APOLLINAIRE
Guglielmo Alberto Kostrowitzky est né à Rome le 26 août 1880. Guillaume ne sera déclaré officiellement que 5 jours après sa naissance par une sage-femme, sa mère ne le reconnaîtra que le 2 novembre. En 1882 naît un deuxième enfant : Alberto qui lui ne sera reconnu que 6 mois plus tard. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’Angelica est loin de se presser pour déclarer les enfants à l’administration. Apollinaire est né de père inconnu, ou plus exactement dont on a longtemps ignoré l’identité. On sait à présent qu’il s’agit d’un ancien officier au caractère très violent, Francesco Fulgi d’Aspremont, issu d’une famille qui a des contacts avec le Vatican. Celui-ci n’a jamais reconnu son enfant. Apollinaire va monter une légende autour du mystère de l’identité de son géniteur, il va aller jusqu’à soutenir qu’il est un haut fonctionnaire ecclésiastique, archevêque même. Son grand-père Apollinaire Kostrowitzky, d’illustre ascendance aristocratique, quitte le domaine familial, aux environs de Minsk, pour participer à la guerre de Crimée. Blessé en 1855 lors du siège de Sébastopol, l’officier, pensionné désormais par le tsar, se marie à une jeune italienne, Julia Floriani. Celle-ci lui donne une fille prénommée Angelina Alexandrina, en 1858, née en Finlande. Commence à cette époque pour les Kostrowitzky une longue période d’errance, de dénuement, de mésentente conjugale, en Europe. En 1865, la famille quitte la Pologne en raison de la situation politique et vient s’installer en Italie car le père avait droit à un poste honorifique de camérier au Vatican. Il y élève Angélique dans un couvent aristocratique de haute réputation : le couvent des Dames françaises du Sacré-Cœur. Elle en sortira avec un tempérament fougueux et sensuel. Désireux de trouver un beau parti pour sa fille, Apollinaire Kostrowitzky la présente dans les salons aristocratiques romains. Elle y rencontre un officier Francesco Costantino Camillo Flugi d’Aspermont, alors âgé de 44 ans, membre d’une grande famille d’origine suisse, dont le nom est lié aux destinées du royaume des Deux-Siciles, lorsqu’elle se met au service des Bourbons en 1815. Né en 1835, Francesco Costantino Camillo Flugi d’Aspermont a été capitaine de Ferdinand II (roi des Deux-Siciles jusqu’à l’annexion de Naples à l’Italie en 1860). Très vite, Angelina vole de ses propres ailes et mène dans les salons de Rome et d’ailleurs une vie de luxes et de plaisirs, allant de casinos en casinos en compagnie de son amant, dépensant énormément et empruntant à toutes les bourses. L’oncle d’Apollinaire, Niccolo Flugi d’Aspermont (abbé général des Bénédictines sous le nom de Dom Romarino) pour mettre terme au scandale le convainc en 1885 de s’expatrier, un de ses arguments principaux étant une somme rondelette, qu’il va dépenser avec Angélique. Celui-ci finit par abandonner sa maîtresse, sur les instances de sa famille qui, de son côté, fait en sorte d’exiler la compromettante jeune femme et ses deux fils (un frère, Albert, étant né en 1882) à Monaco. Guillaume reste donc seul avec sa mère : on peut imaginer à quel point l’absence d’un père a été un événement traumatisant qui a pu avoir des conséquences graves sur le plan psychologique. En 1887, Angélique quitte Rome et s’installe à Monaco avec ses deux enfants. Notons que Monaco dépend de l’administration ecclésiastique. On se retrouve à nouveau dans un milieu ecclésiastique. Les choses se gâtent, Angelica mène une vie brillante mais précaire sur le plan financier : elle n’a pas de métier et vit du jeu et des libéralités de ses protecteurs. L’un deux, Jules Weil, un israélite né à Strasbourg en 1969, passe aux yeux d’Apollinaire pour son oncle Jules. Sans doute à cause de problèmes financiers, Angelica quitte Monaco. Après un bref séjour à Aix-les-Bains, la famille se rend à Lyon (où il va beaucoup lire) puis à Paris. Le séjour est trop bref pour qu’Apollinaire puisse y fréquenter les milieux littéraires, en revanche, il y fréquente assidûment la bibliothèque Mazarine et se fait même remarquer par le conservateur. (Une des habitudes d’Apollinaire était, dès son arrivée dans une ville, de s’inscrire dans une grande bibliothèque ; il a toujours cultivé l’amour des livres, surtout des livres rares.) La famille se rend à Spa, ville thermale réputée pour son casino : Angelica veut se "refaire" mais elle n’aura même pas l’occasion d’essayer car la carte d’entrée lui est refusée. Elle manifestera un aimable indifférence pour ses enfants puisqu’elle réintègre Paris en les laissant à Stavelot en pension à l’auberge du Sieur Constant (aujourd’hui l’Auberge du Mal-aimé). Les deux frères y passent d’excellentes vacances, ils parcourent les Fagnes. Guillaume y aura une brève idylle avec Marie Dubois ou Mareye (une des innombrables Marie qu’on trouve dans son œuvre), la fille d’un cafetier. Ils ont coutume de se rencontrer dans les bois et tout particulièrement à la Pierre du Diable où Guillaume lui donne rendez- vous. Il compose pour elle des poèmes dont beaucoup sont perdus. Au bout de trois mois, ils ne disposent plus d’argent pour payer la note, écrivent à leur mère pour savoir que faire, et sur ses conseils quittent la pension de nuit et réintègrent Paris, où Madame de Kostlowitzky, sous le nom d’Olga Karpoff, les attend dans un meublé de la rue de Constantinople. Cet épisode montre encore une fois combien l’attitude da la mère est loin d’être exemplaire. Le sieur Constant, gérant de la pension, introduira une plainte pour les trois mois non payés, Angelica se verra finalement contrainte de le rembourser. De ce séjour à Stavelot, subsistent un certain nombre de papiers connus par les érudits sous le nom des Cahiers de Stavelot Guillaume cherche en vain un emploi de bureau. Étranger, Guillaume ne peut songer à entrer dans l’administration. Sans diplômes ni qualification professionnelle, il ne trouve pas d’embauche. Il sert de "nègre" à un certain Esnard, feuilletoniste à court d’imagination, mais ne parvient pas à se faire payer son travail. Enfin, une petite annonce lui procure un médiocre emploi chez un remisier. En 1901, Apollinaire fait connaissance de la vicomtesse de Milhau, issue d’une riche famille de Cologne, qui possède de grandes propriétés. Lors d’un voyage en France, elle cherchait un précepteur pour sa fille de neuf ans. Guillaume accepte le poste moins pour l’emploi en lui-même que par amour pour la gouvernante anglaise de la fillette, Annie Playden, fille d’un pasteur puritain. Ils s’installent dans une villa très "kitch" ornée de faux colombages appelé "Le Nouveau bonheur" (Neu Glück) et situé dans le cadre très romantique de la Rhénanie. Il fait assidûment la cour à Annie, vivement choquée par le comportement d’Apollinaire. Il lui fait une demande en mariage au lieu dit "les 7 montagnes" (lieu mythique où Siegfried aurait tué le dragon). Il commence par essayer de l’impressionner avec son titre de noblesse, évoque sa "grande fortune", mais rien ne semble convaincre la jeune fille. Alors il en vient à la menacer et lui fait comprendre qu’il pourrait facilement expliquer un accident si on retrouvait son corps au pieds des falaises. On voit ici apparaître clairement ce côté frénétique qui révèle un sérieux contraste dans sa personnalité. Apollinaire donne des vers à La Plume et prend part aux soirées littéraires qu’organise cette revue dans un café de la place Saint Michel, le Soleil d’or (aujourd’hui café du Départ), y rencontre beaucoup d’écrivains, dont quelques-uns (Alfred Jarry, Eugène Montfort, André Salmon) deviennent vite ses amis. En 1908, dans la Phalange, il expose un nouveau programme poétique, c’est l’époque d’Onirocritique où les images vivent en liberté, les liens causaux sont distendus, on voit apparaître des connotations simultanées, ... Apollinaire se convertit aux nouvelles tendances artistiques de son temps. En 1911, Géry Piéret, collègue d’Apollinaire au Guide du rentier, vole au Louvres un buste hispanique et le dissimule chez Apollinaire. Deux mois plus tard, en août, c’est la Joconde qui disparaît. Guillaume en découvrant l’origine de la statuette prend peur et charge Paris-Journal de la restituer. Les médias ne manquent pas l’occasion et entourent la restitution d’un grande publicité, ce qui aura des effets désastreux car elle souligne l’insécurité du Louvre. La police réagit, une enquête a lieu et Guillaume est arrêté et incarcéré à la Santé sous l’inculpation de recel d’objets volés. Géry Piéret écrit au juge d’instruction pour innocenter Apollinaire ; une pétition demande sa libération. Apollinaire est relâché après une semaine de détention. Cette expérience le laisse plein d’amertume : la presse s’est déchaînée sur lui (On peut lire des manchettes qui titrent : Le Polonais Kostrowitsky à la tête d’une bande de voleurs internationale d’œuvres d’art. Dans l’Œuvre, hebdomadaire de Gustave Téry, Urbain Gohier le présente comme un pornographe et un métèque.) ; sa photo paraît alors dans la presse. Il provoque son déménagement, certains de ses amis l’ont lâché, et cette aventure n’est pas étranger à la fin de sa liaison avec Marie Laurencin... et, sans doute, à son engagement volontaire en août 1914. Le poète, qui n’a pas encore été mis hors de cause dans l’instruction ouverte pour le vol de statuettes, craint de se voir expulsé de France. En 1913, Apollinaire accompagne à Berlin Robert Delaunay qui expose à la galerie allemande Der Storm (La tempête) qui représente un mouvement culturel allemand organisé autour d’une revue du même nom. A l’aube de la première guerre mondiale, on voit donc des membres de l’intelligentsia française et allemande refusaient la fatalité de la guerre qui va bientôt séparer les deux cultures. Apollinaire fait une conférence à Berlin : il évoque l’interprétation de la peinture et de la poésie. Certains considèrera cela comme une propagande pour le cubisme qui n’est pas encore reconnu à l’époque par les instances de consécration. Le 31 juillet 1914, c’est la mobilisation générale. Rapidement il exprime le désir de s’engager. Dès le 10 août il signe à Paris une demande d’engagement mais on ne l’accepte pas car il est suspect parce qu’étranger. On se rappelle qu’Apollinaire soufre d’un complexe de bâtardise, en s’engageant il pense pouvoir conquérir la reconnaissance qui lui était refusée. Bibliographie L’Enchanteur pourrissant (1899/1904) Guillaume Apollinaire, à la FNAC. | Dernières brèvesActualités
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