Jerzy Ficowski est né le 4 octobre 1924 à Varsovie.
A dix-huit ans il découvre Les Boutiques de cannelle de Bruno Schulz mais lorsqu’il entreprend de faire la connaissance de l’auteur, il est déjà trop tard, ce dernier est reclus dans le ghetto de Drohobycz et y meurt assassiné le 19 novembre 1942 d’une balle dans la nuque par un SS. Mais il consacra sa vie à la recherche de souvenirs et de textes de l’auteur des Boutiques de cannelle et du Sanatorium au croque-mort, dispersés à sa mort, en 1942, dans le ghetto juif de Drohobych. Sur les milliers de lettres que Schulz a écrites, Ficowski en a retrouvé deux cents, publiées dans un recueil. Il a aussi fait acquérir des centaines de dessins et gravures par les musées polonais. Mais il reste persuadé que l’œuvre majeure de Schulz, le Messie, qu’il avait commencé à écrire en 1936, doit se trouver quelque part dans les archives du KGB, à Kiev ou à Moscou, l’homme à qui l’écrivain avait confié son manuscrit ayant été arrêté. "Mais je suis trop vieux pour cela, ce sera à d’autres de le faire." D’après ses informations, le livre, à moins que ce ne soit un chapitre, débute ainsi : "Un matin ma mère me réveilla en disant : "Joseph, le Messie est tout près, des gens l’ont vu à Sambor." »
Certains sont les auteurs d’un seul livre, moi je suis le lecteur d’un seul livre", dit-il pour résumer sa passion. Jerzy Ficowski a ainsi permis la publication de la correspondance de Bruno Schulz, dont l’oeuvre, aujourd’hui au programme dans les écoles polonaises, est sortie de l’oubli grâce à lui. De cette passion est né un livre, Bruno Schulz. Les régions de la grande hérésie (éd. Noir sur blanc, 2004), ouvrage scientifique écrit par un passionné, sorte d’"exercice d’admiration", selon Pierre Bilos, professeur à l’Ecole normale supérieure de Lyon. Jerzy Ficowski était par ailleurs spécialiste de la culture et de l’histoire tziganes, auxquelles il a consacré des ouvrages ethnographiques.
Sa propre poésie reposait sur une connaissance encyclopédique du folklore polonais, mais aussi des poésies tzigane et yiddish, dont il s’était fait le porte-parole en Pologne. "Son activité plongeait ses racines dans les origines multiethniques et multiculturelles de la Pologne", explique encore Pierre Bilos, au sujet des traductions mais aussi de l’oeuvre poétique de Jerzy Ficowski, qui a publié douze recueils de poésie en Pologne. Il a traduit la poésie populaire juive et aussi les poètes yiddish, tant d’avant-guerre que de l’anéantissement, comme Itshak Katzenelson et son Chant du peuple juif assassiné.
Résistant, engagé dans le soulèvement de Varsovie, puis opposant au régime communiste, il fut souvent interdit de publication pendant et après la période stalinienne. Deux recueils ont cependant été traduits en 2005 par Jacques Burko : une anthologie, Tout ce que je ne sais pas, et Déchiffrer les cendres dans lequel il se fait poète de la Shoah.
Jerzy Ficowski est mort le9 mai 2006 à Varsovie. Il était âgé de 81 ans.