CESAIRE Aimé
Né en 1913, dans une famille modeste de Fort-de-France qui rattachait son origine à un certain Césaire, esclave condamné à mort en 1833 pour avoir fomenté une révolte, Aimé Césaire a été un bon élève du lycée Schœlcher : on l’envoie en France pour préparer l’École normale supérieure, où il est reçu en 1935. Pendant ses années parisiennes, il s’occupe de l’Association des étudiants martiniquais, lie amitié avec Léopold Sédar Senghor, participe aux débats des intellectuels noirs, dans lesquels s’élabore la notion de négritude. Mais il commence aussi à écrire un long poème, le Cahier d’un retour au pays natal , qui paraît d’abord en 1939 dans la revue Volontés , avant d’être repris en volume (New York, 1947 ; Paris, 1947, puis 1956). Composé pour lutter contre le déracinement de l’exil, le Cahier peut se lire comme une quête orphique : plongée aux abîmes de la mauvaise foi, descente aux enfers de l’oppression raciale, pour y conquérir la fierté d’être nègre. Orphée triomphant, le poète reconduit au jour son Eurydice, la négritude, qu’il célèbre à travers des images rayonnantes. Plus poète que théoricien, Césaire a toujours défini la négritude selon le mouvement qui anime son poème : prise de conscience et acceptation de soi, pour coïncider avec l’émergence d’une parole enfin rendue à elle-même. Rentré en Martinique en 1939, pour être pendant cinq ans professeur de lycée - un professeur très écouté et admiré -, Césaire fonde en 1941, avec sa femme, Senghor et quelques amis, une revue, Tropiques , qui s’efforce de maintenir à la Martinique, pendant les années de guerre, une parole de liberté et de résistance culturelle. André Breton la découvrira avec saisissement, lors de son passage à Fort-de-France en 1941. En 1945, Aimé Césaire est élu, dans la mouvance du Parti communiste, maire de Fort-de-France, puis député à l’Assemblée nationale française (charges auxquelles il a été constamment réélu depuis lors). Il est l’un des principaux artisans du vote du statut de départementalisation pour la Martinique et les autres vieilles colonies (1946), ce qui lui vaudra, plus tard, les vives critiques de ceux qu’impatientent les persistances coloniales. En fait, Césaire s’opposera à la fois aux nostalgiques de l’ordre établi colonial et à ses anciens alliés communistes. Contre les premiers, il publie en 1953 son Discours sur le colonialisme , pamphlet dont l’humour agressif fait le procès de la civilisation européenne, malade de la colonisation. Contre les seconds, il adresse une Lettre à Maurice Thorez (1956), qui reproche aux communistes leur incapacité à sortir de leur idéal d’assimilation, et finalement leur croyance naïve en la supériorité intrinsèque du modèle occidental. Pour clarifier sa position politique, Césaire fonde en 1958 le Parti progressiste martiniquais, qui cherche à promouvoir une autonomie des îles. Mais, plus d’une fois, la parole poétique laisse percer le découragement de l’homme d’action, et dénonce l’immaturité d’un peuple endormi dans les délices de la consommation, l’impatience des extrémistes, les médiocrités politiciennes... Dès 1946, le recueil Les Armes miraculeuses reprend les poèmes de facture surréalisante parus dans Tropiques . On a parfois affirmé que Césaire avait recherché dans la luxuriance d’images étranges un moyen de tromper la censure de l’époque. En fait, la violence de ces textes ne se cachait guère. Elle n’est guère différente dans les poèmes des recueils ultérieurs : Soleil cou coupé (1948) et Corps perdu (1950), refondus dans Cadastre (1961), ou bien Ferrements (1959). En 1960, Césaire déclarait à un journaliste : « Je n’ai jamais écrit qu’un seul poème, où quelques émotions premières se révèlent indéfiniment. » Il est probable que la fascination exercée par l’œuvre de Césaire tient aussi à cette cohérence du projet poétique. Il reprend en effet, de poème en poème, un même schéma dramatique montrant la destruction d’un monde ancien, l’avènement d’un monde nouveau, se développant sur un réseau d’images clés (images solaires, catastrophes en tout genre, flore et bestiaire du contexte antillais), s’énonçant selon le mode et le temps (impératif et futur) de la révolution annoncée. Chaque poème produit et magnifie un désastre de mots où s’abîme le désordre colonial, un cataclysme qui libère les promesses de l’avenir. La tentation du théâtre apparaissait dès l’oratorio tragique, Et les chiens se taisaient , publié dans Les Armes miraculeuses : mise en scène du héros césairien par excellence, le Rebelle, qui revit au moment de mourir ses affrontements avec les figures de l’oppression, son amour fou de la liberté, sa solitude aussi. Cahier d’un retour au pays natal (1939, manifeste poétique et politique) Aimé Césaire, à la FNAC. | Dernières brèvesActualités
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