RIMBAUD Arthur
Jean-Nicolas-Arthur Rimbaud naît à Charleville, dans les Ardennes, le 20 octobre 1854. Son père, le capitaine d’infanterie Frédéric Rimbaud et sa mère, Vitalie Cuif, issue d’une famille paysanne des Ardennes, se sont mariés en 1853. Arthur a un frère aîné, Frédéric, puis naîtront ses soeurs Vitalie en 1858, et Isabelle en 1860. Elève brillant, il accumule les prix, notamment en rhétorique. A treize ans, il envoie en cachette un hommage au Prince Impérial qui vient de faire sa première communion. C’est en latin qu’il fait ses premiers vers : il remporte d’ailleurs en 1869, le premier prix du concours académique pour Ver erat, l’Ange et l’Enfant, et Jugutha. L’un de ses professeurs de quatrième, M. Pérette dit de lui : "Intelligent, tant que vous voudrez, mais il a des yeux et un sourire qui ne me plaisent pas. Il finira mal : en tout cas, rien de banal ne germera dans cette tête : ce sera le génie du bien ou du mal !" En janvier 1870, la Revue publie ses premiers vers : les Etrennes des Orphelins. Arrive alors de Paris un nouveau professeur de rhétorique, Georges Izambard, lui-même poète. Celui-ci va se prendre d’affection pour Arthur et faire son bonheur en lui laissant l’accès à sa bibliothèque personnelle, ce que Mme Rimbaud apprécie peu car elle pense que la lecture de certains ouvrages peut pervertir son fils. Le 24 mai 1870, dans l’espoir d’être publié dans le Parnasse contemporain, Arthur envoie à Théodore Banville : Sensation, Ophélie et Credo in Unam (première version de Soleil et Chair), puis l’année suivante Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs. Ces échecs ne le découragent pas. En Juillet, la France entre en guerre avec la Prusse. Tout se désorganise. Izambard part à Douai, en laissant l’accès de sa bibliothèque à Arthur. Celui-ci tourne en rond et s’ennuie ferme : "Ma ville est supérieurement idiote entre toutes les petites villes de province" lui écrira t-il. Le 29 Août, il fait sa première fugue à Paris, via Charleroi. Son billet n’étant pas valable jusqu’au bout, il est incarcéré à Mazas le 31 aout. Sur l’intervention d’Izambard, il est relâché le 4 septembre et s’en va passer une quinzaine de jours à Douai, chez les vieilles tantes de celui-ci, les demoiselles Gindre. Le retour à la maison n’est pas très chaleureux. Aussi, Le 7 octobre, Arthur s’enfuit à nouveau, pour la Belgique (Charleroi) puis Bruxelles, avant de revenir chez les demoiselles Gindre à Douai. Là, il recopie ses poèmes et les envoie à Paul Demeny, jeune poète que lui a présenté Izambard. Le 1er novembre, sa mère le fait ramener à domicile par la police. Les locaux du collège ayant été réquisitionnés pour servir d’hôpital, les cours ne reprennent pas. Aussi Arthur va se mettre à fréquenter beaucoup la bibliothèque de Charleville. Le 25 février 1871, il refait une fugue, pour Paris, en train cette fois. Complètement fauché, il erre pendant quinze jours et finit par rentrer à pied à Charleville le 10 mars. Quand la Commune éclate à Paris le 18 mars, il est de tout coeur avec les insurgés. Il exprime ses sentiments communards dans Chant de Guerre Parisien, Les Mains de Jeanne-Marie, Paris se repeuple. Il est en pleine révolte, il devient anarchiste, violent, commence à boire et s’amuse à scandaliser par sa tenue. C’est le dérèglement de tous les sens, qu’il expose à ses amis Izambard et Paul Demeny, dans deux lettres dites "du Voyant". Il demande d’ailleurs à Demeny de détruire les poèmes qu’il lui a précédemment envoyés, les jugeant dépassés. Celui-ci heureusement n’en fera rien. Fin août, il écrit à Paul Verlaine et lui envoie des poésies. Séduit, celui-ci l’invite à le rejoindre à Paris : "Venez, chère grande âme, on vous appelle, on vous attend ". A la mi-septembre, Rimbaud part à Paris avec son poème le Bateau ivre. Verlaine est marié à une riche fille de bourgeois, Mathilde Mauté de Fleurville, et vit chez ses beaux-parents. L’arrivée d’ Arthur fait scandale dans la famille, de par sa tenue grossière, débraillée et insultante. Il se rend tellement indésirable, qu’il finit par être logé par les différents amis de Verlaine. Celui-ci se remet à boire et passe le plus clair de son temps à traîner avec Rimbaud. Ils fréquentent le cercle des poètes Zutiques, fondé par Charles Cros, qui se réunit à L’Hôtel des Etrangers, boulevard Saint-Michel, et collaborent à l’Album collectif du groupe. Ernest Cabaner, le barman, apprend à Arthur les rudiments du piano selon la méthode du chromatisme musical, coloriant les notes et leur attribuant le son d’une voyelle (voir les explications sous le poème Voyelles). Rimbaud a été son assistant au club pendant quelques mois, ce qui lui permettait de dormir sur place. Mais avec son attitude maussade et hargneuse, ne ménageant personne, Arthur se fait rapidement mal voir. Verlaine l’entretient. Leur liaison fait scandale. Ils mènent une vie dissolue et hantent les cafés, se saoulant à l’absinthe. Victime de violences conjugales, Mathilde finit par s’enfuir avec son fils. En mars, Verlaine ayant promis de rompre avec Rimbaud rentré à Charleville, elle accepte de reprendre la vie commune. De retour à Paris en mai, déçu par son expérience parisienne et par l’attitude de Verlaine qui préfère sa vie de bon père de famille, Arthur est décidé à voyager avec ou sans lui. Il le contacte et arrive à le convaincre de partir. Tous les deux s’enfuient à Bruxelles au mois de juillet 1872. Voulant ramener son mari à la maison, Mathilde part les rejoindre avec sa mère. Abandonnée dans la gare à la frontière par son mari qui préfère suivre Rimbaud, elle rentre à Paris et demande la séparation de corps et de biens. Début septembre, d’Ostende ils partent pour Londres. Ils voient la mer pour la première fois. Arrivés, ils prennent contact avec les communards exilés, comme Eugène Vermersh et Félix Regamey. Ceux-ci les aident à s’installer près de Soho, 34 Howland Street. Enthousiasmé par la ville, Rimbaud compose une partie des Illuminations et Verlaine écrit les Romances sans Paroles. Mais harcelé par les papiers des huissiers au sujet de la demande en séparation de sa femme qui s’appuie sur ses crises de violence dues à l’alcool et sur son étrange conduite à Bruxelles, Verlaine perd courage et se lamente, accablé de remords. Sur les conseils de sa mère, Rimbaud rentre à Charleville en décembre. Il y reste trois semaines. Dépressif et malade, Verlaine lance un appel désespéré. Arthur et la mère de Verlaine accourent à son chevet. La vie reprend entre promenades, lectures et études. Ils quittent Londres le 4 avril 1873. Verlaine part pour Namur, toujours obsédé par l’idée de se réconcilier avec sa femme. Mais elle refuse tout contact. Resté seul, Arthur rentre à Roche le 11 avril et commence à rédiger un Livre Païen, ou Livre Nègre, qui deviendra Une Saison en Enfer. Début juillet, il accepte de retourner à Londres avec Verlaine, via Liège et Anvers. Ils sont logés 8 Great College street, dans Camden Town. Ils perfectionnent leur anglais et donnent des cours de français. Leur liaison d’une étrange nature commence à être connue dans le milieu communard de Londres qui les exclut. Elle est mentionnée dans les rapports des indicateurs de police qui infiltrent le groupe des exilés. Verlaine sent sa réputation perdue et entrevoit l’échec du procès en séparation d’avec sa femme si la rumeur arrive jusqu’à Paris. Alors il se remet à boire. Arthur devient insupportable. Le couple infernal se bat de plus en plus souvent à coups de poings et de couteaux. A la suite d’une violente dispute, Verlaine quitte Rimbaud et se réfugie à Bruxelles, dans l’espoir d’y faire venir sa femme pour une réconciliation. Très exalté, il parle de suicide dans ses lettres. Sa mère le rejoint et il envoie un télégramme à Arthur lui disant de venir aussi. Le 10 juillet, voyant que Rimbaud veut absolument repartir pour Paris, Verlaine tire sur lui deux coups de revolver, dont l’un l’atteindra au poignet. Soigné à l’hôpital Saint-Jean, Arthur se dirige ensuite vers la gare. Verlaine le menaçant à nouveau, il prend peur et fait intervenir un agent de police. Verlaine est conduit au poste de police et transféré le lendemain à la prison des Petites-Carmes. Il subit un examen médico-légal qui conclut à des pratiques homosexuelles. Le 8 Août, il condamné à deux ans de prison et 200F d’amende par le tribunal correctionnel de Bruxelles pour coups et blessures, malgré la déposition de Rimbaud en sa faveur. Celui-ci a été hospitalisé pour qu’on lui retire la balle. Le 20 juillet, après avoir signé la veille un acte de renonciation à sa plainte, Arthur, désespéré, rentre à Roche et s’enferme dans le grenier pour terminer une Saison en Enfer. En Août, il apporte le manuscrit à un imprimeur de Bruxelles. Le 22 octobre, n’ayant pu le payer, il retire quelques exemplaires d’auteur qu’il distribue à de rares amis, et abandonne l’édition de son livre. Il en dépose un en prison pour Verlaine. Mais il ne rencontre qu’hostilité, on lui reproche la déchéance de celui-ci. En mars 1874, il repart à Londres avec Germain Nouveau, autre poète, qui l’aide à recopier les Illuminations. Ils s’installent 178 Stamford Street et donnent des leçons de français. Germain Nouveau s’en retourne à Paris au mois de juin, probablement pour échapper à la réputation sulfureuse d’Arthur qui pouvait nuire à sa jeune carrière prometteuse. Déprimé, Arthur écrit à sa famille et reçoit la visite de sa mère et de sa soeur Vitalie en juillet. Le 31, il quitte Londres pour un emploi à Scarborough. Il revient à Charleville fin décembre. Jusqu’en 1879, il va errer, le plus souvent à pied, dans toute l’Europe. Le 13 février 1875, il part pour Stuttgart, en tant que précepteur, après avoir étudié l’allemand quelques semaines. Le 2 mars, il y est rejoint par Verlaine qui vient de sortir de prison et qui est en pleine crise d’exaltation religieuse. "Verlaine est arrivé ici l’autre jour, un chapelet aux pinces" écrit-il à Delahaye le 5 mars. "Trois heures après, on avait renié son dieu et fait saigné les 98 plaies de N.S. Il est resté deux jours et demi fort raisonnable et sur ma remonstration s’en est retourné à Paris". Rimbaud lui confie le manuscrit des Illuminations pour le faire éditer. Ils ne se reverront jamais plus. Arthur se trouve à cours d’argent et demande une aide financière à Verlaine par courrier. Celui-ci refuse catégoriquement. Arthur lui répond par une lettre d’injures et cesse toute correspondance avec lui. Verlaine continuera pourtant à s’intéresser au sort de son ami, envoyant des courriers restés sans réponse et recevant des nouvelles par l’intermédiaire de Delahaye ou Germain Nouveau, leurs amis communs. Début mai, Arthur quitte Stuttgart pour l’Italie, à pied. Epuisé, il tombe malade et passe un mois à Milan chez une veuve, et repart en juin vers le sud. Victime d’une insolation, il est rapatrié à Marseille par le consul de France à Livourne. De là, il regagne Paris, où il travaille comme répétiteur, puis revient à Charleville début octobre. Il passe l’hiver à étudier les langues, notamment le russe et l’arabe, puis se passionne pour la musique, et le piano. Le 18 décembre, Vitalie, sa soeur préférée meurt d’une synovite tuberculeuse. Très affecté, il se rase la tête en signe de deuil. Au printemps 1876, il se met en route pour Vienne et à peine arrivé, est dévalisé par un cocher. Sans le sou, il est reconduit à la frontière par la police et revient à pied à Charleville. En mai, il traverse la Belgique et va s’enrôler dans l’armée coloniale hollandaise. Arrivé à Batavia en juillet, il signe, le 19 mai, à Harderwijk un engagement de six ans dans l’armée coloniale hollandaise. Mercenaire étranger, il doit rétablir l’ordre à Java. Il s’embarque le 10 juin et arrive à Batavia (aujourd’hui Djakarta) le 19 juillet. Au bout de trois semaines, Rimbaud déserte et regagne l’Europe sur un voilier écossais. De retour à Charleville en décembre, il y passe l’hiver, puis repart vers le nord : Cologne, Brême. En 1877, on le retrouve travaillant comme interprète dans un cirque en tournée au Danemark et en Norvège. Il essaie de s’engager dans la marine américaine. A l’automne, il passe par Charleville et va s’embarquer à Marseille pour Alexandrie, mais malade, il est évacué à l’hôpital. Après un mois passé à Rome, il retourne à Charleville. En 1878, il est vu à Paris au moment de Pâques, puis aide sa famille aux travaux de la ferme, durant l’été. En octobre, il repart à pied, traverse le Saint-Gothard dans la neige, et de Gênes, prend le bateau pour Alexandrie. Le 16 décembre, il est à Chypre, chef d’équipe dans une carrière de pierre à Lanarka. Six mois plus tard, atteint de typhoïde, il revient se faire soigner à Roche.
A l’automne 1879, faux départ. A Marseille, fiévreux, il rebrousse chemin et retourne à Roche.
Delahaye, qui lui rend visite, raconte : En mars 1880, il regagne Chypre où il surveille la construction de la résidence du gouverneur. Puis il travaille dans une autre carrière de pierre. Au début août, il arrive à Aden et signe un contrat avec l’agence d’import-export Bardey et Cie (Vous pouvez voir des photos de sa maison telle quelle est aujourd’hui dans la section Documents). Il est chef de l’atelier de tri du café. Trois mois plus tard, il est affecté à la nouvelle succursale de Bardey, à Harar, en Abyssinie et arrive le 13 décembre à Harar après avoir traversé à cheval le désert somali. En mai 1881, il contracte la syphilis. Alfred Bardey, qui est venu visiter la nouvelle agence, l’aide à se soigner. Rimbaud est acheteur pour la maison Bardey. Après une période d’enthousiasme, il commence à s’ennuyer, se plaint du climat, se heurte à la jalousie des négociants. Il charge sa mère de lui faire parvenir des ouvrages techniques, des instruments, un appareil photographique. Il rêve d’explorations. En juin-juillet, expédition à Bubassa, qui le fatigue et le rend malade. Rimbaud se lasse de Harar, s’exaspère des retards du courrier, a des ennuis avec ses patrons. Il quitte la ville pour Aden en décembre. Pendant dix ans, il va circuler entre Aden et Harar, faire du commerce, sillonner le pays à pied, à cheval, seul ou avec des caravanes. Il parle l’arabe et apprend les langues locales. Il se fond dans la population. Il trouve Aden affreux, c’est un roc sans un brin d’herbe ni une goutte d’eau bonne : on boit de l’eau de mer distillée. La chaleur y est excessive et tout est très cher. Par contre, il est beaucoup mieux au Harar où il y a bien plus d’air et de verdure. Isolé, il renoue avec sa famille, son seul point d’attache en Europe. La majeure partie de ses lettres s’adresse à sa mère et à sa soeur. Il leur confie une partie de ses économies. Il a des projets : nouveaux comptoirs, expéditions, écrire un ouvrage sur le Harar ou le pays Gallas. Il commande un appareil photo. Il lit beaucoup d’ouvrages techniques et s’intéresse au Coran. Mais il s’ennuie : "[...] Pour moi, je regrette de ne pas être marié et avoir une famille. Mais à présent je suis condamné à errer, attaché à une entreprise lointaine, et tous les jours je perds le goût pour le climat et les manières de vivre, et même la langue de l’Europe. Hélas ! à quoi servent ces allées et venues, et ces fatigues et ces aventures chez des races étranges, et ces langues dont on se remplit la mémoire, et ces peines sans nom, si je ne dois pas un jour, après quelques années, pouvoir me reposer dans un endroit qui me plaise à peu près, et trouver une famille, et avoir au moins un fils que je passe le reste de ma vie à élever à mon idée, à orner et à armer de l’instruction la plus complète possible qu’on puisse atteindre à cette époque, et que je voie devenir ingénieur renommé, un homme puissant et riche par la science ? Mais qui sait combien peuvent durer mes jours dans ces montagnes-ci ? Et je puis disparaître au milieu de ces peuplades, sans que la nouvelle en ressorte jamais [...]" En 1882, Rimbaud travaille à Aden pour la maison Bardey. Il s’occupe toujours de science et d’exploration, et commande du matériel de photographie, activité dont il espère tirer quelque profit. En 1883, Rimbaud repart d’Aden pour Harar où Bardey le charge d’entreprendre des explorations dans le Somali et le pays Galla. Rimbaud décide alors de reconnaître l’Ogadine qui est encore mal connu. Il y pénètre en août et rédige peu après un rapport d’ensemble sur la région. Cette étude sera publiée l’année suivante dans le bulletin de la Société de Géographie (c’est le Rapport sur l’Ogadine). La fortune tarde à venir : Rimbaud se voit découvreur, explorateur, bâtisseur... Il continue à commander dans ses lettres à sa famille (et surtout à sa mère) des manuels et du matériel technique tout en donnant des instructions sur le placement de ses économies. Le poète devenu commerçant sans succès semble, tout en se plaignant de sa situation à ses employeurs, se plaire à imaginer une vie de rentier, il pense même à se marier ! En février 1884, La Société de Géographie publie dans son bulletin le rapport écrit par Rimbaud à l’intention d’Alfred Bardey sur le pays d’Ogadine où il a organisé plusieurs expéditions. La société qui l’emploie ayant fait faillite, il ferme l’agence du Harar et revient à Aden en avril 1884, accompagné d’une Abyssinienne avec qui il vit pendant deux ans. Puis il quitte l’agence Bardey et décide de se lancer dans le trafic d’armes, en livrant des fusils à Menelik, roi du Choa, en guerre contre l’Empereur Jean d’Abyssinie. Rimbaud signe en janvier 1885 un nouveau contrat d’un an avec Bardey. Lorsque, en octobre, il entend parler d’une affaire d’importation d’armes dans le Choa, il dénonce son contrat et s’engage dans l’aventure. Il s’agit de revendre cinq fois plus cher à Ménélik, roi du Choa, des fusils d’un modèle devenu obsolète en Europe, achetés à Liège. Cette entreprise va le mobiliser d’octobre 1885 à juillet 1887, et s’avérer désastreuse. Ses associés Pierre Lebatut et Paul Soleillet meurent. Le premier d’un cancer de la gorge, le second d’une congestion en pleine rue d’Aden. Parti seul en novembre pour Tadjourah prendre livraison des fusils et organiser une caravane qui les acheminera jusqu’au roi, Rimbaud est bloqué plusieurs mois par une grève des chameliers. En avril 1886, la caravane est enfin prête à partir quand Rimbaud apprend l’ordre transmis par le gouverneur d’Obock : à la suite d’accords franco-anglais, toute importation d’armes est interdite dans le Choa. Rimbaud cache son stock dans le sable afin d’éviter une saisie. Il se plaint auprès du Ministère des affaires étrangères français, fait diverses démarches. Apprenant en juin qu’une expédition scientifique italienne est autorisée à pénétrer dans le pays, il s’arrange pour se joindre à elle. Malgré l’abandon de Labatut, principal instigateur de l’affaire et la mort de l’explorateur Soleillet, Rimbaud prend en septembre la tête de la périlleuse expédition. Une chaleur de 70 degrés pèse sur la route qui mène à Ankober, résidence de Ménélik. Pendant ce temps, à Paris, on commence à parler de lui. Verlaine a publié les Poètes Maudits, avec un chapitre sur l’homme aux semelles de vent, et au début de l’été 1886, les Illuminations paraissent dans la revue la Vogue. Rimbaud arrive à Ankober le 6 février 1887, mais le roi est absent. Il doit gagner Antotto à 120 kilomètres de là. Le roi l’y reçoit, accepte les fusils mais fait des difficultés au moment de payer ; il entend déduire de la facture les sommes que Labatut mort récemment d’un cancer lui devait, et invite Rimbaud à se faire régler le reste par Makonen, le nouveau gouverneur de Harar. Rimbaud fait donc route vers Harar, avec l’explorateur Jules Borelli. Il parvient à se faire payer par Makonen, mais il n’a rien gagné sinon, comme il l’écrit au vice-consul de France à Aden le 30 juillet, « vingt et un mois de fatigues atroces ». À la fin du mois de juillet, il part au Caire pour se reposer emmenant avec lui son jeune serviteur Djami Wadaï. Un quotidien de là-bas, le "Bosphore Egyptien", publie les notes qu’il a prises durant son expédition au Choa. ; Rimbaud est épuisé, vieilli, malade. « J’ai les cheveux absolument gris. Je me figure que mon existence périclite », écrit-il à sa famille dans une lettre du 23 août. Dans une lettre au directeur d’un journal local, le « Bosphore égyptien », il raconte son voyage en Abyssinie et au Harar. Les lettres envoyées à sa famille à la fin de cette année témoignent de ce découragement. Rimbaud se plaint de rhumatismes et son genou gauche le fait souffrir. Il a pourtant assez de courage pour faire paraître dans le journal Le Bosphore égyptien une étude traitant de l’intérêt économique du Choa. Ce travail sera transmis à la Société de Géographie. Rimbaud songe un moment à se rendre à Zanzibar, puis à Beyrouth, mais un procès, lié à l’affaire Ménélik, le rappelle le 8 octobre à Aden où il tente sans succès de faire du commerce. En mars 1888, il installe une nouvelle agence commerciale à Harar, en association avec César Tian, un négociant d’Aden. Il est devenu boutiquier, vend de la quincaillerie, fait du troc. Et s’ennuie toujours. Son meilleur ami est Alfred Ilg, ingénieur suisse, qui deviendra le Premier Ministre de Menelik. En France, des articles paraissent à son sujet, des poèmes sont publiés, il commence à être connu et suscite la curiosité. Arthur l’apprend par la lettre qu’il reçoit d’un ancien camarade de collège, Paul Bourde. Il la conservera précieusement. D’après les divers témoignages des gens qui l’ont connu en Afrique, c’était un homme taciturne, renfermé, insociable. Commerçant et comptable honnête, scrupuleux et méthodique, exigeant envers les autres comme pour lui-même, menant une vie très simple, presque d’ascète, aimant faire le bien autour de lui en aidant les plus défavorisés, pince-sans-rire à l’humour mordant, mais au caractère inconstant, irritable, grincheux et geignard dans ses mauvais jours. En février 1891, une douleur au genou droit commence à l’empêcher de marcher. L’état de sa jambe ne faisant qu’empirer, il ferme l’agence. Faisant construire une civière recouverte d’une toile, il se fait transporter à dos d’homme. La traversée des 300 km de désert jusqu’au port de Zeïlah est un véritable supplice.
A Aden, le médecin de l’hôpital européen diagnostique une synovite, à un stade si avancé que l’amputation est nécessaire. Du fait de l’état d’épuisement et de sous-alimentation d’Arthur, la synovite va rapidement dégénérer en tumeur cancéreuse (carcinome). C’est aussi, héréditairement, le point faible de tous les enfants Rimbaud, puisque c’est une synovite compliquée de tuberculose qui a déjà emporté Vitalie, la jeune soeur d’Arthur, et qu’Isabelle mourra d’une affection similaire en 1922.
Il trouve la force de liquider ses affaires, et le 9 mai, reprend le bateau pour la France où il arrive le 22 mai. Le 27 mai, il est amputé de la jambe droite à l’hôpital de la Conception à Marseille. Sa mère le rejoint, puis repart. Arthur est désespéré de ce départ trop brutal et ne lui pardonnera pas.
Il tente de réapprendre à marcher avec des béquilles, puis une jambe de bois. Pour ce grand marcheur, c’est une pénitence sans fin. Sa soeur devient la seule confidente de son désespoir : Isabelle a décidé de réhabiliter son frère et raconte qu’il est mort en bon chrétien. Respectant ses dernières volontés, elle s’acquitte du legs de 750 thalaris fait à Djami. Décédé lui aussi, la donation ira à ses héritiers. Elle va s’employer, avec l’aide de son mari Paterne Berrichon (pseudonyme de Pierre-Eugène Dufour), grand admirateur de Rimbaud qu’elle épousera en 1897 après une longue correspondance, à faire publier l’oeuvre d’Arthur et des souvenirs biographiques. Arthur Rimbaud, à la FNAC.
| Dernières brèvesActualités
1er juin 13 mai 13 mai 12 mai 4 mai Rechercher Derniers articles
29 juin 28 juin 28 juin 27 juin 27 juin Cette page traduite :
| ||