur marche dans l’archaïsme et se trouvent ainsi marginalisés dans ce mouvement accéléré de l’histoire, ou bien, ce début du 21ème siècle sera le commencement d’une véritable renaissance, qui les réconcilie, avec les valeurs de la modernité, afin de s’intégrer dans la civilisation universelle.

http://www.kalimatunisie.com/num7/index7.htm