CELINE
A 16 heures, le 27 mai 1894, naît Louis Ferdinand Auguste Destouches, au 11 Rampe du pont à Courbevoie dans la Seine. Son père, Fernand Destouches, travaille au sein d’une compagnie d’Assurances, Le Phénix, comme correspondancier depuis 1890. Fils d’une famille de cinq enfants, une fille et quatre garçons, Fernand est né au Havre. Auguste, son père, agrégé de l’enseignement spécial, est mort depuis 1874. La famille Destouches, sous l’aile d’Hermance, veuve d’Auguste, est venue s’installer à Courbevoie en 1884. C’est là que Fernand va rencontrer Marguerite Guillou, fille de Céline Guillou. D’origine bretonne, Céline Guillou tient à Paris un commerce d’antiquités, de dentelles et porcelaines, au coin des rues de Provence et Lafayette. Le 13 juillet 1893, Fernand et Marguerite se marient et s’installent au 11 Rampe du pont à Courbevoie. Presque aussitôt après sa naissance, le petit Louis est placé chez une nourrice, car on pense que sa mère à la tuberculose et qu’elle est contagieuse, d’abord dans l’Yonne chez Justin Bouland, puis à Puteaux. A Courbevoie, la clientèle ne se précipite pas dans le magasin de lingerie tenu par Marguerite Destouches. En 1899, Marguerite reprend un fonds d’objets de curiosité en boutique" au 67 du Passage Choiseul, dans le deuxième arrondissement. Louis découvre l’école communale de la rue de Louvois, située à quelques pas de la boutique de sa mère. Ses résultats scolaires ne brillent pas comme l’attestent les commentaires du directeur de l’école : "Enfant intelligent mais d’une paresse excessive, entretenue par la faiblesse de ses parents. Etait capable de très bien faire sous une direction ferme. Bonne instruction, éducation très relâchée". C’est également en 1899 qu’aura lieu à Paris l’Exposition Universelle et son cortège de modernités, annonciatrice d’un vingtième siècle en mouvement. En 1904, les Destouches déménagent dans la boutique d’en face, au 64 du Passage Choiseul. La dentelle et les objets anciens restent leur fonds de commerce. En décembre, la mort de Céline Guillou, mère de Marguerite et grand-mère de Louis, affecte durement l’enfant. Son premier vrai contact avec la mort injuste date de là . Entre 1907 et 1909, Louis Destouches est envoyé par ses parents en Allemagne et en Angleterre pour apprendre les langues étrangères avant de se destiner à une carrière commerciale. C’est aussi l’époque où son père, que sa condition professionnelle au sein de la compagnie d’assurances rend aigri, marque l’enfant par ses prises de position antisémites. Fin août 1907, Louis part en Allemagne, à la Mittelschule de Diepholz (Hanovre). L’enfant écrit de longues lettres à ses parents dans lesquelles son souci de l’argent transparaît. Après son retour en France, en novembre 1909, Louis Destouches entame sa période d’apprentissage. Le 21 septembre 1912, Louis Destouches devance l’appel et s’engage pour trois ans. C’est à Rambouillet, au 12e régiment de cuirassiers, qu’il effectue ses classes. Nommé Brigadier le 5 août 1913 puis Maréchal des Logis le 5 mai 1914, il partira en mission de reconnaissance avec le 12e cuirassiers dès la guerre déclarée. D’abord à Audun-le-Roman, en août, puis dans la région d’Armentières, au mois d’octobre, dans les Flandres, Louis Destouches connaît son baptême du feu. Les témoignages du jeune cuirassier Destouches l’attestent de manière claire. La guerre est une horreur absolue. Volontaire pour assurer une liaison risquée dans le secteur de Poelkapelle, entre le 66e et le 125e régiments d’infanterie, il est blessé par balle au bras droit. Opéré à Hazelbrouck, il est envoyé à l’hôpital du Val-de-Grâce à Paris et devient médaillé militaire le 24 novembre, avant de recevoir la croix de guerre avec étoile d’argent. Par la suite, Céline reviendra constamment sur les séquelles de cette blessure, auxquelles il attribuera des maux incurables. En tout cas, le Maréchal des Logis Destouches ne devait jamais se remettre véritablement du spectacle de cette guerre sanglante et destructrice... Plus tard, les Carnets écrits par le jeune soldat seront publiés en marge de Casse-pipe. 1914-1932 Le médecin écrivant Le 27 décembre 1914, Louis Destouches est transféré à l’hospice Paul-Brousse de Villejuif, dirigé par Gustave Roussy (le docteur Bestombes dans Voyage au bout de la nuit). En mai 1915, il est affecté au consulat général de France à Londres, au service des passeports. En mars 1916, Louis Destouches est engagé comme "surveillant de plantation" par la compagnie forestière Sangha-Oubangui et il part en Afrique, à Bikobimbo et Campo ("Topo" dans |Voyage au bout de la nuit->art725]). Au bout de huit mois, il rompt son contrat et, en février 1917, il regagne Douala pour y être hospitalisé à la suite de crises de dysentrie. En septembre 1917, il travaille avec Raoul Marquis, dit Henry de Graffigny (Courtial des Pereires dans Mort à crédit), directeur d’Euréka, une revue scientifique. Louis Destouches y signera la traduction d’un article de l’anglais en février 1918. Embauchés tous les deux par la mission Rockfeller contre la tuberculose, ils parcourent la Bretagne de mars à novembre. C’est à Rennes, le 10 mars, que Louis Destouches rencontre le docteur Athanase Follet. En novembre Louis Destouches quitte la mission et prépare le baccalauréat, dont il obtient les deux parties en avril et juillet 1919. Il se marie avec Édith Follet, fille d’Athanase, le 10 août à Quintin (Côtes-du-Nord). Le couple s’installe à Rennes et Louis s’inscrit à l’école de médecine à partir de 1920. Le 27 juin 1924, Louis Destouches entre à la Société des Nations, dans le service d’hygiène du docteur Ludwig Rajchman ("Yudenzweck" dans L’Église et "Yubelblat" dans Bagatelles pour un massacre). Il est nommé à Genève pour trois ans. Louis Destouches passe l’été 1927 à Paris et rédige Périclès, qui deviendra Progrès. Au printemps 1931, une secrétaire du dispensaire de Clichy, Aimée Paymal, commence la dactylographie de Voyage au bout de la nuit. Louis Destouches portera son roman chez Bossard, Figuière, Gallimard et c’est finalement Robert Denoël qui acceptera de publier Voyage au bout de la nuit. Son auteur a 38 ans et s’appelle Louis-Ferdinand Céline, le prénom de sa mère. 1932-1945 Notoriété, obsessions et délires Céline, soucieux du style, va surveiller de très près la composition de son roman, finalement mis en vente le 5 octobre 1932. Le premier tirage est de 2000 exemplaires. Le 10 novembre, Céline accorde sa première interview et, le lendemain, son anonymat est levé. Il est reçu par Lucien Descaves, Léon Daudet et Jean Ajalbert, trois membres de l’académie Goncourt. Rapidement, Louis-Ferdinand Céline est annoncé comme favori pour le prix Goncourt mais, au dernier moment, quelques jurés préfèrent voter pour Les Loups de Guy Mazeline (six voix contre trois). Le scandale est immédiat et les premières querelles autour de Céline commencent. Voyage au bout de la nuit obtient le prix Renaudot et Céline répond aux journalistes tout en continuant d’exercer la médecine... Mais la grande peine de Louis Destouches en 1932 demeure la mort de Fernand, son père, le 14 mars... En décembre 1932, il quitte Paris et part pour Genève avec sa mère. Le docteur Rajchman le nomme sur une mission en Autriche et en Allemagne et l’écrivain rédige un article, Pour tuer le chômage, tueront-ils les chômeurs ?. Les fréquentations de Céline se diversifient et il commence à entretenir quelques correspondances avec Léon Daudet, Lucien Descaves, mais aussi Elie Faure, Georges Altman, Elisabeth Porquerol. Le succès de librairie est tel que Denoël publie L’Église en avril 1933, alors que son auteur parcourt l’Europe pour oublier le départ définitif d’Elizabeth Craig. Voyage est traduit en italien, en russe (par Elsa Triolet) et en allemand. Céline se lie à Evelyne Pollet, se rapproche de Karen Marie Jensen. Il entame la rédaction de Mort à crédit, rédige la préface d’un album, 31 cité d’Antin, rassemblant des fresques d’Henri Mahé. Le travail que lui demande son nouveau roman, d’abord intitulé L’Adieu à Molitor, puis Tout doucement et enfin Mort à crédit, est colossal. En mai 1939, le décret Marchandeau oblige Denoël à retirer de la vente ces deux pamphlets. Céline est exclu de la vie littéraire. En proie à de violentes polémiques, une lettre adressée à Je suis partout le 21 juillet dénote de son état d’esprit : "Mes livres sont retirés de la circulation... Moi aussi." En septembre, le docteur Destouches ouvre un cabinet à Saint-Germain en Laye, puis revient chez sa mère, rue Marsollier. Le 9 novembre, il est réformé définitivement et déclaré invalide à 70 pour 100. En qualité de médecin, il s’embarque sur le "Chella". Le navire sera accidenté et Céline rapatrié. Nommé au dispensaire de Sartrouville, il part en exode à La Rochelle au volant d’une ambulance avec Lucette. Après la défaite, Céline s’installe 4 rue Girardon à Paris et écrit Notre Dame de la débinette, publié en février 1941 sous le titre Les beaux draps par les Nouvelles Editions Françaises, une succursale de Denoël. Céline envoie une trentaine de lettres à différents journaux pour y parler de son antisémitisme. Pourtant, il refuse obstinément de rallier un quelconque parti politique ou un journal. A partir de 1942, il cesse ses interventions publiques, écrit Scandale aux Abysses et l’essentiel de Guignol’s Band. Denoël réimprime ses pamphlets. Voyage et Mort sont réédités, enrichis d’illustrations de Gen Paul. Le couple Destouches quitte Paris en juin 1944. Il séjourne à Baden-Baden où se trouve l’acteur Robert Le Vigan. Face à l’impossibilité de passer au Danemark, où Céline a déposé de l’or depuis plusieurs années, le couple se rend à Neu Ruppin, près de Krantzlin, chez la famille Scherz. En octobre, le couple, accompagné du chat Bébert et de Le Vigan, parvient à Sigmaringen. Céline loge à l’extérieur du château et soigne les réfugiés. Enfin, le 27 mars 1945, les Destouches réussissent à passer au Danemark et à atteindre Copenhague malgré les bombardements. 1945-1951 Les années d’exil Céline et sa femme s’installent chez Karen Marie Jensen. Le 6 mars, l’écrivain apprend la mort de sa mère, bientôt suivie de l’assassinat de Robert Denoël le 3 décembre. Le 19 avril 1945, le juge d’instruction de la Cour de justice de la Seine lance un mandat contre Céline, qui reste sans effets. L’avocat Thorvald Mikkelsen légalise la présence de Céline au Danemark, pendant que ce dernier reprend le manuscrit de Guignol’s band 2, commencé à Paris, et qu’il réfléchit au projet de Féerie pour une autre fois. Le 17 décembre, la légation française au Danemark demande l’extradition de Céline. Il est immédiatement écroué avec Lucette, et incarcéré à Vestre Faengsel. Lucette est libérée le 28 mais Céline, que l’Etat danois refuse d’extrader, demeure en prison près de onze mois. Il rejoint Lucette à Kronprinsessegade, achève Guignol’s 2, reprend Féerie et ce qui deviendra Foudres et flèches. Fin 1948, Casse-pipe est publié d’abord dans Les Cahiers de la pléiade par Jean Paulhan, puis chez Frédéric Chambriand (maison d’édition créée par Pierre Monnier), ainsi que Foudres et flèches. Albert Paraz, dans Le gala des vaches, insère A l’agité du bocal, réponse de Céline à des accusations formulées par Jean-Paul Sartre- (Sartre, en 1947, affirma que Céline était « payé » par les nazis), ainsi que leur correspondance. Voyage est réédité par Jacques Frémenger (Ed. Froissart, Bruxelles). Le 17 octobre 1949, la Cour de justice de la Seine arrête les poursuites engagées contre Céline et le 3 décembre le commissaire du gouvernement réclame à son encontre l’application de la loi pénale concernant les délits mineurs contre la sûreté de l’état. En mai 1950 paraît L.-F. Céline tel que je l’ai vu de Milton Hindus qui expose la brouille entre les deux hommes. Pierre Monnier publie Mort à crédit en avril 1950 et Scandale aux Abysses en novembre. Paraz, dans Valsez saucisses, continue de plaider en faveur de Céline. Enfin, le 1er juillet 1951, Céline, Lucette, leurs chiens et le chat Bébert rentrent en France et atterrissent à l’aéroport de Nice. 1951-1961 La retraite à Meudon Les Destouches passent l’été chez Paul Marteau, à Nice, rendent visite aux parents de Lucette domiciliés à Menton et à Albert Paraz, à Vence. Céline signe en juillet un contrat avec les éditions Gallimard. En septembre, le couple emménage à Meudon, au 25 ter route des Gardes. Lucette ouvre un cours de danse et Céline un cabinet médical. Au même moment, Céline intente un procès aux éditions Julliard qui viennent de publier le Journal d’Ernst Jünger. L’écrivain s’estime diffamé et Ernst Jünger reconnaît lui-même que son éditeur français a effectué une modification de son texte (le nom de "Merlin" est devenu "Céline"...). Muias Jünger s’est souvenu longtemps, et avec dégoût, de sa rencontre avec Céline, le 7 décembre 1941, à l’Institut allemand de la rue Saint-Dominique (Paris), parce que l’écrivain lui parla de « l’usage à faire des baïonnettes, et du nettoyage maison par maison qui s’imposait » Entre mars et mai 52 les éditions Gallimard réimpriment toute l’œuvre de Céline hormis les pamphlets. Féerie pour une autre fois est publié en juin 1954. La critique boude le nouveau roman de Céline et, à de rares exceptions près (Gaëtan Picon, Maurice Nadeau, Roger Nimier, Jean Paulhan et évidemment Albert Paraz), elle demeure muette. En janvier 1953, André Parinaud publie la première interview de Céline depuis son retour d’exil. Cette initiative a peu d’impact et Céline achève Normance, la seconde partie de Féerie, publié en juin 1954 et dont le succès reste aussi confidentiel. La Nouvelle Revue Française édite en cinq livraisons Entretiens avec le Professeur Y, qui ne rallume toujours pas les passions des lecteurs. Voyage est réédité en collection de poche et au "Club du Meilleur Livre". Cela offre à Céline l’occasion de donner une longue interview, la première d’une très longue série. Finalement, Entretiens avec le Professeur Y paraît chez Gallimard en juin 1955. A partir de 1956, les lecteurs de Céline se font plus nombreux, grâce à la diffusion de Voyage en poche et à un reportage publié dans Paris Match présentant l’écrivain en compagnie de Michel Simon et d’Arletty à l’occasion de l’enregistrement d’un disque. Céline est en train de rédiger D’un château l’autre et de plus en plus de journalistes viennent à Meudon pour l’interviewer. Dans son pavillon, l’écrivain cultive son décor et son personnage. D’un château l’autre est édité en 1957 et Céline est l’invité de Lecture pour tous, l’émission télévisée de Pierre Dumayet. L’accueil de ce nouveau roman est favorable. Quelques débats reprennent, opposant les pros et les antis Céline. Il écrit alors Vive l’amnistie, monsieur ! pour faire cesser les polémiques. Mort à crédit est publié en édition de poche, avec les fameux blancs. Louis-Ferdinand Céline dans un entretien avec Albert Zbinden en 1957 : [" ... Là j’ai péché par orgueil, je l’avoue, par vanité, par bêtise. Je n’avais qu’à me taire... Ce sont des problèmes qui me dépassaient beaucoup. Je suis né à l’époque où on parlait encore de l’affaire Dreyfus. Tout ça c’est une vraie bêtise dont je fais les frais. " A partir de 1959, des universitaires commencent à s’intéresser de près à Céline. Gallimard, en mai, réédite les ballets de l’écrivain sous le titre Ballets sans musique sans personne sans rien, illustrés par Éliane Bonabel. L’équipe d’En français dans le texte enregistre une émission télévisée à Meudon mais des protestations en font interdire la diffusion. En mai 1960 paraît Nord, la suite de D’un château l’autre. Céline travaille sur plusieurs projets, notamment l’adaptation cinématographique de Voyage au bout de la nuit par Claude Autan-Lara et son entrée dans la "Bibliothèque de la Pléiade" pour laquelle il réécrit les passages censurés de l’édition originale de Mort à crédit (il faut noter que l’actuelle édition Folio reprend cette version "remaniée" et aseptisée). Céline entame également Colin-Maillard qui deviendra Rigodon. Bibliographie * La vie et l’œuvre de Philippe Ignace Semmelweis 1924 Louis-Ferdinand Céline, à la FNAC.
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